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Libre opinion - Au paradis malade

Publie le lundi 10 août 2009 par Open-Publishing

Je me permets de vous transmettre cet intéressant article paru dans le journal canadien "Le Devoir". Il est de Francis Halin...

Libre opinion - Au paradis malade
Francis Halin, Auteur, compositeur et interprète ; il participera en tant que demi-finaliste 2009 au Festival international de la chanson de Granby en septembre prochain

Vincent Lacroix, Bernard Madoff, Earl Jones... alouette. Que penser de ces gens qui se sont arrogé le droit de vivre aux dépens des économies des autres ? Certes, des peines plus sévères pourraient dissuader quelques futurs escrocs qui seraient tentés de les imiter, eux et leur fameuse pyramide de Ponzi, mais la question fondamentale demeure pourquoi et comment ces gens sont parvenus à vivre avec l’argent des autres pendant toutes ces années sans que le système économique actuel les empêche d’« oeuvrer ». Il faut croire que l’idéologie dominante est un terreau plus fertile que jamais à ce genre de comportement...

Au Québec comme ailleurs sur la planète, la déréglementation du secteur financier n’a pas seulement causé la crise que nous vivons, elle a créé la pauvreté, une pauvreté qui était déjà existante, mais qui est désormais systémique et de plus en plus visible. Allez en parler aux groupes communautaires. La privatisation des services publics n’aide évidemment pas la situation des citoyens qui vivent déjà dans la précarité. Soit les plus fortunés sont insensibles à cette réalité, soit ils n’y accordent guère d’importance, soit les deux et ils sont doublement responsables de la situation actuelle.

Le mandat de la Caisse de dépôt a été modifié en 2003 par le gouvernement « libéral » — le nom le dit ! comme le démontre l’insignifiante publicité — et depuis le Québec a perdu collectivement parce que des gens ont misé leur argent dans des produits à haut rendement plutôt que de gérer les économies des Québécois. Notre bas de laine n’a pas fondu ; il a servi les intérêts de certains spéculateurs qui s’en sont donné à coeur joie. L’argent est passé d’une poche à l’autre. Pourtant, quand les membres de Québec solidaire proposent de revoir certaines règles financières, ils ne sont pas assez écoutés au sein de la cité. La parole revient toujours aux pseudospécialistes de l’Institut économique et leurs acolytes qui cherchent des moyens de faire plus de profits.

Aux États-Unis, les banques ont eu tôt fait de rembourser les prêts qui leur ont sauvé la vie, et plusieurs d’elles elles affichent de beaux chiffres pour l’année 2009 ; le retour des primes a même déjà commencé. À coup de milliards, les personnes qui ont créé la crise des denrées alimentaires puis la crise des grands marchés sont aussi riches qu’avant, et cette richesse augmente même pour certains d’entre eux. Pendant ce temps, les pauvres s’appauvrissent et les néolibéraux nous disent qu’il faut créer la richesse, cela même si le problème est plutôt la redistribution de cette même richesse qui a d’ailleurs augmenté ces dernières années et qui n’a visiblement pas profité à l’ensemble de la société.

La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons nous débarrasser de ces gens en votant pour d’autres personnes ; soit les politiciens actuels sont inconscients, soit ils sont fort conscients, mais ils se régalent trop de juteux profits que ce système leur donne. Cela paraîtra bête, mais je crois que les Québécois n’ont pas encore perdu assez d’argent. Je crois qu’ils ne se sont pas fait assez avoir. Quand le chèque de leur retraite baissera davantage, non seulement de quelques centaines de dollars par année, mais de quelques milliers de dollars, je crois qu’ils comprendront qu’ils se sont fait avoir. Pour l’instant, l’économie-casino, la prétentieuse idéologie du libéralisme économique créé plus de pauvreté et, si nous en sommes tous responsables parce que nous élisons certaines gens qui ont cette croyance, les créateurs de pauvreté, eux, continuent de profiter des périodes de stagflation pour faire reculer les syndicats, les droits sociaux et le partage de la richesse.

Pendant que certains doivent s’endetter avec plusieurs cartes de crédit pour arriver à combler leurs besoins quotidiens, d’autres utilisent leurs cartes de crédit pour retirer depuis le Québec de l’argent dans leurs comptes en banque situés dans des paradis fiscaux. Les créateurs de pauvreté vivent dans un paradis malade. Le seul remède est d’occuper la sphère politique ou d’élire des citoyens plus moraux qui pensent qu’il est bien de s’occuper des plus vulnérables de la cité.

http://www.ledevoir.com/2009/08/10/262225.html