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Dérive sécuritaire sur le Net

Publie le samedi 31 juillet 2004 par Open-Publishing
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Dans son dernier ouvrage, Tous Cybercriminel, l’avocat Olivier Iteanu s’inquiète de la tournure inquiétante que prend actuellement la régulation d’Internet

Ceux qui le connaissent le savent, Olivier Iteanu n’écrit pas sur Internet pour céder à des considérations de mode ou de tendance. Pionnier du droit des nouvelles technologies, il s’intéressait à des affaires de piratage dès 1995 avant de se voir confier la très honorifique fonction de président du chapitre français de l’Internet Society jusqu’en mars 2003. Le cri d’alarme qu’il lance n’en a donc que plus de portée.

Au delà de son légendaire sens de la formule, si il a voulu le titre de son livre plus que provocateur, c’est pour attirer l’attention de tous ceux qui animent le réseau aujourd’hui sur l’inadaptation de notre droit national aux crimes et délits qu’il est censé combattre au sein du Cybermonde. Pour Olivier Iteanu, il existe quatre niveaux de normes bien distinctes dont il est nécessaire de respecter la cohérence afin de gouverner au sein de l’espace virtuel et non pas se contenter d’y légiférer. Au sommet de la pyramide se trouve donc le droit, celui que le législateur tente d’adapter actuellement, sous lequel figure un ensemble de règles liées aux pratiques et usages en vigueur sur le Net. Netiquette pour les uns, autorégulation pour les autres, fait morphologique pour les sociologues, cet ensemble conventionnel existe bel et bien aujourd’hui et possède son importance. Ensuite, les acteurs du marché sont également des acteurs incontournables et enfin, la technique, hier omnipotente et aujourd’hui parfois oubliée, doit aussi retrouver sa place à l’intérieur du système qui s’est mis en place.

En ne prenant en compte que le premier niveau du droit, le législateur actuellement impliqué dans la définition de textes importants comme la Len, loi de confiance dans l’économie numérique, ne peut produire qu’un dispositif inadapté aux situations de fait qui se font jour sur le réseau, explique Olivier Iteanu. Selon lui, c’est le manque de connaissances et de pratique du Net du législateur français qui serait en cause aujourd’hui. Cumulé à une inadaptation de notre droit national à traiter ce genre de problématique, contrairement au droit anglo-saxon plus souple, ceci se traduirait par une politique de plus en plus répressive et surtout peu apte à la protection des internautes.

Scandalisé par une dérive sécuritaire qu’il impute au manque de fréquentation du cybermonde par le législateur français, l’avocat s’indigne en particulier de situations étranges. Citant l’un de ses amis, il explique que lorsque dans la vie réelle, un adolescent se fait prendre à taguer un mur, il écope d’une petite amende et d’un temps de travail d’intérêt général tandis que dans le monde virtuel, ce dernier pourrait se voir condamné à une peine de prison ferme.

Idem pour la contrefaçon ou le peer to peer ou la loi Perben 2 ne fait que doubler les peines par principe sans se soucier des pratiques en vigueur sur le réseau. Une situation qui conduit la loi française à punir de trois ans de prison et de 300000 euros d’amende aussi bien le pirate industriel basé en Asie, impliqué dans la distribution et la revente de films et disques contrefaits, que le lycéen qui aura téléchargé un fichier MP3 un soir chez lui.

Pour l’avocat, les dangers de la politique du tout répressif choisie par les autorités françaises seraient tels qu’ils seraient de nature à briser le rève vieux de quelques années d’un internet universel et quasi gratuit à disposition de tous. En s’adonnant à un minimum de prospective à court terme, Olivier Iteanu pense que les grands acteurs du réseau que sont les entreprises, fatigués des errances de jeunesse du Net et du manque d’indulgence du législateur, vont progressivement se retrancher derrière des réseaux fermés et que l’internet pour tous se réduira bientôt à sa partie congrue.

Naturellement, il ne s’agit pas pour Olivier Iteanu de se livrer à l’apologie du piratage et du cybercrime. Cependant, les textes passés actuellement seraient plus de nature à protéger les industriels au détriment des auteurs et des consommateurs. Une situation qui se traduira à terme par un réel déséquilibre au lieu de conduire à une pratique ouverte et adulte de l’Internet.

Tous Cybercriminels
Olivier Iteanu
Editions JML

http://digipressetmp4.teaser.fr/site/home.php?presse=1&art=0&debit=9

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