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Les "remèdes de charlatan" du président Bush

Publie le mardi 3 août 2004 par Open-Publishing

de Hoda Saliby

Les déclarations du président américain George W. Bush concernant la refonte des services de sécurité et de renseignements, sur fond d’annonce de menaces terroristes et d’alerte
orange, laissent la presse américaine et britannique largement sceptique.


"Nous sommes un pays en danger", a déclaré, lundi 2 août, le président américain
George W. Bush lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche, entouré des
principaux membres de son administration et de responsables de la sécurité, relate USA
Today
. Et pour assurer la sécurité des Etats-Unis et la renforcer, "le président
a annoncé la création d’un poste de directeur national du renseignement et d’un
centre national de lutte contre le terrorisme, deux recommandations clés formulées
par la commission parlementaire d’enquête sur les attentats du 11 septembre 2001",
poursuit le quotidien américain. Le centre sera chargé de coordonner le travail
de la quinzaine d’agences actuellement chargées de la collecte et de l’analyse
des renseignements. Mais, contrairement à ce que souhaitaient les membres de
la commission d’enquête, ce superpatron de la lutte contre le terrorisme "sera
nommé par le président mais ne demeurera pas à la Maison-Blanche", précise USA
Today.


John Kerry, le candidat démocrate à l’élection de novembre, s’est tout de suite
emparé des propositions de son adversaire George Bush pour alimenter sa campagne.
Ainsi, immédiatement après l’allocution présidentielle, Kerry a déclaré qu’il
regrettait qu’"il ait fallu presque trois ans [depuis les attentats] pour que
ces recommandations soient adoptées. Nous avons besoin d’un dirigeant et non
d’un suiveur."
"Depuis la publication du rapport de l’enquête [le 22 juillet], les membres de
la commission faisaient pression sur la Maison-Blanche pour la pousser à réagir
rapidement et à procéder à une réorganisation des services de renseignements.
Les informations révélées récemment et faisant état de menaces d’attentats en
provenance du réseau Al Qaida avant les élections de novembre ont accéléré la
prise de décision", relève de son côté l’International
Herald Tribune
. Des menaces qui ont poussé les autorités américaines à augmenter
le niveau d’alerte pour passer à l’orange, notamment à Washington et à New York,
où les centres financiers - la Banque mondiale et le Fonds monétaire international à Washington,
la Bourse de Wall Street, ou encore le siège du groupe financier Prudential Financial à Newark,
dans le New Jersey - seraient visés, rapporte l’IHT.

"Les renseignements sur ces attentats proviennent du Pakistan, suite à l’arrestation
le 13 juillet 2004 de Muhamad Naeem Noor Khan, un ingénieur en informatique qui
serait l’un des opérateurs travaillant sur le système de communication d’Al Qaida.
Des données saisies sur son matériel informatique ont été communiquées à Washington à partir
du vendredi 30 juillet. C’est l’association de ces données à d’autres collectées
par les services américains qui aurait poussé les responsables à augmenter le
niveau d’alerte aux Etats-Unis", explique de son côté le quotidien britannique The
Independent
. Mais le journal reste prudent, notamment en ce qui concerne
les initiatives annoncées par le président américain sur la réorganisation de
la collecte et de l’analyse des renseignements, et titre en manchette : "Un pays
en danger ou un président en péril ?"

Son confrère The
Daily Telegraph
consacre aussi sa manchette aux menaces d’attentats qui pèseraient
sur les Etats-Unis comme sur le Royaume-Uni. "Néanmoins, les réactions dans les
deux pays sont nettement différentes", souligne le quotidien. "Alors qu’aux Etats-Unis
les cibles ont été publiquement révélées et le niveau d’alerte augmenté, au Royaume-Uni
les cibles éventuelles des terroristes sont tenues au secret et le gouvernement
se refuse à adopter des mesures similaires à celles mises en place par les Américains,
en estimant qu’elles risqueraient de provoquer une ambiance de panique non souhaitable."

The
New York Times
semble partager cet avis, qui titre son éditorial : "La
mauvaise solution de Bush." Le ton du quotidien américain est clairement
critique : "Alors que les Américains ont besoin d’un dirigeant fort et d’une
action hardie, le président Bush offre des remèdes de charlatan et des demi-mesures à caractère
bureaucratique." Les autorités ont, certes, eu raison de prendre des précautions
et d’instaurer des nouvelles mesures de sécurité, poursuit le New York
Times,
avant d’enfoncer le clou : "Mais, malheureusement, un rapport
publié aujourd’hui, mardi 3 août, par The Times de Londres révèle
que les données dont fait état l’administration pour justifier l’augmentation
du niveau d’alerte datent en réalité d’il y a trois ou quatre ans. Il n’y
aurait donc pas de preuves concrètes indiquant l’imminence d’une attaque
terroriste. Ces informations ne sont pas du genre à redonner confiance aux
Américains. Le moment choisi par Bush ne peut que faire augmenter la suspicion
chez les électeurs qui décèlent une utilisation des services de renseignements à des
fins électorales."

L’éditorialiste du Financial
Times
exprime également ses doutes sur "les alertes inhabituelles" proclamées
par les Etats-Unis, et souligne que "James Wolfensohn, le directeur de la Banque
mondiale, a précisé dimanche à ses employés qu’il n’y avait pas d’informations
indiquant un moment précis pour des attaques terroristes ou suggérant leur imminence." Le FT relève
que les annonces de l’administration Bush ont créé des secousses sur les marchés
en signalant notamment la hausse enregistrée par les prix du pétrole. Mais le
quotidien financier conclut sur un ton qui se veut optimiste : "L’envolée des
prix du pétrole, largement due aux risques géopolitiques, aura inévitablement
un impact sur la croissance économique. Les entreprises et les particuliers devraient
apprendre à vivre avec ces incertitudes mais sans se laisser aller à une panique
excessive. Jusqu’à maintenant, ils ont su le faire. Espérons qu’ils continueront."

http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=25363&provenance=accueil&bloc=01