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Chère Martine, je quitte le PS pour rejoindre le NPA

Publie le jeudi 19 mars 2009 par Open-Publishing
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Chère Martine, je quitte le PS pour rejoindre le NPA
Mediapart.fr

Philippe Marlière, maître de conférences en science politique à University College de Londres, adhérent du PS depuis 1989, explique pourquoi il rejoint aujourd’hui le NPA : « De cette expérience militante, je retiens que des obstacles politiques et institutionnels majeurs empêchent toute réorientation à gauche du PS »,écrit-il.

Voici la lettre qu’il a envoyé à la première secrétaire, Martine Aubry :

Chère Martine,

J’ai décidé de quitter le Parti socialiste auquel j’appartenais depuis vingt ans et de rejoindre le NPA.

J’ai côtoyé dans ce parti des militants et des dirigeants qui souhaitent sincèrement rompre avec les politiques néolibérales qui ont été mises en œuvre par la droite, mais aussi par le PS depuis plus de vingt ans. Je me rends aujourd’hui à l’évidence : ces socialistes sont minoritaires dans le parti.

Je déplore que de nombreux dirigeants utilisent le PS comme un marchepied pour assurer la promotion de leurs carrières personnelles. Le jeu des courants - à l’origine démocratique - a été perverti par les baronnies du parti. Celles-ci s’en servent pour museler les débats internes et composer et recomposer des majorités molles, sans ligne directrice politique et sans ciment idéologique. Les onze années du « leadership » de François Hollande ont été symptomatiques du profond déclin politique et intellectuel d’un parti dominé par les querelles et ambitions personnelles.

Depuis le milieu des années 80, le PS s’est adapté par paliers successifs au modèle anti-social et anti-démocratique du capitalisme financier, quand il ne l’a pas lui-même favorisé : loi de déréglementation financière du gouvernement Fabius, Acte unique européen conçu par François Mitterrand (qui a permis la directive Bolkenstein), traité de Maastricht (interdiction aux pouvoirs publics d’emprunter auprès des banques publiques ; programme de libéralisation des services financiers), stratégie de Lisbonne soutenue par le gouvernement Jospin (privatisation de certains services publics), traité constitutionnel et sa copie conforme, le traité de Lisbonne (interdiction des restrictions aux mouvements de capitaux).

Après l’élection de Nicolas Sarkozy, nul dirigeant ne s’est ému de ce que près d’un quart des ministres du gouvernement Fillon soit issu du PS. Nul dirigeant n’a demandé l’exclusion du parti de deux socialistes devenus directeurs du FMI et de l’OMC ; deux institutions dont les politiques monétaristes sont pourtant incompatibles avec les valeurs et politiques socialistes.

Ces dix dernières années, le PS s’est « présidentialisé » avec l’élection du premier secrétaire au suffrage direct des militants. La compétition interne pour la candidature à l’élection présidentielle obsède un nombre croissant de « petits chefs » qui croient en leur destin national. Tu es bien placée pour savoir à quel point ce système est délétère, car il s’en est fallu d’une poignée de votes pour que tu ne soies battue au poste de premier secrétaire par Ségolène Royal, dont la motion n’a pourtant pas recueilli un tiers des voix militantes.

Depuis ton arrivée à la tête du parti, tu as pris deux décisions qui vont certainement accentuer la crise du parti, à coup sûr t’aliéner la gauche du PS : d’une part, tu as engagé le parti sous la bannière du Manifesto rédigé par le Parti des socialistes européens. Dans cette plate-forme électorale, le PSE réaffirme son soutien au traité de Lisbonne, un copié-collé du traité constitutionnel européen rejeté par 55% des Français (dont 59% d’électeurs socialistes). En soutenant le traité de Lisbonne, le PS continue de conforter l’Europe du libre échange. D’autre part, tu as invité les royalistes à rejoindre la direction du parti. A Reims, tu t’étais pourtant engagée à re-positionner le PS a gauche et à constituer une direction resserrée. Plus grave encore, tu as remis en selle ceux qui militent pour que le PS se transforme en parti démocrate de type italien ; une formation qui serait compatible avec les idées et politiques du Modem. En faisant cela, tu as trahi la confiance des camarades qui, en votant pour toi, ont souhaité mettre en échec le projet de Ségolène Royal.

Je quitte le PS et rejoins le NPA pour rester fidèle à mon combat pour la justice sociale ; un combat auquel le PS tourne de plus en plus le dos. Il s’agit d’un acte cohérent avec mes idées et mon engagement socialistes. Rassemblant diverses traditions progressistes, le NPA incarne le mieux à gauche la résistance à la réaction sarkozyste. Pour cette raison, il attire un nombre croissant de jeunes, de femmes et de laissés pour compte du système capitaliste. Il remplit le rôle de porte-parole du peuple que le PS a abandonné. Je souhaite que les socialistes qui s’opposent à la blairisation du PS et de la social-démocratie européenne fassent le même choix que moi.

Reçois, chère Martine, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Philippe Marlière

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