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VENEZUELA - Chávez sort grand vainqueur du référendum

Publie le lundi 16 août 2004 par Open-Publishing


Lisa-Marie
Gervais


Les Vénézuéliens ont confirmé leur président Hugo Chávez à son poste par 58,25
% des voix contre 41,74 %, a annoncé le Conseil national électoral (CNE) après
dépouillement de 94 % du scrutin. Maintenant que va faire le président ? Si certains
voient en lui l’homme de la situation, d’autres redoutent l’émergence d’un nouveau
pôle révolutionnaire dérangeant.


"Nous avons eu un taux de participation historique, du jamais-vu depuis trente
ans", s’est exclamé Jorge Rodríguez, l’un des cinq membres du Conseil national électoral
(CNE), rapporte le quotidien colombien El Tiempo. Devant l’afflux massif des
participants - certains ont dû attendre jusqu’à dix longues heures avant de pouvoir
voter - et la lenteur du processus électoral, les autorités ont ordonné l’ouverture
des bureaux de vote jusqu’à minuit le 15 août, heure de Caracas, signale le quotidien.

"Et s’il perdait ? Chávez remettrait-il le pouvoir de façon pacifique, comme l’a fait Daniel Ortega au Nicaragua en 1990 ? Ou bien ignorerait-il plutôt le résultat et abolirait-il la démocratie, comme l’a fait Fidel Castro à Cuba dans les années 60 ?" s’interrogeait Newsweek la semaine dernière. "Il y a toujours un doute là-dessus", concluait l’hebdomadaire new-yorkais en rapportant les propos d’un diplomate de la capitale vénézuélienne et en trahissant de fait les inquiétudes des Etats-Unis.

La question ne se pose plus. Chávez vient d’être reconduit dans ses fonctions de président de la République, selon des résultats préliminaires, avec 1,4 million de votes de plus que son rival. Toutefois, quelques minutes à peine avant l’annonce des résultats, le vice-président du CNE, Ezequiel Zamora, et une autre membre de l’institution, Sobella Mejías, déclaraient que "l’entreprise Smartmatic et les observateurs internationaux n’ont pas encore vu ni confirmé les résultats" et que par conséquent "il est difficile de considérer ces résultats comme officiels", souligne le quotidien vénézuélien El Nacional.

Dans Newsweek, Gabriel García Márquez, prix Nobel de littérature, s’efforce de dresser un portrait du président du Venezuela en évoquant sa double personnalité. "C’est un visionnaire qui a la possibilité de sauver son pays… et un illusionniste qui pourrait passer à l’Histoire comme étant un simple despote", avance-t-il.

Bien que Chávez en sache beaucoup sur les révoltes armées, ayant tenté, en 1992, un coup d’Etat pour déloger le gouvernement démocratiquement élu, "il ne s’est pas ouvertement converti en dictateur, du moins pas encore", estime Newsweek. "La liberté d’expression est intacte, les partis d’opposition peuvent agir librement et les prisons du Venezuela ne sont pas remplies de dissidents", enchaîne l’hebdomadaire étasunien.

Tous ne sont pas de cet avis, à en croire le quotidien espagnol de droite El Mundo, qui révèle que "la CIA élabore actuellement une stratégie, financée par le ministère du Trésor américain, pour neutraliser l’expansion de la ’conspiration chaviste révolutionnaire’ à des pays voisins comme la Colombie et la Bolivie. L’administration étasunienne craint la transformation de l’Amérique latine en une gigantesque réplique du Cuba de Fidel Castro, indique le journal. "L’effet domino pourrait s’étendre jusqu’au Pérou et ’l’action corrosive’ se propagerait ensuite en Equateur, où les groupes politiques d’origine ethnique s’opposent au néolibéralisme de l’école de Washington, ou encore vers l’Argentine et le Brésil, là où demeure latent un fort sentiment anti-nord-américain", analyse le quotidien espagnol.

Newsweek note que des militants pro-Chávez nient les affirmations de l’opposition selon lesquelles "le gouvernement serait prêt à mener une série d’expropriations de l’industrie privée à la manière soviétique". Maintenant que le président est ressorti grand vainqueur, Samuel Montcada, un professeur de l’Université centrale du Venezuela qui a été très actif dans la campagne de Chávez, prévoit une période de dialogue et de réconciliation, relate l’hebdomadaire.

La hausse des prix du pétrole - qui constitue 80 % des revenus des exportations du pays - a plutôt permis à Chávez de disposer de millions de dollars supplémentaires "pour promouvoir l’assistance sanitaire gratuite et la création de nouveaux centres éducatifs pour les pauvres", considère El Mundo dans un éditorial. Pourtant, le chef de l’Etat a été vertement critiqué durant la campagne par l’opposition, qui l’accuse d’avoir abusé de ces fonds pour promouvoir son image.

El Mundo estime que le mécontentement social prend de l’ampleur et que maintenant que Chávez est confirmé dans ses fonctions, il devra affronter "l’armée, les syndicats et l’oligarchie économique, ennemis d’un seul homme qui a divisé le pays en deux moitiés irréconciliables".

http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=25462&provenance=accueil&bloc=01