Accueil > Qu’est-ce que la platitude ? (zaz)

Qu’est-ce que la platitude ? (zaz)

Publie le lundi 16 mars 2009 par Open-Publishing
6 commentaires

Avertissement :

L’Ocsena est un collectif critique qui considère l’humour comme l’arme heuristique et démocratique par excellence. Il peut se trouver de fait que nous soyons très mauvais, par chance c’est notre meilleur côté.

*******************************

1. Commençons pour la fausse facilité que constitue une occurrence récente particulière de Ségolène

La platitude, nous semble-t-il, si on tient aujourd’hui comme ça à la chercher, commence hier et même avant-hier de très bonne heure, avec Ségolène (qui n’aurait pas pour tout l’or au monde sans doute raté son tour sur le sujet et qui le fait à l’insu possible de son plein gré) dans le Figaro. "La présidente de la Région Poitou-Charente, Ségolène Royal (PS) a estimé qu’avec le décès d’Alain Bashung, la France perd un de ses plus grands chanteurs". ...

Paf ! il faut absolument relever-disséquer ça. On appelle normalement platitude une chose qui va de soi et n’a aucun besoin d’être énoncée. En l’occurrence, c’est nettement le cas. La platitude est considérée comme une faute de goût, néanmoins Ségolène et le Figaro l’ont quand même fait. Dont acte !

Il est vrai que dans les moments d’émotion collective la platitude est tolérée, sans doute est-elle même plus que cela, peut-être est-elle recommandée. Ça s’appelle aussi hommage. Bashung n’a pas manqué d’hommages, c’est bien ! Même la pesante et ordinairement imbécile cérémonie des Victoires de la musique s’est réhumanisée cette année en songeant in extrémis à honorer Bashung.

Bref bref, on a vu hier soir toutes les bonnes fréquentations qu’on ne lui connaissait pas forcément, surtout du côté de Barbés-Goutte d’or, qui sont venues parler dignement de Bashung à la télé. Alors pourquoi pas Ségolène dès le matin ? Oui c’est vrai ça, pourquoi pas ?

Remarque on peut en même temps se demander pourquoi Ségolène ?

Figaro te le dit dans son propre libellé : Ségolène Royal, du PS, est présidente de la très flamboyante région Poitou-Charente. Bon on le savait, mais ça suffit peut-être pas.

 Elle est candidate à la présidence de la république au cas où tu l’ignorerais.

 Je ne l’ignore pas !

Il y a de nombreuses raisons qui font parler le Figaro sans qu’on sache qu’elle est la bonne, sans compter qu’il peut y avoir des bonnes qui ne se disent que parce qu’elles sont intentionnellement -on le parie- mauvaises.

Raisons de parler de Ségolène, liste non exhaustive :

 La première raison de parler de Ségolène parlant de Bashung c’est qu’elle parle de Bashung : On n’y croit pas.

La deuxième raison de parler de Ségolène parlant de Bashung c’est qu’elle parle de Ségolène. On y croit mieux.

Bon ben ! on va pas faire suer tout le monde avec Ségolène et le pauv’ Bashung. Au Figaro, on parle de Ségolène parce qu’il faut bien entendu faire du papier d’abord. Ségolène peut s’exprimer sur la Corrida, le Guatemala, l’excision, la circoncision, l’emploi du participe passé avec avoir, les paradis fiscaux, etc. etc.... La grande qualité majeure de Ségolène est qu’elle peut parler de tout.

La deuxième raison pour le Figaro de parler de Ségolène qui parle toujours est de lui faire beaucoup du tort. La presse de droite y a réussi de la plus extraordinaire façon. Que Ségolène vieillisse de dix ans et le temps sera venu dans les familles où certains diront au petit : "Mange tes carottes, où j’appelle Ségolène !"

Pitié pour Ségolène ! La platitude touche aussi le président avec des nuances propres.

