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"VALSE AVEC BACHIR" CANAL PLUS lundi 21 septembre 2009 20h50 (videos)

Publie le lundi 21 septembre 2009 par Open-Publishing
19 commentaires

Valse avec Bachir

Film d’animation Lundi 21 septembre 2009 20h50

Israël - France - Allemagne - 1h30 Interdit au moins de 12 ans

Réalisateur : Ari Folman

Une nuit, Ari se rend dans un bar où il a rendez-vous avec un ami, qui se plaint de cauchemars récurrents. En effet, cet homme est hanté par les 26 chiens qu’il a dû tuer au cours de la guerre du Liban, au début des années 80. Tous le pourchassent en meute durant son sommeil. Peu à peu, Ari, se retrouve confronté aux souvenirs qui lui restent de cette période de sa vie. Il se revoit, jeune soldat, se baignant devant Beyrouth avec ses camarades de régiment. Ari décide de renouer avec ce douloureux épisode de l’Histoire et se lance dans un périple à travers le monde pour interviewer ses anciens compagnons d’armes. Progressivement, il tisse des liens qu’il croyait oubliés...

http://www.canalplus.fr/programme.a...


"VALSE AVEC BACHIR"

de Gideon Lévy

Quel bon goût : le sang apparaît merveilleusement esthétique et la vraie cruauté n’est absolument pas la nôtre mais celle de tous les Samir Geagea et les Elie Hobeika. « Valse avec Bachir », en compétition dimanche pour les Oscars, est un film israélien révoltant. Faut-il s’étonner que nous en soyons si fiers ? Tout le monde croise les doigts pour Ari Folman et tous les créateurs de « Valse avec Bachir » pour qu’ils gagnent un Oscar. Premier Oscar israélien ? Pourquoi pas ? Mais après avoir dit cela, ajoutons : ce film est irritant, énervant, agaçant, révoltant, trompeur et riche de tours de passe-passe. Il mérite l’Oscar pour les images, il mérite d’être marqué d’infamie pour son message. Ce n’est pas un hasard si Folman n’a pas desserré les dents lors de la cérémonie de remise des « Golden Globes » : pas un mot à propos de la guerre à Gaza qui faisait fureur en son nom, au moment où il était sur la scène et qu’il recevait son prix.

A Gaza, on voyait ce jour-là des images extraordinairement semblables à celles présentées par Folman dans son film mais le réalisateur n’a pas trouvé un mot à dire à leur propos. Avant que nous ne lui tressions des couronnes – manière en fait d’en tresser à nous-mêmes car ce sera notre Oscar à n-o-u-s t-o-u-s – il est bon de rappeler qu’il ne s’agit pas d’un film anti-guerre, pas même d’un film critique à l’égard de l’Israël agressif ; il s’agit d’une fraude, d’une supercherie, un film censé nous faire plaisir, et nous dire, à nous et au monde : voyez comme nous sommes beaux.

Hollywood sera à la fête, l’Europe applaudira et le Ministère israélien des Affaires étrangères dépêchera le film et son créateur dans tous les coins de la terre afin de présenter le beau visage du pays. La vérité, c’est qu’il s’agit d’un film de propagande. Stylé, sophistiqué, bourré de talent et de bon goût – mais un film de propagande. A Amos Oz et A.B. Yehoshua, s’ajoutera maintenant un nouvel ambassadeur culturel. Lui aussi passera pour éclairé, incomparablement éclairé, tellement différent des soldats postés aux checkpoints, des pilotes qui font sauter des quartiers d’habitation, des artilleurs qui bombardent femmes et enfants et des soldats du génie qui détruisent des rues.

En lieu et place de tout cela, voici – et en images – l’image inversée : le bel Israël, éclairé, tourmenté et qui se justifie, celui qui danse la valse avec Bachir, et aussi sans lui. Quel besoin avons-nous de propagandistes récitant les messages du Ministère des Affaires étrangères ? Quel besoin d’officiers, de commentateurs et de porte-parole ? Nous avons une valse.

Cette valse s’appuie sur deux fondements idéologiques : nous avons tiré puis nous avons pleuré, oh ! comme nous avons pleuré, et nos mains n’ont pas versé ce sang. Ajoutez à cela un brin de souvenirs du génocide, sans lesquels il n’y a pas d’activité israélienne digne de ce nom sur quelle que question que ce soit, et une pincée de victimisation et vous avez le portrait truqué d’Israël 2008.

Folman a participé à la guerre au Liban et deux douzaines d’années plus tard, l’idée lui vient d’en faire un film. Folman est tourmenté. Il retrouve ses compagnons d’armes d’alors. Il trinque au bar avec l’un, fume des joints en Hollande avec l’autre, réveille aux petites heures son copain thérapeute et retourne faire une tranche chez sa psy, tout ça pour se libérer enfin du cauchemar qui hante ses nuits. Le cauchemar, c’est toujours le nôtre et rien que le nôtre.

Il est très confortable de réaliser un film sur la lointaine première Guerre du Liban – nous en avons déjà envoyé un aux Oscars, « Beaufort » – et plus confortable encore de se focaliser sur Sabra et Chatila.

Dès le début, les journées de la grande protestation contre le massacre dans ces camps de réfugiés se sont accompagnées de l’affirmation qu’en dépit des silences et des clins d’œil, malgré le feu vert donné aux phalangistes, nos factotums, et bien que tout se soit déroulé en territoire sous occupation israélienne, les mains cruelles qui ont versé ce sang ne sont pas les nôtres. Elevons la voix contre tous les Samir Geagea et les Elie Hobeika, tous les cruels Bachir et oui, aussi un petit peu contre nous qui avons fermé les yeux, peut-être même encouragé, mais du moins n’avons-nous pas versé le sang de nos propres mains. Sur le sang de l’autre, celui que nous avons versé et que nous continuons de verser de Jénine à Rafah, tout entier fait maison, sur celui-là aucun réalisateur israélien ne s’est décidé à faire un film. Ce n’est pas un hasard.

