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La parole militante de Francine Demichel sur une scène parisienne

Publie le lundi 7 septembre 2009 par Open-Publishing

Donner la parole à une intellectuelle engagée : tel est le propos de « Suzanne, une femme remarquable », actuellement au théâtre du Lucernaire et tiré du parcours militant et intellectuel de Francine Demichel. Créée en 2007 au festival d’Avignon, cette pièce est le résultat d’une rencontre entre Laurence Février, comédienne et metteur en scène, et Francine Demichel, professeure de droit, ancienne présidente de l’université Paris 8 et directrice de l’enseignement supérieur au Ministère de l’Education nationale notamment sous Claude Allègre.

Insulaire et rebelle

En une petite heure d’un monologue fluide et passionnant, Francine rebaptisée Suzanne pour la scène, déroule sa vie où s’entremêlent militantisme et activité universitaire. Née en Corse d’un père médecin anarchiste et d’une mère avocate qui « défendait les délinquants », « Suzanne-Francine » se reconnaît un tempérament rebelle. Elle s’est sentie « toujours insulaire donc minoritaire. » De son engagement au parti communiste lors de la guerre d’Algérie à son combat en faveur de la parité, sa philosophie de l’existence est celle de l’engagement Sartrien, du combat au jour le jour. Si elle a choisi de s’engager dans des études de droit, c’est pour la réalité sociale qu’il représente et en tant qu’instrument de transformation de la société. Spécialiste de l’analyse critique du droit, Francine Demichel a beaucoup travaillé sur la place des femmes dans la société, et fait de la parité un des objectifs essentiel de son parcours professionnel.

Militante de la parité

Selon elle, la domination masculine est « un fait institutionnel et pas seulement culturel. « En droit, le sujet est un individu non sexué », explique la juriste. « On est un électeur, un artisan, un entrepreneur : toutes les fonctions sont au masculin. Même quand les femmes ont exercée des fonctions politiques comme Simone Veil ou Edith Cresson, elles se sont identifiées à une fonction au masculin, à un modèle implicite. C’est ma théorie de la présence-absente. »

Consciente que la parité reste à mettre en place, qu’elle ne fonctionne toujours pas, Francine reste une indécrottable optimiste. Elle évoque aussi avec flamme ces années de militance communiste (elle quittera le PC en 88). « J’ai trouvé une vraie famille comme disait Picasso, où les gens avaient une vraie espérance : c’était agréable. Et puis les rapports marchands n’y pénétraient pas. » Mais cet engagement politique aura des conséquences fortes pour elle et son mari, ostracisés par leurs collègues universitaires. « On était devenus des pestiférés ! »

Des étudiants trop conformistes

Son jugement sur les étudiants d’aujourd’hui est sévère. « Ils n’ont pas de pensée transgressive. Ils sont dans l’apprentissage de la règle et de la compétition, leur comportement est très normalisé. Mais ils subissent aussi une violence symbolique très forte. Les interdits ont été multipliés par trois ou quatre. Je leur dis : vous êtes trop respectueux de la norme ! »

Sur la scène, Laurence Février réussit à rendre l’enthousiasme communicatif, et la pensée claire et souvent drôle de son modèle. Depuis 2002, la comédienne s’est lancée dans un nouveau cycle de « Théâtre documentaire » qui consiste à donner la parole à ses contemporains, et notamment aux habitants de la Goutte d’or (spectacle créé en 2006). « Je travaille sur la représentation des femmes au théâtre qui sont souvent absentes en dehors des archétypes de la séductrice ou de la mère », explique la comédienne. « Avec ce spectacle je voulais représenter la pensée en marche, quelque chose que l’on ne nous demande jamais d’interpréter ! ».

Une pensée en marche intelligente, convaincante… et roborative. On ressort du Lucernaire avec l’impression d’avoir pris une rare bouffée d’air frais.

Suzanne, une femme remarquable. Un spectacle de Laurence Février
-Jusqu’au 18 octobre 2009 au théâtre du lucernaire à Paris, 53 rue Notre dame des champs. 75006 Paris www.lucernaire.fr
-Du 9 au 12 décembre, au théâtre de la Verrière à Lille
-Texte à paraître aux éditions L’Harmattan

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Photo : Victor Tonelli - Artcomart