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Venezuela : Dans les quartiers pauvres, le « comandante » Hugo Chavez fera le plein des voix

Publie le vendredi 13 août 2004 par Open-Publishing

de Vincent Taillefumier

Quelque 14 millions de Vénézuéliens doivent décider dimanche du maintien ou de la révocation de leur président de gauche, lors d’un référendum inédit. Le scrutin devrait mettre fin à deux ans d’incertitude politique et calmer les milieux pétroliers.

Après quatre ans de vie à tâtons, Sonia Sierra y voit à nouveau. « J’ai des yeux tout neufs », répète-t-elle dans le nouveau centre de santé de son quartier de Tacagua Vieja, à Caracas. Là, dans l’enchevêtrement de collines desservies par des chemins sinueux, elle raconte le détail de son opération de la cataracte à Cuba, d’où elle est rentrée lundi. « Tout ça grâce à notre commandante ! », se réjouit la jeune grand-mère.

Son « commandante », le président Hugo Chavez, qui affronte dimanche un référendum de révocation de son mandat, l’observe depuis une affiche, souriant sur les murs du quartier. Elu depuis 1998 en prônant une « révolution bolivarienne » sociale, l’ancien lieutenant-colonel parachutiste a lancé il y a un an et demi une série de « missions » pour apporter santé, éducation et formation aux plus démunis, dans un pays où une personne sur trois vit avec moins de deux dollars quotidiens. Sans débourser un bolivar, Sonia Sierra, qui n’a souvent « pas assez pour une aspirine », a ainsi vu débarquer les médecins cubains à Tacagua Vieja, envoyés grâce à un accord entre Chavez et son « grand ami » Fidel Castro, puis est partie pour les hôpitaux de La Havane. Aujourd’hui, elle redécouvre son quartier encore à demi-rural, où les slogans appelant à voter « non » à la révocation du « comandante » ont couvert les murs, les rues et même un pan de colline peint à la chaux.

« Comme un rêve »

« Ces missions sont comme un rêve », affirme Luis Mercado, devant le centre de santé. Vêtu, comme beaucoup d’autres, d’un tee-shirt rouge frappés des slogans du gouvernement, il se rappelle être allé accueillir Chavez à sa sortie de prison, après sa tentative de putsch en février 1992 : « Il voulait déjà travailler pour le peuple, c’est notre leader naturel », explique-t-il entre deux citations de Gandhi et Ho Chi Minh. Aujourd’hui, tout le quartier ne jure que par le président, hormis quelques dissidents isolés dans leur propre famille.

En contrebas du centre de santé, le bitume cède le pas à la boue et les maisons en dur à quelques cahutes de tôles. Tout près, une poignée de femmes bénévoles préparent tous les jours près de 150 repas, depuis trois mois, grâce aux vivres fournis par l’Etat. « Beaucoup de mes voisins n’avaient qu’une assiette de riz par jour », explique Carmen Torres, une mère qui appartient aux 17% de chômeurs du pays. Elle ne reçoit que le déjeuner en échange de son travail mais, à 40 ans, elle apprend enfin à lire et à écrire lors des cours du soir gratuits grâce auxquels un million d’adultes auraient été alphabétisés. Elle a accouru quand, il y a deux mois, le président est venu faire le tour du quartier, « en conduisant lui-même ».

Sur une colline proche, certains de ses voisins organisés en coopérative se forment à la culture maraîchère sous la conduite d’un agronome, toujours dans le cadre des « missions ». Après leur travail, sur des parcelles prêtées par des participants, ils repartiront dans les véhicules de l’armée de terre. « Tous les militaires d’Amérique latine devraient remplir des tâches sociales », estime le major Leonardo Raymond, les pieds dans la boue et une ribambelle d’enfants dans les jambes. Cet admirateur de Chavez coordonne la coopérative, dont les membres reçoivent un demi-salaire minimum mensuel pendant un an.

« Après, espère un homme de 30 ans, bêche à la main, nous pourrons vendre notre récolte. » Un client serait déjà assuré : Mercal, la chaîne de supermarchés à prix réduits lancés par le pouvoir, au lendemain de la grève et du blocus de l’opposition qui avaient raréfié les aliments, en mars 2003. Les rayons rudimentaires ont remporté un rapide succès. « Chavez est le premier à utiliser l’argent du pétrole pour aider le peuple », explique, panier à la main, un professeur retraité séduit par les mesures du gouvernement. « Le président a un caractère assez fort, concède l’enseignant en réponse aux critiques d’autoritarisme. Mais il est démocrate. »

C’est ce que réfute l’opposition. La coalition politique hétéroclite qui a dû rassembler 2,5 millions de pétitions pour obtenir la tenue du scrutin. « Mais nous, les pauvres, nous allons tous voter Chavez, lance Carmen. Il ne peut pas partir, et même pas mourir. Qui le remplacerait ? » Dans les rayons du Mercal, le retraité se prépare aussi à refuser la révocation : « J’ai l’impression que notre président nous est prédestiné. »

Source : Le Temps

http://risal.collectifs.net/article.php3?id_article=1069