Les soldats de l’armée la plus éclairée au monde chantent une chanson dans « Valse avec Bachir » : « Bonjour, Liban. Puisses-tu ne pas connaître la souffrance. Tes rêves se réaliseront, tes cauchemars se dissiperont. Que ta vie soit toute entière une bénédiction. » Joli, non ? Quelle autre armée chanterait pareilles chansons et au plus fort d’une guerre, de surcroît ? Ensuite, ils chantent que le Liban est « l’amour de ma courte vie » et le char d’où s’élève la chanson écrase une voiture, l’aplatissant comme une boîte à conserve, puis il heurte une maison, menaçant de la faire s’effondrer. Nous sommes comme ça. Nous chantons et nous détruisons. Où trouve-t-on encore des soldats sensibles comme ceux-là ? Il serait encore préférable qu’ils hurlent d’une voix rauque « mort aux Arabes ».

J’ai vu le film deux fois. La première fois, au cinéma, j’avais été impressionné : quel fignolage, quel talent ! Les images sont splendides, les voix authentiques, la musique caressante, même le doigt à moitié coupé de Ron Ben Yishai est dessiné avec précision. On n’a omis aucun détail, aucune nuance n’a été bâclée. Tous les héros sont des héros : merveilleusement stylés comme Folman lui-même, s’exprimant avec aisance, beaux, à la mode, soigneux de leur personne, informés, de gauche, sensibles et intelligents.

Je l’ai vu une deuxième fois, chez moi, quelques semaines plus tard. Cette fois, j’ai été attentif aussi à ce qui y était dit et j’ai perçu le message qui surgit de derrière l’écran trompeur du talent. J’étais d’instant en instant plus révolté. C’est un film irritant comme pas deux, précisément du fait de l’énorme talent qui y est à l’œuvre. L’art y est mobilisé au profit d’une campagne de duperie. La guerre est peinte en couleurs douces et caressantes. Comme une bande dessinée, vous voyez. Même le sang y est merveilleusement esthétique et la souffrance n’est pas vraiment de la souffrance quand elle est dessinée. La bande son joue en arrière-plan, avec les boissons et les joints qu’il faut, dans les bars qu’il faut. Les instigateurs de la guerre ont été mobilisés au service actif de l’admiration et du tourment de soi-même. Boaz est dévasté depuis qu’il a tiré mortellement sur 26 chiens errants et il se souvient de chacun d’eux. Il cherche maintenant « un traitement, un psy, le shiatsu, quelque chose ».

Pauvre Boaz. Pauvre Folman aussi : quel sortilège l’empêche de se rappeler ce qui s’est passé lors du massacre ? « Les films, c’est aussi une psychothérapie », reçoit-il en guise de conseil gratuit. Sabra et Chatila ? « Pour te dire vrai, ce n’est pas dans mon système à moi », dit-il en hébreu d’aujourd’hui. Après la rencontre avec Boaz, qui a eu lieu en 2006, soit 24 ans plus tard, arrive le « flash », le grand flash qui a engendré le grand film.

De cet été-là, le héros du film se souvient avec une grande tristesse : c’est précisément le moment où Yaeli l’a largué. Entre-temps, ils ont tué et détruit sans discernement. Le commandant regardait des cassettes pornos dans une villa de Beyrouth ; même [le journaliste] Ron Ben Yishai « avait un appartement » à Ba’abda où, un soir, il a descendu un demi verre de whisky et a décroché le combiné du téléphone pour appeler Arik [Sharon] dans son ranch et lui raconter le massacre.

Personne ne demande à qui diable pouvaient bien appartenir ces appartements pillés, où étaient leurs propriétaires ni tout bêtement ce que nos forces faisaient là, dans ces appartements. Ce n’est pas dans le système du cauchemar. « Tout ce qu’il me reste, c’est une hallucination, un mer d’angoisses », s’avoue le héros en se rendant chez sa thérapeute qui s’empressera de l’apaiser : « Votre intérêt pour le massacre provient, plus globalement, d’un autre massacre. Cela vient des camps d’où sont revenus vos parents. Vous vivez ce massacre et ces camps-là. »

Bingo. Que n’y avions-nous pensé plus tôt ? Ce n’est absolument pas nous, ce sont les nazis, que leur nom et leur souvenir soient effacés. C’est à cause d’eux que nous sommes ce que nous sommes. « On vous a fait remplir le rôle du nazi malgré vous », le rassure un autre thérapeute, comme un rappel des paroles stupides de Golda Meir disant que jamais nous ne pardonnerons aux Arabes de nous avoir fait ce que nous sommes. « Vous vous êtes occupé de l’éclairage mais vous n’avez pas commis le massacre », dit le thérapeute pour l’apaiser. Parfait. Nous n’y avons pas mis la main.

Et en plus ce n’est pas nous qui avons perpétré le massacre : qu’il est plaisant de montrer la cruauté de l’Autre. Les membres amputés que les Phalangistes – leur nom soit effacé – plaçaient dans des bouteilles de formol, les pelotons d’exécution devant le mur, les marques tailladées dans le corps de leurs victimes. Regardez-les et regardez-nous : jamais nous ne faisons des choses pareilles.

Lorsque Ben Yishai pénètrera dans les camps, il évoquera des images du ghetto de Varsovie. Tout à coup, à travers les ruines, il aperçoit une petite main et une tête aux cheveux bouclés, exactement comme celle de sa fille. « Stop the shooting, everybody go home » [arrêtez de tirer, tout le monde rentre chez soi], lance dans le haut-parleur le commandant Amos, et le massacre cesse d’un seul coup. Cut. Coupez. Et alors, tout à coup, les images dessinées laissent la place à des images réelles de femmes hurlant au milieu des ruines et des cadavres. C’est la première fois dans le film que l’on voit non seulement des images réelles mais de vraies victimes. Pas celles qui ont besoin d’un psy ou d’un verre pour se remettre, mais celles qui se sont retrouvées endeuillées, sans maison, estropiées. Et c’est le premier (et le dernier) moment de vérité et de douleur dans « Valse avec Bachir ».