2. Platitude "intelligente" au niveau le plus haut : cas de la Présidence et du gouvernement

Dans le Figaro encore, Nicolas Sarkozy justifie le retour de la France dans l’OTAN :

"C’est l’intérêt de la France et de l’Europe"... la France sera plus forte et plus influente... la France doit co-diriger plutôt que subir... "Une fois rentrés, nous aurons toute notre place dans les grands commandements alliés".

Quand on y réfléchit c’est pas mal du tout ! Affirmations, apparent bon sens, proverbes acquis : au fond Sarko justifie sa position par procédés classiques déjà rodés. "L’union fait la force", "il faut pas laisser sa chaise vide", "pour aller loin il faut partir de haut", "la fréquentation des grands est meilleure que celles des croquants".

Nous ne nous prononcerons pas ici centralement sur la question concernée pour ne pas nous détourner de la conversation. On notera seulement que les deux hémicycles de la France politique sont franchement ou pour ou contre, aucun parti ni aucun journal n’est allé jusqu’à exprimer -ce qui eût paru irresponsable- qu’il n’y en avait au fond rien à sucrer ou qu’il y en avait, dans un contexte purement probilitaire et de rationalité limitée, que pure indécidabilité.

Par rapport à Ségo, Sarko quitte la platitude de situation pour la platitude subtile de mots. Il se place d’emblée dans le discours et la représentation. Ceci seulement pour prévenir que la platitude n’est pas seulement utile en convenance, la platitude est utile, fonctionnelle veut-on dire, au niveau conceptuel. Evidemment les ministres qui sont nettement moins doués versent dans le plutôt comique :

 Hervé Morin : la France sera "la tête et les jambes de l’OTAN." (Le Parisien)

On ne résiste pas à citer au passage la déclaration en vérité trahi-comique du même irrésistible Hervé Morin, ministre de la Défense :

 "L’action dans laquelle un soldat français a trouvé la mort samedi en Afghanistan s’apparentait à une opération de guerre, a -t-il déclaré. Allons bon !

D’où le titre de Libé : "un débat surréaliste."

3. Fonction profonde de la platitude dans la société moderne

Il nous semble que la France a délibérément choisi, en complète conscience, la platitude. Cela sitôt dit, on présume que la platitude a quand même toujours existé, selon des degrés et selon des formes datées et dans les styles d’époque appropriés. La platitude d’aujourd’hui doit beaucoup comme on sait aux médias, aux journaux, aux politiques.

C’est aux politiques qu’on fait dire régulièrement le plus de platitudes. On les croyait choisis pour nous représenter, on croit comprendre que c’est surtout pour s’exprimer. En fait si on y regarde de près, la platitude remplit la peau du visage, des seins et des fesses comme le fait si bien le tissu conjonctif et le botox. La platitude assure le contact, la coopération, la solidarité. Vous imaginez si Ségolène faisait à tout bout de champ de hautes déclarations sur la relativité générale ou le boson de Higgs ! Vous imaginez si Sarkozy nous livrait des causeries portant exclusivement sur la pensée augustinienne ?

Derrière la fonction phatique objectivement sympa qui apparemment nous baigne (tu m’aimes ? oui, chérie), il y a une fonction seconde incontestablement appareillée en tenue de camouflage avec des tas de taches. Derrière le côté cosy, il y a notamment non-vu le close mortal combat., le poignard dans la nuque jusqu’au cervelet, l’écrasement vagal des couilles et de la glotte qui sert à autre chose.

La platitude n’est nullement moche dans l’absolu, elle est l’opium du peuple, on peut si l’on veut la chanter avec des cantiques . D’ailleurs aurait-on voulu la supprimer rien n’eût été plus facile. On aurait pu décréter que les députés étaient par exemple présumés incorruptibles, mais que pour en être sûr ils n’avaient le droit de parler à aucun loup ni à aucune brebis.

Si cela avait paru trop sévère et trop vertueux, on aurait pu décider que chaque député n’était autorisé qu’à six communications publiques par an (en Scandinavie ça doit, je crois, être presque comme ça !) .

L’intéressant en fin d’année est que certains auraient donné dans le rattrapage : on aurait eu au mois de décembre des conseils poétiques et pratiques sur l’élagage des arbres, sur les recettes de la tarte aux pommes, on aurait eu plein de bonnes et ingénieuses choses.

