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Italie : Quand le chaos succèdera aux pantalonnades

Publie le jeudi 22 juillet 2004 par Open-Publishing

MARCO GREGORI

Mercredi 21 Juillet 2004

Silvio Berlusconi est aux abois : sa coalition se déchire et les finances publiques sont dans un état catastrophique.

Etonnant paradoxe de la politique italienne : c’est au moment où l’opposition parlementaire et le mouvement social font preuve de la plus grande retenue que le Gouvernement italien de Silvio Berlusconi est au plus mal. Une crise sans précédent dans l’histoire récente et pourtant tourmentée des institutions de la Péninsule. Si, du temps de la première République, morte il y a une dizaine d’années, les exécutifs tombaient plus souvent qu’à leur tour, leur reconstitution immédiate garantissait la permanence du système, fait de compromis entre la gauche et la toute-puissante démocratie-chrétienne.

Mais avec la politique bipolaire actuelle, pareille stabilité n’est plus possible. Que des lézardes apparaissent et c’est tout l’édifice qui menace de s’écrouler. Or, depuis quelques semaines, celles-ci sont de plus en plus béantes et nombreuses.

AMÈRE DÉFAITE

Jeudi, la Cour constitutionnelle italienne a partiellement annulé la nouvelle loi sur l’immigration. Elle a jugé illégitimes les dispositions prévoyant des mesures d’expulsion accélérées et la norme rendant obligatoire l’emprisonnement d’un immigré qui refuserait de quitter le pays dans les cinq jours impartis.
Le gouvernement a immédiatement annoncé qu’il la modifierait en conséquence très prochainement. Il n’empêche : se voir refuser un texte qui constituait l’un des principaux chevaux de bataille de la politique démagogique et populiste menée par la majorité résonne comme une amère défaite.

Comme un malheur ne vient jamais seul, le gouvernement Berlusconi doit également affronter le désappointement de Bruxelles à l’égard des finances publiques de l’Etat italien. Dire qu’elles sont catastrophiques relève de l’euphémisme. Et là, tout s’enchaîne. L’économie italienne est au point mort, alors que le « modèle » américain sur lequel Berlusconi base l’essentiel de sa politique connaissait jusqu’à récemment une brise favorable. Ayant échoué là où elle aurait dû connaître son succès le plus éclatant, la coalition au pouvoir - la Maison de la liberté - a été sanctionnée par les citoyens lors des récentes élections régionales et européennes.

Dès lors, les rancoeurs et les inimitiés qui couvaient au sein de la Maison peuvent éclater au grand jour. Le vice-premier ministre Gianfranco Fini demande et obtient la tête du ministre de l’Economie et des Finances Giulio Tremonti.

CAMOUFLET SUR LA RAI

Parallèlement, les centristes démocrates-chrétiens de l’UDC réclament des modifications sur le projet de loi instituant le fédéralisme. La manoeuvre a valeur d’attaque frontale contre les « alliés » de la Ligue du nord. Poursuivant sur sa lancée, l’UDC s’en prend aux responsables de la RAI. En commission parlementaire, elle réussit à faire passer une motion demandant le renouvellement du conseil d’administration de la télévision publique façonné à l’image du premier ministre, qui subit ainsi un nouveau camouflet.

Ayant désormais des intérêts convergents, Gianfranco Fini et Marco Follini, le leader de l’UDC, ont essayé de pousser le reste de la Maison de la liberté dans ses derniers retranchements. La tactique consistait à voir si l’axe Fini-Follini aurait pu, en faisant entrer le chef de l’UDC à l’exécutif, modifier l’allure de celui-ci.

BOSSI PART

Berlusconi les a pris de vitesse en nommant, vendredi, Domenico Siniscalco ministre de l’Economie. L’homme jouissant d’une bonne réputation tant à gauche qu’à droite, les apparences auraient pu être sauves. Mais la Ligue du nord a alors affiché publiquement son désaccord. Jusqu’au dernier moment, elle espérait le retour de Tremonti, ne serait-ce que pour clouer le bec au duo Marco Follini- Gianfranco Fini. Du coup, Umberto Bossi, le très populiste vociférateur et maître incontesté de la Ligue du nord, a quitté le Ministère des réformes fédéralistes. Il a mis en avant ses ennuis de santé - réels - et annoncé que, même s’il se sentait trahi, son parti ferait preuve de loyauté et resterait au gouvernement. Jusqu’à nouvel avis. Car on se souvient encore qu’il y a dix ans, le départ de la Ligue du nord avait précipité la chute du premier gouvernement Berlusconi.
En 2001, il Cavaliere bâtissait son équipe gouvernementale autour de quatre hommes : Tremonti, Bossi, Fini et lui-même. Les deux premiers ne sont plus là, le troisième a le poignard dans sa poche et le dernier est aux abois. Ils sont désormais peu nombreux à miser sur la survie de ce gouvernement jusqu’à la fin de l’automne. Dès septembre, il faudra s’attaquer à un gros morceau : le budget de l’Etat. Entre les promesses de baisse des impôts, le déficit criant et les menaces de démantèlement qui pèsent sur à peu près tous les secteurs publics, la saison des feuilles mortes risque de se transformer en chaos.

Que les pantalonnades de ces dernières semaines n’occultent pas l’essentiel ! Lorsqu’elle a été en mesure de gouverner, l’actuelle coalition n’a misé que sur l’autoritarisme et la confrontation avec les mouvements sociaux. Gênes n’a pas oublié qu’il y a trois ans pratiquement jour pour jour, Carlo Giuliani mourait, victime de la répression policière durant le G8.

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