Haaretz, 20 février 2009 (Traduction de l’hébreu : Michel Ghys)

Version en hébreu : "ואלס עם באשיר" - סרט זר

Version anglaise : "Antiwar" film Waltz with Bashir is nothing but charade

Article déjà publie ici

Cet film à directement pris ces source de cet documentaire en deux partie :

SABRA ET CHATILA - RETOUR SUR UN MASSACRE - PART01


SABRA ET CHATILA - RETOUR SUR UN MASSACRE - PART02





Valse avec Bachir Le film de la semaine

Messages

  • Eviter la honte à La Haye

    de Gideon Levy

    Depuis presque un an, Israël essaie de soutenir que le sang versé à Gaza n’était que de l’eau. Après la publication du rapport le plus important et le plus accusateur de tous, les tentatives d’Israël pour le discréditer sont ridicules, et les fanfaronnades creuses des porte-parole d’Israël sont pathétiques.

    Il y a un nom sur chaque balle, et un responsable pour chaque crime. Le voile de teflon dont Israël s’était recouvert depuis l’opération Plomb durci a été arraché une fois pour toute, et maintenant il va lui falloir affronter les questions difficiles. Il est maintenant superflu de demander si des crimes de guerre ont été commis à Gaza, car la réponse nette et qui fait autorité a déjà été donnée. Aussi la question qui doit être posée maintenant est : Qui est responsable ? Des crimes de guerre ont été commis à Gaza, il s’ensuit qu’il y a des criminels de guerre en liberté parmi nous. Ils doivent en être tenus responsables et punis. Telle est la conclusion rigoureuse qu’il faut tirer du rapport concis des Nations unies.

    Depuis presque un an, Israël essaie de soutenir que le sang versé à Gaza n’était que de l’eau. Un rapport suit un autre rapport, avec les mêmes résultats effroyables : un siège, du phosphore blanc, le mal fait à des civils innocents, une infrastructure anéantie : des crimes de guerre, dans tous les rapports sans exception. Après la publication du rapport le plus important et le plus accusateur de tous, celui établi par la Commission conduite par le juge Richard Goldstone, les tentatives d’Israël aujourd’hui pour le discréditer sont ridicules, et les fanfaronnades creuses des porte-parole d’Israël sont pathétiques.

    Jusqu’à présent, ils s’étaient focalisés sur les messagers, pas sur leurs messages : le chercheur de Human Rights Watch lui, glane des souvenirs nazis, Briser le Silence c’est du business, et Amnesty International est antisémite. Toute une basse propagande. Cette fois pourtant, le messager est à l’abri de la propagande. Personne ne peut sérieusement prétendre que Goldstone, sioniste actif et convaincu, qui a des liens profonds avec Israël, est un antisémite. Ce serait ridicule.

    Même s’il y eut quelques propagandistes à tenter effectivement d’utiliser l’arme de l’antisémitisme contre lui, eux-mêmes connaissaient le ridicule de la chose. Il fallait écouter l’interview émouvant que la fille de Goldstone, Nicole, a donné à Razi Barkai, sur la radio de l’armée, mercredi, pour comprendre qu’en réalité Goldstone aime Israël et est pour lui un véritable ami. Elle a parlé, en hébreu, de la douleur mentale que son père a ressentie et de sa conviction que, s’il n’avait pas été là, le rapport aurait été bien pire. Tous ce qu’il veut, a-t-elle expliqué, c’est un Israël qui soit plus juste.

    Nul ne peut douter des compétences juridiques de Goldstone, comme juriste de niveau international avec une réputation irréprochable. L’homme qui a découvert la vérité sur le Rwanda et la Yougoslavie a agi de même pour Gaza. L’ancien procureur en chef du Tribunal pénal international de La Haye n’est pas seulement une autorité juridique, il est aussi une autorité morale ; par conséquent, les reproches portés contre lui ne tiennent pas la route. A la place, on ferait mieux de regarder de plus près l’accusé, et il est temps. Ces responsables, ce sont d’abord et avant tout Ehud Olmert, Ehud Barak et Gabi Ashkenazi. Jusqu’alors et de façon incroyable, aucun d’entre eux n’a payé le moindre prix pour ses méfaits.

    Plomb durci a été une agression sans retenue, où une population civile totalement démunie de protection n’a montré quasiment aucun signe de résistance pendant l’opération. Cette agression aurait dû soulever un tollé immédiat en Israël. Elle fut un Sabra et Chatila, perpétré cette fois par nous-mêmes. Mais s’il y eut une tempête de protestations dans le pays après Sabra et Chatila, après Plomb durci, on a décerné des citations.

    Il aurait dû suffire de regarder la disparité effroyable dans les victimes - 100 Palestiniens tués pour chaque Israélien - pour secouer la société israélienne tout entière. Il n’y avait nul besoin d’attendre Goldstone pour comprendre que quelque chose d’épouvantable s’était produit entre le David palestinien et le Goliath israélien. Mais les Israéliens ont préféré regarder ailleurs, ou se tenir avec leurs enfants sur les collines autour de Gaza et applaudir à chaque bombe qui faisait son carnage.

    Sous couvert de médias engagés, d’analystes et spécialistes criminellement partiaux - qui tous ont empêché les informations de paraître - avec un lavage de cerveau d’une opinion publique sans vigilance, Israël s’est comporté comme si rien n’était arrivé. Goldstone a mis un terme à cela et pour cela, nous devons le remercier. Après, son travail est fini, des mesures concrètes évidentes vont être abordées.

