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La France obtient le retour de quatre de ses ressortissants

Publie le mercredi 28 juillet 2004 par Open-Publishing

de Mina Kaci

Après trente mois de détention et de longues négociations entre Paris et Washington, 4 détenus français sur 7 ont quitté la base militaire américaine pour être remis aux autorités françaises. Ils sont entendus par la DST.

Les États-Unis ont enfin consenti à libérer quatre des sept Français arrêtés dans le cadre de la lutte antiterroriste en Afghanistan et au Pakistan, et à les remettre aux autorités françaises. Imad Kanouni, Brahim Yadel, Mourad Benchellali et Nizar Sassi étaient hier de retour dans leur pays, après avoir passé pas moins de trente mois sur la base militaire américaine de Guantanamo (Cuba), un camp de détention montré du doigt pour ses privations des droits de l’homme les plus élémentaires. Transférés dans les locaux de la DST, ils sont depuis hier entre les mains du juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière, chargé d’une information judiciaire sur eux depuis novembre 2002.

Cette nouvelle situation des détenus résulte d’une difficile et longue négociation entre la France et les États-Unis, surtout depuis fin 2003. Mais elle intervient aussi sans doute grâce à l’acharnement du comité de soutien à Mourad Benchellali et Nizar Sassi, deux jeunes originaires de Vénissieux (Rhône). Celui-ci a entrepris initiative sur initiative pour faire sortir les ressortissants français de la base inhumaine de Guantanamo et permettre ainsi qu’ils soient jugés sur le territoire national. Particulièrement impliqué dans ce dossier, le député maire de Vénissieux, André Gerin, n’a pas hésité à effectuer un voyage jusqu’aux États-Unis, en mars 2004, dans le cadre d’une délégation européenne. Aujourd’hui, il salue " la victoire du droit " (voir ci-dessous).

Mauvais état psychologique

Tout au long de ces années de combat pour le transfert des prisonniers, avec le comité de soutien et les avocats, il a " exigé le respect des garanties du droit international ". Pour l’heure, il dit s’inquiéter de l’état de santé des rapatriés. Une inquiétude partagée par Me Jacques Debray, avocat des deux Vénissians. Selon lui, " les dernières nouvelles indiquaient un mauvais état psychologique ". Mais, arrivés hier en début d’après midi sur la base aérienne d’Évreux, après s’être vu notifier leur placement en garde à vue, les quatre hommes subiront un examen médical, notamment pour vérifier que leur état de santé est compatible avec les mesures de garde à vue.

Tout en se réjouissant de la libération des quatre ressortissants français de la base de Guantanamo, les avocats s’interrogent sur les éléments solides qui ont prévalu à l’arrestation des Français. Me William Bourdon, l’autre avocat des deux Vénissians, regrette de " n’avoir aucune lisibilité sur les critères de choix " des États-Unis de ne rapatrier que quatre détenus français sur sept. Interrogé sur l’existence d’éventuelles conditions posées par les Américains à la remise de ces prisonniers, l’avocat estime que la France n’a pu s’engager que sur la présentation des hommes à un juge d’instruction, mais pas sur leur incarcération, car en France la décision de placer ou non en détention " relève d’un juge indépendant, le juge des libertés et de la détention ".

Pour sa part, André Gerin dit faire " confiance à la justice française pour que toute la lumière soit faite et nous permette de répondre à nombre de questions et d’interrogations : quelle a été la nature des tractations diplomatiques et judiciaires avec les autorités américaines ? Quel est le contenu de l’information judiciaire ouverte par le parquet ? ". Autant de zones d’ombre dans cette affaire que n’a pas manqué de commenter le président de la République. Depuis Madagascar, où il effectue une visite éclair, Jacques Chirac a déclaré que " la justice se prononcera " et a indiqué que Paris poursuivait " les discussions avec les autorités américaines pour obtenir la remise des deux ou trois autres " détenus français (la nationalité française du septième étant incertaine).

Ces quatre transferts en France interviennent après une série de mesures identiques prises en faveur de prisonniers disposant de la nationalité d’un pays européen. Cinq Britanniques ont ainsi été libérés en mars dernier. En février, l’unique Espagnol avait été rapatrié. Un Allemand est également détenu à Guantanamo et son avocat exige sa libération depuis une décision de la Cour suprême des États-Unis octroyant aux prisonniers le droit de contester leur détention devant un tribunal civil. Après cette affaire, les États-Unis ont annoncé qu’ils envisageaient de relâcher certains des quelque 600 prisonniers sur cette base militaire pour éviter la multiplication des recours judiciaires. Élection présidentielle oblige ?

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-07-28/2004-07-28-397978