Accueil > Le petit peuple confirme Chavez

Le petit peuple confirme Chavez

Publie le mardi 17 août 2004 par Open-Publishing

Plus de 58 % des électeurs ont voté contre le départ du président, au grand dam de l’opposition et de ses soutiens états-uniens et occidentaux. La forte mobilisation de l’électorat populaire a fait la différence.

de Bernard Duraud, Caracas

C’est une défaite cinglante que vient d’infliger Hugo Chavez Frias à ses opposants, qui avaient engagé contre lui un référendum révocatoire de son mandat présidentiel. Avec un peu plus de 58 % des suffrages portés sur le " non ", contre moins de 42 % pour le " oui " défendu par l’opposition, le score paraît sans appel et Chavez est toujours là, après trois tentatives de renversement depuis 2002. La mobilisation populaire a été à la hauteur de l’effervescence observée tous ces derniers jours dans les rues de la capitale vénézuélienne, facilitée en la circonstance par un vote électronique, certes très long, provoquant des files énormes, mais garantissant sans doute pour la première fois une non-confiscation des votes par d’anciens oligarques peu scrupuleux. Autre pierre à verser à l’édifice de la très forte participation électorale, les organisateurs de la campagne de Chavez avaient mis en oeuvre des opérations d’incitation à l’enregistrement des électeurs surtout dans les quartiers pauvres.

Le petit peuple ne s’est pas dérangé pour rien. Se levant au son du clairon et dans un vacarme de feux d’artifice à trois heures du matin ce dimanche 15 août, jeunes, vieux, femmes et enfants étaient toujours à défiler, chanter " Chavez no se va " (Chavez ne s’en va pas) et à faire la fête 25 heures plus tard, à l’annonce officielle des résultats par le président du Conseil national électoral, devant le palais présidentiel de Miraflores où Chavez en chemise rouge les a remerciés. L’opposition, dominée par l’Action démocratique (sociaux-démocrates) et la Copei (démocrates chrétiens), malgré un recours d’arrière-garde déposé par la Coordination démocratique, se faisait plus discrète, ayant même déserté les chaînes de télévision qu’elle détient presque toutes et où sur toutes Chavez est caricaturé à l’excès.

Mais c’est peut-être là la clé du problème. Une minorité se comptant parmi les classes moyennes et riches a vécu pendant des décennies un mirage de modernité et de progrès - tirés de la rente pétrolière - en se taillant sur mesure un ordre politique et économique, véritable machine à fabriquer une armée d’exclus. Aujourd’hui le Venezuela compte 80 % de pauvres et, en leur parlant comme il l’a fait lundi matin, Chavez, au verbe réactif, leur communique le sentiment d’exister et confère une expression politique à ceux à qui jamais on ne parlait. C’est une lame de fond qui le porte, c’est un autre projet qui pourrait le renverser comme le voudrait tant la Coordination démocratique, à court d’idées mais au fort pouvoir de nuisance.

Chavez et son gouvernement ont disposé d’une carte évidente dans la construction de ce succès. La reprise économique sensible de ces derniers mois, après le lock-out du secteur pétrolier du début 2003, a été soutenue par l’augmentation du prix du brut qui a dépassé 40 dollars le baril. Cette hausse a donné à Ch vez plus de fonds pour mettre en oeuvre les programmes sociaux promis, les " missions " concernant les secteurs de la santé, de l’éducation et de l’emploi. La relance de l’industrie pétrolière et la stabilisation de la croissance économique cette année ont pu jouer aussi sur la popularité du président, malgré les niveaux élevés de chômage et de sous-emploi - le Venezuela repose sur un océan d’économie informelle.

L’échec du coup d’État de 2002, l’échec du bras de fer pétrolier ont exacerbé les tensions dans l’interminable processus du référendum révocatoire voulu par l’opposition. Ils ont internationalisé l’hostilité ou le soutien à Chavez, alors qu’il devenait patent que les offres de médiation de l’Organisation des États américains (OEA) et du Centre Carter relevaient d’une partition nord-américaine, Washington n’hésitant pas d’ailleurs à financer les partis d’opposition vénézuéliens, via la National Endowment for Democracy (NED). Près de deux cents observateurs internationaux - dont l’OEA, et Carter en personne, ainsi que bon nombre de représentants de tribunaux électoraux venant de toute l’Amérique latine - ont veillé au bon déroulement du scrutin. Ch vez a aussi marqué des points. De nombreux partis et syndicats de la gauche latino-américaine avaient ainsi envoyé leurs représentants pour l’appuyer : c’est vrai pour le Parti des travailleurs et la CUT du Brésil, pour le Front patriotique de Colombie et d’autres. Les Européens n’ont pas été en reste, une délégation de onze parlementaires progressistes a fait le voyage à Caracas en signe de solidarité. Chavez si, " no se va " !

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-08-17/2004-08-17-398879