    Il aurait mieux valu pour Israël d’avoir eu le courage de changer de cap pendant qu’il était encore temps, et sans attendre Goldstone, d’enquêter véritablement sur la question et non pas ordonner ces investigations grotesques des Forces de défense d’Israël. Il faut faire payer le prix à Olmert et Tzipi Livni de leur décision scandaleuse de ne pas coopérer avec Goldstone, même si à ce point, ça ne sert à rien. Maintenant que le rapport est mis sur la voie du Tribunal pénal international et que des mandats d’arrêt peuvent être délivrés, tout ce qui reste à faire c’est de mettre en place immédiatement une commission d’enquête afin d’éviter la honte à La Haye.

    Peut-être que la prochaine fois que nous nous lancerons dans une nouvelle guerre, vaine et misérable, nous prendrons en compte non seulement le nombre de victimes que nous sommes susceptibles d’assumer, mais aussi les dommages politiques lourds que provoquent de telles guerres.

    A la veille du Nouvel An juif, Israël devient, et c’est justifié, un pays rejeté et détesté. Nous ne devons l’oublier une seule minute.

    Ha’aretz - traduction : JPP

    http://www.haaretz.com/hasen/spages/1115240.html

  • Liban
    Jours de ténèbres

    3 août 2006
    La guerre au Liban vue par le journaliste israélien Gideon Levy.
    La dévastation que nous semons aujourd’hui au Liban ne touche personne ici et, pour l’essentiel, n’est même pas montrée aux Israéliens, constate l’éditorialiste de Ha’Aretz, qui déplore le ralliement de la gauche au consensus guerrier.

    A la guerre comme à la guerre : Israël est en train de sombrer dans une atmosphère de nationalisme véhément dont les ténèbres commencent à tout obscurcir. Les freins dont nous disposions sont en train de s’user, l’insensibilité et l’aveuglement qui caractérisent la société israélienne depuis quelques années s’aggravent. Le front intérieur est coupé en deux : le nord souffre, le centre est serein. Mais les deux ont succombé aux accents du chauvinisme, du refus de la pitié, de la vengeance, et les voix de l’extrémisme, qui caractérisaient autrefois les marges de la société politique, expriment désormais son coeur. Une fois de plus, la gauche est perdue, drapée dans son silence ou « admettant des erreurs ». Israël exhibe un seul visage : celui du nationalisme.

    Les hôpitaux de Gaza sont pleins d’enfants brûlés
    La dévastation que nous semons aujourd’hui au Liban ne touche personne ici et, pour l’essentiel, n’est même pas montrée aux Israéliens. Ceux qui veulent savoir à quoi ressemble Tyr ces jours-ci doivent se tourner vers les chaînes étrangères : de ce qui se passe là-bas, la BBC nous rapporte des images effrayantes, des images que nous ne voyons pas ici. Comment pouvons-nous ne pas être choqués par la souffrance que nous infligeons aux autres même quand, chez nous, le nord souffre aussi ? Et la mort que nous continuons à semer, pendant ce temps à Gaza - 120 morts depuis l’enlèvement de Gilat Shalit, 27 en une seule journée, l’autre mercredi - nous touche encore moins. Les hôpitaux de Gaza sont pleins d’enfants brûlés, qui s’en soucie ? Les ténèbres de la guerre dans le nord les recouvrent aussi.
    Depuis que nous acceptons de considérer les punitions collectives comme une arme légitime, il n’y a plus de raison de s’étonner que la cruelle punition que nous infligeons au Liban pour les actions du Hezbollah n’ait pas donné lieu à la moindre discussion. Si c’est acceptable à Naplouse, pourquoi pas à Beyrouth ? Les seules critiques que l’on peut entendre à propos de cette guerre concernent la tactique. Chacun est général, désormais, et pousse l’armée à intensifier ses activités. Commentateurs, ex-généraux et politiciens se disputent les propositions les plus extrêmes. [...]

    Chauvinisme et appétit de vengeance
    Le chauvinisme et l’appétit de vengeance relèvent la tête. Il y a deux semaines, seuls des illuminés comme le rabbin Shmuel Eliyahu, de Safed, parlaient d’« anéantir tout village depuis lequel une Katioucha est tirée ». Maintenant, un officier supérieur des Forces de défense d’Israël s’exprime dans les mêmes termes à la une du Yediot Aharonot. Il se peut que nous n’ayons pas encore anéanti de village libanais, mais nous avons depuis longtemps effacé nos propres lignes rouges.
    Haïm Avraham, un père en proie au chagrin depuis la mort de son fils kidnappé et tué par le Hezbollah en octobre 2000, tire un obus sur le Liban, pour les journalistes. En signe de vengeance. L’image de cet homme étreignant un obus « décoré » est l’une des plus honteuses de cette guerre. Et ce n’est pas la première. Un groupe de jeunes filles a aussi été photographié en train d’écrire des slogans sur des obus. [...]
    Le Liban, qui n’a jamais combattu Israël, qui possède 40 quotidiens, 42 établissements d’enseignement supérieur, et des centaines de banques, est en train d’être détruit par nos avions et nos canons, et personne ne mesure la quantité de haine que nous semons. Aux yeux de l’opinion publique internationale, Israël est devenu un monstre, et cela aussi, il faudra l’inscrire au débit de cette guerre. Israël a été souillé par cette guerre. Une souillure morale qu’il ne sera pas facile d’effacer. Et que nous nous contentons de ne pas vouloir voir. Le peuple veut une victoire, et personne ne sait à quoi elle pourrait ressembler et quel prix nous devrons la payer.

    Souillure morale
    La gauche sioniste, elle aussi, s’est montrée coupée de la réalité, dans cette affaire. Comme à chaque moment difficile par le passé - lors des deux intifadas, par exemple - elle a été absente au moment précis où sa voix était si nécessaire pour faire contre poids à la véhémence des tambours de guerre. A quoi sert une gauche si, face à chaque épreuve, elle joint sa voix au concert national ? La Paix maintenant est silencieuse, tout comme le Meretz [...]. Seule l’extrême gauche fait entendre sa voix, mais c’est une voix que personne n’écoute.
    Avant même que l’issue de cette guerre ne soit tranchée, il est déjà évident que son coût exorbitant inclura le prix de ces ténèbres morales qui nous recouvrent aujourd’hui, aussi menaçantes pour notre existence et notre image que les Katiouchas du Hezbollah.

