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Irak : « Occupation économique »

Publie le mardi 30 juin 2009 par Open-Publishing
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En Irak, la guerre néoconservatrice a créé le « business de la sécurité », ces fameuses sociétés de mercenaires qui n’hésitent pas à tirer à vue sur les Irakiens. Mais le but économique de la guerre était bien le pétrole et non des armes de destruction massive fantômes et encore moins la diffusion de la démocratie.

En entrant à Bagdad, les troupes américaines ont livré la ville aux pillards mais elles ont scrupuleusement protégé le ministère de l’Energie. L’ancien président de la Reserve Bank américaine, Alain Greenspan, quitte à choquer les bien-pensants, l’avait crûment constaté : « Cela m’attriste qu’il soit politiquement inopportun de reconnaître ce que chacun sait : la guerre en Irak est largement une question de pétrole ».

Beaucoup d’Irakiens, y compris des experts du secteur pétrolier, s’en souviennent, alors que le gouvernement de Bagdad s’apprête à ouvrir six grands champs pétroliers et deux champs gaziers aux entreprises étrangères. Ces champs constituent pratiquement la moitié des réserves pétrolières irakiennes et toutes les grandes multinationales pétrolières sont attirées et ont répondu présent pour l’appel d’offres. Les représentants des multinationales pétrolières ont multiplié les visites aux responsables irakiens, les gouvernements n’ont pas été en reste.

Dans cette course où toutes les majors sont là et qui se veut transparente - par le recours à l’appel d’offres -, on peut prendre les paris que les 6 soumissionnaires américains sur un total de 31 entreprises retenues seront biens servis. Qui peut en effet plus que les Etats-Unis exercer une « influence » décisive sur le gouvernement irakien ?

Mais pour important qu’il puisse paraître, le débat est secondaire, presque trivial. Selon de nombreux Irakiens, c’est le principe même de l’opération qui est contestable. Ainsi, le gouvernement régional kurde, qui peut être difficilement taxé d’antiaméricanisme, a critiqué une politique de « bradage » qui offre aux multinationales des champs déjà en activité, au lieu de favoriser l’exploration. Le gouvernement irakien a défendu sa démarche par le souci d’efficacité en faisant valoir que la prospection prend du temps et que l’urgence est d’augmenter rapidement la production de 1,5 million de barils jour (mbj), avant d’atteindre 4 mbj en cinq ans. Le discours officiel irakien affirme qu’un tel objectif ne peut pas être atteint par des moyens nationaux.

Nombre d’experts et des responsables des entreprises pétrolières publiques ne sont pas du tout de cet avis. Ils soutiennent que les objectifs de production fixés peuvent être réalisés et dans un temps plus court par des moyens irakiens. Des experts pétroliers du sud de l’Irak avancent que la Société publique du Sud (SOC) est en mesure d’augmenter les exportations de 2 mbj dans l’année. On l’aura compris, ces offres, au nom de la nécessité d’aller vite, vont asphyxier les entreprises publiques. Les six champs offerts aux multinationales représentent 85% de la production actuelle et 50% des réserves de l’Irak. Il n’est pas étonnant que le responsable de la SOC souligne que leur perte de contrôle est une condamnation à mort des sociétés nationales.

Dans un Irak à souveraineté limitée avec un gouvernement sous protectorat, l’accusation de « bradage » ou « d’occupation économique » n’est pas théorique.