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Venezuela : Le camp Chavez sûr de lui

Publie le samedi 14 août 2004 par Open-Publishing

de Bernard Duraud

Le référendum révocatoire lancé contre le chef de l’État aura lieu ce dimanche. Forte pression populaire en faveur du président sortant.

Le Venezuela va connaître dimanche l’un des jours les plus longs de son histoire, plus que tourmentée ces dernières années. Le président Hugo Chavez est sous la menace d’un référendum révocatoire réclamé par l’opposition, comme le permet la Constitution. Le référendum, baptisé ici le "15 A" (comme 15 août), mentionne explicitement le nom de Chavez, ce qui ne laisse planer aucun doute sur les intentions de la Coordination démocratique. Cette nébuleuse formée autour de l’ancienne oligarchie au pouvoir compte bien se débarrasser du chef de l’État. Il s’agira pour les Vénézuéliens de mettre ou non un terme au mandat présidentiel, qui doit normalement se terminer en décembre 2006. Si le "non" l’emporte, le président restera en poste. Si le "oui" gagne avec au moins 3,75 millions de voix - le nombre de suffrages obtenus en 2000 par Chavez -, il devra démissionner et un nouveau scrutin sera organisé.

Chavez va-t-il une nouvelle fois s’en sortir après avoir survécu à un coup d’État avorté et à deux mois de lock-out pétrolier ayant laissé le pays exsangue l’an dernier ? Si le dénouement est proche, il est trop tôt pour avoir des certitudes sur l’issue du scrutin. Mais comme le constate Sergio Escarra, concepteur de projets touchant l’économie formelle et informelle, "le mouvement populaire a le vent en poupe". Et il est nettement favorable à Chavez, qui incarne justice et égalité sociale dans ce pays comprenant entre 60 et 80 % de pauvres. Un sondage diffusé fin juillet, réalisée par la société américaine Evans-McDonough, associée à l’institut vénézuélien Varianzas Opinion, vient conforter ce point de vue en avançant une victoire du "non", et donc de Chavez, avec 49 % des voix contre 41 %. La même étude constatait également que, parmi les Vénézuéliens pauvres et la classe ouvrière, qui représentent 80 % de l’électorat, 54 % des sondés s’opposaient à la révocation et 35 % étaient en sa faveur. Chiffres cependant à manier avec précaution, car ils émanent d’enquêtes réalisées par les médias vénézuéliens, pratiquement tous entre les mains de l’opposition, et donc peu crédibles.

Au baromètre de la mobilisation, le peuple est sous pression. Processions quotidiennes, dans les rues du centre, "No" à profusion, non au retour au passé, non à l’oligarchie. En deux clichés superposés, la seule journée de dimanche dernier a donné lieu à quelques enseignements utiles. Dans l’Ouest populaire, sur l’avenue Bolivar, rouge de monde, couleur du ralliement à Chavez, au moins 800 000 personnes ont fait leur répétition générale arborant deux lettres sur leurs tee-shirts, ou leurs casquettes : "No". Pour nombre de Vénézuéliens, ceux notamment descendus des collines pauvres, une volonté exprimée dans le rythme et les percussions en cette journée inondée de soleil : "Uh ! Ah ! Chavez doit rester." Deuxième image à Altamira, quartier opulent et bastion de l’opposition, situé dans l’est de la capitale. Pour donner le change à la "marche" chaviste, les opposants, accompagnés par un groupe rock, les Amigos indicibles, avaient formé une caravane exhibant leurs drapeaux bleus. L’un des chefs de la coordination démocratique, Enrique Mendoza, a pronostiqué une victoire "ample" de l’opposition. Un triomphe loin de se vérifier au moment où il exhortait son monde à chasser Ch vez "démon d’intolérance et de division". À l’heure des Indicibles, il n’y avait pas foule.

La marche forcée vers le référendum, au prix d’une fraude manifeste lors de la collecte des signatures par l’opposition, a aiguisé les tensions. Mais la tenue du scrutin est "plutôt saine pour la démocratie", estime Hector Escobar, fonctionnaire de son état. Partisan du "oui", il pronostique toutefois une victoire de Chavez, qu’il "n’aime pas", mais dont il reconnaît l’implication en faveur des plus démunis. Avec son programme "Consensus pour le pays", la Coordination démocratique n’a, selon lui, rien de sérieux à opposer : "C’est un projet néolibéral, fait pour répondre à un besoin de conjoncture politique, de propagande. La privatisation du pétrole, la réduction des coûts sociaux. Avec un tel programme, ils n’y arriveront pas."

La démocratie ne manque pas de lourdeurs bureaucratiques, de résistances, de clientélisme ou de corruption. Mais, à tous ceux qui l’accusent de tyrannie, d’autocratie ou de vouloir instaurer un régime "castro-communiste", Chavez a affirmé qu’il respecterait les résultats du référendum. La décision d’accepter le défi lancé par l’opposition a nourri les débats dans son propre camp. Les dirigeants de l’opposition ne sont-ils pas les mêmes que ceux qui ont soutenu le coup d’état d’avril 2002 ou le sabotage pétrolier de 2003 ? Chavez a-t-il cédé aux pressions internationales ? Malgré cela, le président a décidé de reconnaître le droit de l’opposition à organiser le référendum révocatoire, sans doute rassuré sur ses chances de succès. C’est sa "bataille de Santa Inès" en référence au "général du peuple souverain" Ezequeil Zamora qui avait mis en déroute les conservateurs lors de la guerre fédérale du XIXe siècle. La personnalité envahissante de Chavez, ses discours-fleuve, ne semblent pas devoir entamer sa popularité. Pour le petit peuple de Caracas, il a l’aura de celui qui a redonné confiance et dignité. Mais c’est aussi compter sur un environnement économique plus favorable, tiré par une forte croissance. L’industrie pétrolière reprise en main (18 000 licenciements) a retrouvé ses capacités de production et alimente les caisses de l’État. Une manne, qui donne à Chavez plus de fonds pour mettre en éuvre les programmes sociaux en direction des plus pauvres : réforme agraire, accession à la propriété, mission Barrio Adentro (soins de santé, avec la collaboration de milliers de médecins cubains), mission Robinson (campagne d’alphabétisation concernant 1,5 million de personnes), mission Ribas (pour les exclus du système scolaire), mission Sucre (destinée aux étudiants), mission Mercal (réseau de distribution de produits de première nécessité à bas prix), attribution de micro-crédits, etc.

Pour l’opposition, le plus dur reste à accomplir : gagner le référendum en obtenant une voix de plus que Chavez en 2000, comme l’exige la Constitution. Au vu de la pression populaire, l’hypothèse paraît plus qu’improbable. Mais cela n’écarte pas les provocations, les violences et les combats d’arrière-garde de la part d’opposants en mal de pouvoir perdu. L’Huma

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