    Gideon Levy

    © Ha’Aretz
    Publié par Le Nouvel Observateur Semaine du jeudi 3 août 2006 - n°2178

  • "Bonjour, Liban. Puisses-tu ne pas connaître la souffrance. Tes rêves se réaliseront," !!!

    oui ils se sont réalisés en 2006 quand on leur a botté le cul et qu’ils sont repartis en courant et en laissant leurs merkava derrière eux
    ça a été une sacrée thérapie , cela n’a pas ressuscité un de mes cousin ni guéri un autre tétraplégique mais c’était un bon début !

    pendant que l’occident gueulait : "plus jamais ça " et nous n’avons plus de guerre en europe ( oubliant au passage la Serbie ) nous on subissait avec l’aide des espions et collabo de toutes sortes les guerre mondiales façon "orchestre de chambre "en petit territoire

    on aimerait bien aussi faire un investissement à long terme sur nos victimes maisle créneau est pris depuis et pour longtemps.

    et puis nos morts on les honore mais on ne les met pas en drapeau pour les vendre et on va de l’avant

    bien sur c’est la faute des libanais s’il ont du être si méchants bientôt ils vont nous demander des remboursements de psychiatre !!!

    évidemment ce film sera oscarisé il a été bien fait avec de gros moyens et le jury , les financiers lui seront acquis , le peuple pleurera comme pour titanic et certains diront mais c’est le’oeuvre des pacifistes , regardez ils regrettent

    le vrai pacifiste ne vienpas vous occuper et semer la mort chez vous

    excellente propagande pour absolution donnée d’avance

    mais je le répète notre meilleure thérapie à nous les vraie victimes (joli glissement on oublie qu’ils n’avaient aucune bonne raison de venir comme de détruire et assièger GAZA °
    C’est d’avoir mis fin à 15 ans d’occupation du sud quand même et de les avoir renvoyé "chez eux...?! en 2006

  • J’ai vu ce film répugnant hier soir.

    Et quand je dis répugnant je pèse mes mots.

    Je partage du début à la fin l’avis de G Lévy, je n’ai pas une ligne à ajouter ou à enlever.

    Penser que c’est "ça" qui a été "césarisé" je me dis le jury des Césars a été bien lâche ou bien con ou bien pourri ou les trois mon général car ce film est tout simplement une insulte aux victimes de Sabra et Chatila - la seule manière de le supporter serait de le prendre au 47ème degré et de se moquer de ces "pauvres soldats" israéliens qui sont quand même "un peu" hantés par leur mauvaise conscience.

  • (Mise a jour le mercredi 22 septembre 2009 à 11:09)

    On peux difficilement accuse Gideon Lévy, que écrit sur "Haaretz" quotidien israélien, d’antisémitisme...

    Hier soir je regardé cet film... du début je ressenti un "malaise", le massacre de Sabra et Chatila finalement "résumé" ou "présenté" par un simple problème "existentiel" de un soldat de l’arme du Tsahal que a perdu sa propre mémoire ???

    Cet film fait part d’une "étrange" série des film d’animation sorti des "usines a désinformé" de l’état israélien, comme le film "Lebanon" de Samuel Maoz couronné du Lion d’Or à la Mostra de Venise de cet année considéré comme "Partial", "hypocrite", "dénué de remise en question", "C’est une opération d’autodéfense où l’Autre n’existe pas, où il n’est qu’un "ennemi" masqué, absent, que le film traite de "terroriste" résumait cette semaine l’envoyé spécial à Venise du quotidien An-Nahar, proche de la majorité parlementaire soutenue par l’Occident...

    Le film "Lebanon" ne sortira pas au Liban en raison du boycottage des produits israéliens, comme ce fut le cas pour le film d’animation "Valse avec Bachir"...

    Et sans oublie le premier de la liste de films "négationniste" "Beaufort" et "Z32"

    Dans le film "Valse avec Bachir" on remarque l’invasion de l’arme israélienne en sud Liban, on ne se pose même pas la question principal : le pourquoi de la "réel" motivation de la présence du Tsahal ???

    Les soldats du Tsahal sont "présenté" comme naïf, gentil, et victime des méchant terroristes (dans un territoire étranger...), les soldat on peur et "abandonne" par leur "chef" et donc on "justifie" le fait de "tiré" sur tous se que bouge... compris les voitures civile, résultat... des familles entière crible par des centaines des balles... les pauvre soldats... on doit forcement être solidaire et compassionnel des leurs "problèmes" psychologiques "post-war"...

    Sans parle de la "danse" d’un soldat israélien que "rythme" avec des tires de mitrailleuse ca propre "valse de la mort" en honneur ??? de Bachir Gemayel, le chef des Phalanges d’extrême-droite chrétienne maronite, assassiné le 14 septembre 1982... deux jour avant "le début" des massacre de Sabra et Chatila perpétré, du 16 au 18 septembre 1982...

    Et oui l’arme la puis "puissant", propre, et intelligent du monde, ne "comprends" pas que est entrain de participe activement a un de pire massacre de l’histoire du Liban...??? pfffffff

    "Dans la situation du Liban d’alors, seule l’armée israélienne, présente dans le cadre de l’opération « Paix en Galilée », avait les moyens de s’interposer. Elle n’en a rien fait." comme l’affirme un article de l’Humanité du 25 juin 2008, ou a participe activement avec ca logistique a l’organisation direct de cet massacre ???

    Un énorme fosse de plus en plus grand nous sépare de cet quotidien française dit "communiste" que "glorifie" et incite positivement a regardé cet type des films de propagande militaire israélien et arrive a "glorifie" le film "Lebanon" dans un article le même jour du triste anniversaire du début des massacres de Sabra et Chatila...

    On ne comprend pas comme on ne peux appelle cet film, "partial" et "négationniste" et a décharge de tout type de "responsabilité" de l’arme du Tsahal, et on le "présente" comme un film pacifiste...