Dans la vie camouflée qui s’abrite sous la bonhomie conviviale et pseudo-égalitaire de la platitude à ses pluri- niveaux, il n’y a pas que l’affrontement camouflé direct de la lame que nous évoquions plus haut , il y a aussi l’indirecte stratégie plus subtile qui distille par petits violents poisons : Oh les poisons ! la méritocratie, la hiérarchie des grandes écoles, les prépa, les familles organisées, les artistes à fric, les nuls médiatiques de la télé...

Sous l’apparente nullité omniprésente que nous appelions platitude, la France dissimule ce qu’elle est : une société de fondamentale inégalité, une société toujours de classe, nous sommes dirigés par le Who’s who et par l’ignoble Bottin mondain.

4. En conclusion

Français ! veillez à une chose fondamentale ! : Même quand la presse vous irrite au plus haut point, ne vous laissez pas piéger en croyant que vous réagissez et pensez bien, elle le fait exprès, son vrai boulot par cette astuce facile est de vous dissimuler ce qui ce joue contre vous.

Mais bon, ça c’est tout un boulot que de le voir !

Amis, imprécateurs du web, aiguisez toujours mieux vos couteaux. Les politiques s’appliquent à passer et se faire passer pour des cons afin de masquer leur véritable côté salaud. Rien n’a changé depuis les Wisigoths !

.........................................................

Alain Serge Clary et les Inoxydables philosophes de l’Ocséna vous saluent bien !

................................................

Les Pensées zaz de l’Ocséna

Ocséna, Organisation contre le système-ENA et pour la démocratie avancée

 http://ocsena.ouvaton.org

Messages

  • Qu’est-ce que la platitude ?

    Euh..C’est comme la bravitude mais... pour les plats, nan ??? ok je sors ;-)

    La Louve

    • Après l’invraisemblable déculottée historique que le 15 d’Angleterre vient d’infliger dimanche au 15 de France, il serait temps quand même de sanctionner quelques responsables français.

      C’est l’occasion ou jamais par exemple de virer Bernard Laporte !

      -Oui mais Bernard Laporte n’est plus responsable de rien, ni de la sélection ni de l’entrainement, Bernard Laporte est devenu Ministre.

      -Ok, certes ! mais virer Laporte chacun justement comprendrait que c’est clairement pour l’exemple.

      Ouais ben , la platitude c’est qu’on va bien sûr rien faire, on va garder Laporte.

    • Dans l’absurdité générale de ce foutu pays se faire du Laporte serait somme toute un come back décisif vers plus de sens.

    • A côté de ça, faut bien le concéder, y a eu des platitudes géniales à grand succès : "Veni vidi vixi" fallait quand même le trouver.

      Aujourd’hui Ségolène nous sort : « Le gouvernement est méprisant, incompétent et obstiné ». Littérairement c’est pas très classe mais alors qu’est-ce que c’est précisément juste sous le rapport de la vérité.

    • Hortefeux : "Ce ne sont pas des défilés qui permettront de sortir de la crise" (Le point.fr)

      A la qualité intelligente du propos, on voit en tout cas que c’est pas Hortefeux non plus.

    • Trop rigoulo ces Turcs !

      Membres de très fort calibre de l’OTAN, très présents en Afghanistan, servables et corvéables à merci, les Turcs viennent de rappeler aux européens qu’ils ont le sens de l’humour. Las d’être refusés à l’entrée de l’Union européenne pour des raisons miteuses ou très vaseuses, ils ont refusé à leur tour d’entériner dans le même esprit la nomination de M. Anders Fogh Rasmussen premier ministre danois comme secrétaire général de l’organisation.

      Leur argument premier a été que d’abord, Rasmussen, ça faisait pas sérieux pour diriger l’atlantique nord. Avec un nom comme ça, d’habitude, on est dans le polaire, on fait des expéditions arctiques ou antarctiques.

      Finalement à 16h30, ils ont cédé en tapant sur le dos de tout le monde et en servant abondamment de la raki.