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Venezuela : vive, la télévision des "barrios"

Publie le samedi 21 août 2004 par Open-Publishing

de Renaud Lambert

Deux écrans de télévision, deux mondes différents. Sur le premier, une chaîne privée à succès (RCTV, Globovision ou encore Venevision), un monde occidentalisé, consumériste. Sur l’autre, Vive TV, une chaîne de télévision communautaire lancée en 2003, des visages de Vénézuéliens ressemblant à la très grande majorité des personnes que l’on peut croiser dans la rue, souvent victimes d’un racisme non dissimulé sur les autres chaînes. Si Vive est bien une chaîne financée par l’État, capable de salarier 150 personnes, elle jouit d’une réelle indépendance. Le droit à la communication est un des principes fondamentaux de la nouvelle Constitution du pays au même titre que celui de " démocratie participative ", dont elle est l’un des outils.

Blanca Eeckhout, la présidente de la chaîne, cherche à " créer un espace de communication lié au développement du "processus" [bolivarien] et à la construction d’un nouveau pays. " Le parti pris est ici de donner une image de la réalité du point de vue de la population (la " communauté ") pour " confronter les discours politiques à la réalité du terrain ". Mais déterminer la mission de Vive TV, c’est avant tout tenter de répondre à des questions fondamentales. Comment prendre le temps de discuter avec les gens ? Comment ne pas imposer ses sujets ? Comment s’assurer d’être vraiment, proche de la communauté ? Autant de questions auxquelles Vive ne prétend pas avoir trouvé la seule réponse, mais qu’elle a le mérite de poser dans son optique de service public.

L’émission Venezuela Adentro est une illustration particulièrement intéressante de cette réflexion. Les différentes équipes de réalisation disposent d’une semaine pour préparer un sujet d’une demi-heure. Le tournage ne commence qu’après deux jours passés à faire connaissance et à mettre en évidence les sujets sur lesquels les gens souhaitent s’exprimer. Une fois de retour dans les studios, toute l’équipe travaille sur le montage. Quand l’émission passe à l’écran, caméras et micros n’apparaissent jamais. Pas plus que les journalistes. Ce radicalisme de l’invisibilité journalistique fut difficile à faire accepter à certains jeunes issus de formations traditionnelles d’où l’on sort convaincu que le degré de visibilité est pour le journaliste la mesure du talent et du succès. Mais, pour Thierry Deronne, responsable des programmes d’information à Vive, la chaîne cherche à permettre aux gens de s’exprimer de la façon la plus directe. L’idéal serait même de leur " donner la caméra pour qu’ils donnent eux-mêmes une image de leur vie ". Ce serait là, continue-t-il, " une vraie réussite de la démocratie participative ". L’équipe de Vive se donne, pour ceci comme pour le reste, les moyens d’atteindre ses objectifs : elle forme elle-même les équipes de tournage qui alimentent ses programmes. Les personnes formées sont issues des " barrios " de la " communauté " pour laquelle ils travaillent, gage ultime de la proximité de la chaîne avec son public.

Comme nous l’explique Blanca en conclusion : " Pour Ch vez, Vive représente une première étape dans la création d’une vraie télévision latino-américaine à l’échelle du continent. " À un moment où, partout dans le monde, l’hégémonie des grands groupes médiatiques est remise en cause, ce projet est plus que jamais d’actualité.

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-08-21/2004-08-21-399106