    Cet film, diffuse sur Canal Plus dans une soire pour la paix... a quelque jour du triste 27éme anniversaire du massacre, cherche de nie totalement les fait réel comme modestement je décrit dans un article l’an dernier : "Sabra et Chatila : 16 septembre 1982, 26ème anniversaire du massacre (videos)" ou les vidéos dans cet article ont été efface par "Dailymotion"... et apres la sortie du "rapport de l’ONU" publié le 15 septembre 2009, que accuse Israël de crimes de guerre sur l’opération "Plomb durci", menée par Israël dans la bande de Gaza, l’hiver 2008-2009...

    RF

    En annexe trois articles publie par L’Humanite et un sur "Lebanon" :

    1 : une invitation "positive" a regarde cet "film de propagande"

    2 : une interview de Ari Folman auteur de "Valse avec Bachir" privé des toute critique

    3 : un article sorti le même jour du triste anniversaire du massacre de Sabra et Chatila... que "glorifie" le film "Lebanon"

    4 : Article de Rana Moussaoui a Propos du film "Lebanon"

    Sans commentaire...


    Article paru le 21 septembre 2009

    Valse avec Bachir

    Canal Plus. 20 h 50.

    Mais qu’a donc fait Ari Folman les 16 et 17 septembre 1982 pendant que la milice chrétienne libanaise en furie après l’assassinat de Bachir Gemayel, président chrétien du Liban et ami d’Israël, perpétrait des massacres sans nom à Sabra et Chatila, deux camps de réfugiés palestiniens de la banlieue de Beyrouth. Plus de 4 000 victimes sous le regard de l’armée israélienne présente dans le cadre de l’opération « Paix en Galilée » et qui ne s’est pas interposée. L’Israélien Ari Folman était soldat à ce moment. Il est devenu cinéaste et livre un film d’animation, un documentaire personnel qui regarde la vérité de l’horreur en face et se termine du reste par les images vraies du massacre. À voir. C. B.

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    Article paru le 25 juin 2008

    Ari Folman « Ne pas prendre part aux guerres des autres »

    Cinéma . Sortie du premier long métrage d’animation israélien, en compétition à Cannes le mois dernier. Rencontre avec Ari Folman, son auteur.

    Valse avec Bachir, d’Ari Folman. Israël. 1 h 27.

    Les 16 et 17 septembre 1982, la milice chrétienne libanaise dirigée par Élie Hobeika, assoiffée de sang après l’assassinat de Bachir Gemayel, président chrétien du Liban et ami d’Israël. La furie des phalangistes les conduit à Sabra et Chatila, deux camps de réfugiés palestiniens de la banlieue ouest de Beyrouth. Sept cents victimes pour les uns, trois mille cinq cents pour les autres, c’est de toute façon, quoi qu’on retienne, une boucherie innommable. Qu’on se souvienne du documentaire terrifiant sur le sujet de Monika Borgmann, Lokman Slim et Hermann Theissen, Massaker. Dans la situation du Liban d’alors, seule l’armée israélienne, présente dans le cadre de l’opération « Paix en Galilée », avait les moyens de s’interposer. Elle n’en a rien fait. Ari Folman, qui en était, pas au contact direct au demeurant, a effacé ce moment de sa mémoire. Le voici qui ressurgit dans ce qu’il a voulu être un documentaire d’animation, genre aussi curieux que justifié dans ce cas précis. À Cannes (voir l’Humanité du 16 mai), Dominique Widemann avait longuement analysé Valse avec Bachir sous un angle critique. Nous avons profité du passage promotionnel à Paris de son auteur pour nous entretenir avec lui.

    Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de faire ce film ?

    Ari Folman. J’ai quitté la réserve à quarante ans, ce qu’on peut faire si l’on raconte tout à un thérapeute. J’ai fait huit sessions et c’est ainsi que j’ai été amené à parler de mes amnésies. Je n’avais jamais entendu parler de cas semblables avant. En en causant autour de moi, j’ai découvert que cela était arrivé à bien d’autres. C’est ainsi que j’ai écrit le film puis que je l’ai tourné. Avant, j’ai écrit des scénarios pendant vingt ans. Mon premier film, Confortably Numb en 1991, était un documentaire tourné pendant la première guerre du Golfe. J’avais interviewé des gens dans les abris, des proches pour dégager déjà l’idée de l’absurdité des guerres, ce de façon comique. J’ai ensuite réalisé des documentaires pour la télévision israélienne, en particulier dans les territoires occupés, et ainsi de suite jusqu’à mon deuxième long métrage de fiction, Made in Israël en 2001, qui racontait sur un mode futuriste la traque par des types qui espèrent en tirer récompense du dernier nazi vivant. Donc, quand est arrivée l’heure de Valse avec Bachir, j’étais fin prêt pour cela. Le scénario a été écrit en sept jours, cela dit en s’appuyant sur un an de recherches et sachant qu’il m’a fallu quatre ans en tout pour que le film arrive sur les écrans.

    Le personnage principal de ce film d’animation vous ressemble physiquement. Est-ce autobiographique ?

    Ari Folman. C’est on ne peut plus autobiographique et personnel. Vous pouvez voir que les noms des personnages figurent imprimés à l’écran. Ils existent et, les connaîtriez-vous, que vous noteriez qu’ils sont tout aussi ressemblants et que ce sont eux qui s’expriment. En fait, sur les neuf personnages, seuls deux n’ont pas souhaité apparaître sous leur véritable identité et sont donc doublés par des comédiens. Leur témoignage est tout aussi authentique. Ce sont celui qui fait le rêve récurrent dans lequel il est pourchassé par vingt-six chiens et celui que je vais retrouver aux Pays-Bas.

    Pourquoi avoir choisi l’animation, avoir redessiné ces entretiens documentaires alors que vous venez du documentaire ?

    Ari Folman. C’est la deuxième fois que je fais de l’animation. La première en 2004, The Material That Love Is Made of, était aussi sur une base documentaire puisque des scientifiques s’y exprimaient sur l’évolution de l’amour, mais l’on commençait en animation. Ici, l’animation m’a apporté la liberté pour traiter ce qui relevait du subconscient, les cauchemars et tout ce qui dans le documentaire aurait dû être raconté sans possibilité de l’illustrer.

    Israël n’est pas un pays connu pour ses films d’animation. Y a-t-il des précédents ?

    Ari Folman. Le premier long métrage israélien image par image a été réalisé en 1961, puis plus rien. Le mien est maintenant le deuxième, donc nous n’avons aucune tradition dans ce domaine. Cela m’a donné encore davantage de liberté. Je n’avais rien à quoi me rattacher. Cela dit, les choses vont peut-être changer car on vient d’ouvrir le premier département d’animation à destination des étudiants dans une école près de Jérusalem. Avant, il n’y avait rien. J’avais recruté huit animateurs mais j’en avais besoin de deux de plus. Cela m’a pris beaucoup de temps même si finalement je les ai trouvés. C’est pour cela qu’il m’a fallu quatre ans de tournage en studio et un an de recherche. Il a fallu écrire le storyboard, faire tout le travail à l’ordinateur, s’occuper de la musique et tout cela avec très peu de moyens. Le budget est de deux millions de dollars américains, soit cinq fois moins que celui de Persepolis. C’est une combinaison d’animation classique, d’animation flash et de trois dimensions. Les dessins sont aussi réalistes que possible afin que les gens s’attachent à l’histoire. D’où un gros travail sur les contours. Le film a été entièrement tourné dans notre studio, le Bridgit Folman Fim Gang.

    Pourquoi avoir pour les dernières minutes montré des vraies images des massacres de Sabra et Chatila ?

    Ari Folman. C’était pour moi une manière de redonner au film ses justes proportions. Je ne voulais pas que les gens sortent de la salle en se disant qu’ils avaient vu un film cool avec de la bonne musique. Je voulais qu’ils sachent que ce qui est décrit dans le film est réellement arrivé. Les images vraies ramènent à cela.

    Votre film est sorti chez vous il y a deux semaines. Comment a-t-il été reçu ?

    Ari Folman. Remarquablement. Les gens sont plus mûrs que je ne l’imaginais. Je m’attendais à ce qu’il y ait de la controverse. Il n’y en a pas eu. Les gens ont vu un film personnel qui les a touchés et c’est tout. J’espère surtout que les jeunes vont être nombreux et en tirer des leçons, en particulier celle pour laquelle j’ai réalisé ce film qui est qu’il ne faut pas prendre part aux guerres des autres. Si je m’étais contenté de tourner un documentaire, ils ne seraient jamais venus.

    Entretien réalisé par Jean Roy

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    Article paru le 16 septembre 2009

    Clap de fin pour la 66e Mostra

    Festival de venise . Le lion d’or distingue Liban, premier long métrage du réalisateur israélien Samuel Maoz.

    Venise (Italie),envoyé spécial.

    Le goût ne relève pas des sciences exactes et chacun voit midi à sa porte. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne le choix des jurys, qui recoupe ou pas ceux de la presse et ceux du public. Prenons Cannes. Isabelle Huppert avait donné l’exemple dpalmarès sans compromis, retenant les oeuvres les plus radicales et refusant le consensuel, à l’exception d’Un prophète. Le jury vénitien, que présidait Ang Lee et où Sandrine Bonnaire représentait la France, est parti dans la direction inverse. D’où un verdict qui a reçu l’assentiment de la très grande majorité des journalistes comme des spectateurs, ne laissant sur le banc de touche qu’un quarteron de grincheux geignant que le millésime n’était pas aussi capiteux que chacun s’obstinait à le proclamer et que les prix avaient ignoré une oeuvre majeure. On aura deviné que nous faisons partie de ces pisse-froid confits en cinéphilie au point d’être devenus incapables d’apprécier la brise nouvelle venue du large. Quand au titre omis, il s’agit bien évidemment de Lourdes, de Jessica Hausner, chaudement défendu ici, mercredi dernier, et qui repart sans la moindre petite mention du jury officiel. Les jurys parallèles ont sauvé l’honneur, lui attribuant une demi-douzaine de prix, dont celui de la critique internationale. Précisons, pour lever toute ambiguïté, que nous ne rejoignons pas les nationalistes qui, chez nous, ont déploré l’absence sur la liste des promus des films français (sinon au niveau de l’argent par le jeu des coproductions) et, chez nos voisins transalpins, de tout film italien (sinon au niveau des clopinettes).

    Place donc à Liban, premier long métrage de Samuel Maoz, réalisateur israélien né en 1962. L’oeuvre confirme une fois de plus que le cinéma israélien est, depuis une dizaine d’années maintenant, à suivre attentivement. Elle s’inscrit par ailleurs dans une tendance toute nouvelle qu’on pourrait appeler les films du traumatisme individuel, dont, encore mieux que Beaufort, Valse avec Bachir est le plus bel exemple. On sait que ce dernier est un film autobiographique, réalisé par Ari Folman pour exorciser, un quart de siècle après les faits, le choc qu’a été pour lui l’intervention au Liban, en septembre 1982. Il lui aura fallu près de trois décennies pour accoucher de sa vision de l’horreur. Tout oppose Valse avec Bachir et Liban. Le premier, par le choix de l’animation comme du propos, était un film ouvert au monde. Le second prend le pari de reconstituer à l’identique ce qu’ont vécu les protagonistes, soit de quitter le tank le moins possible, jusqu’à regarder l’extérieur en vision nocturne à travers la mire en forme de croix à disposition du canonnier. D’où un film à la fois coup de poing et incroyablement claustrophobe. Le public y trouve son compte, comme dans les jeux vidéo de simulation. La sincérité de l’auteur est totale, on ne le conteste pas. Mais, vu l’exiguïté de l’habitacle, le professionnel ne peut manquer de relever la somme d’artifices qu’il a fallu employer pour parvenir au naturel. On en trouve dans bien des chefs-d’oeuvre mais, ici, ils relèvent bien davantage d’une conception surannée de la mise en scène, remontant au temps où personne n’était choqué que l’on voit si bien les visages par une nuit sombre ou que l’héroïne garde sa mise en plis en pleine tempête.

    Il en va de même avec le deuxième prix, le lion d’argent pour la mise en scène, qui va à Femmes sans hommes, premier film de Shirin Neshat. Cette artiste iranienne de naissance, dont les toiles ont été exposées dans les plus grands musées du monde, a choisi de nous raconter une histoire d’autrefois, celle de l’été 1953 à Téhéran, alors que les services secrets britanniques et américains font tomber le premier ministre, Mohammad Mossadegh, coupable d’avoir nationalisé le pétrole. Dans les soubresauts du coup d’État, quatre femmes se rapprochent dans une cerisaie où elles partagent leur amitié dans l’indépendance de la solitude. Pourquoi pas ? La chose est techniquement bien réalisée mais on reste sous l’impression gênante qu’une pomme est née sur un bananier. D’un côté le film est iranien de par son sujet, sa distribution et son tournage en farsi. De l’autre, la lumière n’est pas du tout celle du cinéma iranien, le film renonce à être montré là-bas de par son esthétique (scènes de nu intégral et frontal), et la musique du grand compositeur japonais Ryuichi Sakamoto vient d’une autre planète. Curieuse manière, académique par ailleurs, de traiter d’un fait national.

    En fait, les vrais ovnis, comme souvent, c’est hors compétition et dans les sections parallèles qu’il fallait les chercher. On pense au documentaire Napoli, Napoli, Napoli, dans lequel le survolté Abel Ferrara s’entretient avec de jeunes délinquantes prisonnières pour brosser le portait de la ville. On pense, même si la forme est très classique, à The Informant !, dans lequel Steven Soderbergh parvient à faire prendre quinze kilos jusqu’à l’enlaidir à Matt Damon. On pense à Goran Paskaljevic qui, dans Lunes de miel, à la suite d’Eden à l’Ouest, de Costa Gavras, et deWelcome !, de Philippe Lioret, nous présente une Europe aux frontières difficilement franchissables, filmée sous le signe d’un chaos typiquement balkanique. Il y a encore des films où l’on trouve une proposition de cinéma.

    Jean Roy

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    Le Liban tire à boulets rouges sur le film israélien "Lebanon"

    de Rana Moussawi

    Le film “Lebanon” de l’Israélien Samuel Maoz sur l’invasion du Liban par l’Etat hébreu en 1982, Lion d’or à Venise, fait l’unanimité contre lui dans la presse libanaise.

    Le film autobiographique “Lebanon”, qui retrace les horreurs de la guerre à travers le viseur d’un tank où sont enfermés quatre soldats, montre “le point de vue israélien”, résumait cette semaine l’envoyé spécial à Venise du quotidien An-Nahar, proche de la majorité parlementaire soutenue par l’Occident.

    C’est une opération d’autodéfense où l’Autre n’existe pas, où il n’est qu’un ennemi masqué, absent, que le film traite de terroriste”, note-t-il.

    Le film ne sortira pas au Liban en raison d’une politique de boycottage des produits israéliens mais sera diffusé sur l’innercircle(comme ce fut le cas pour le film d’animation à succès sur les massacres de Sabra et Chatila, “Valse avec Bachir”, de l’Israélien Ari Folman. Dans “Lebanon”, les soldats israéliens ne voient du Liban que les massacres qu’ils y perpètrent : femme au bord de la démence après la mort de son enfant, vieillard au regard figé par la haine, agonie d’un âne éventré. Mais ces images ne semblent pas avoir convaincu les journalistes libanais qui ont vu le film durant le festival. “Beaucoup ont pensé qu’il s’agissait d’un film anti-guerre qui critiquait les guerres menées par l’Etat israélien et son institution militaire, mais en réalité, il ne critique rien“, affirme le quotidien Al-Akhbar, proche de la minorité appuyée par la Syrie et l’Iran. “Il parle d’une crise psychologique vécue par quatre soldats à l’intérieur d’un tank”, souligne-t-il.

    Samuel Maoz a expliqué que son film n’était pas politique et s’adressait à tous les publics. Mais pour An-Nahar, “le film tombe, comme on s’y attendait, dans cette logique qui transforme le bourreau en victime ou quasi-victime”. “Vingt-sept ans après avoir tué une personne pour la première fois de sa vie, Maoz remplace le tank par une caméra ! Le premier vous tue, le deuxième essaie de vous convaincre… mais la vérité se perd”, affirme le journal.

    Le quotidien Al-Moustaqbal, également proche de la majorité, va plus loin en estimant que le jury de la Mostra a pleuré sur le sort des “quatre soldats qui ont +trop souffert+” mais pas pour “les victimes de la guerre”. “Le film ne sert qu’à montrer la soi-disant humanité de l’Etat sioniste qui mène des guerres +malgré lui+ et +dans la douleur+”, ajoute le quotidien qui estime que ce genre de films sert à effacer 40 ans “d’agression” israélienne. Les critiques soulignent également que le film s’inscrit dans la lignée de “Valse avec Bachir”. “M. Maoz a profité de la vague lancée par Ari Folman à Cannes et cette mode
    israélienne d’examiner la conscience torturée se poursuit avec succès”, écrit Al-Akhbar, qui titrait son article “Valse avec Samuel Maoz !”.

    Sur les blogs, le ton n’est pas plus conciliant. “C’est un film de guerre israélien qui rend hommage aux assassins et aux bouchers de l’armée israélienne spécialisée dans le massacre des femmes et des
    enfants”, affirme un internaute sur le blog “Angry arabs news service”, qui avoue toutefois n’avoir pas encore vu le film. “Encore un film israélien qui humanise les soldats israéliens et pas les victimes libanaises et palestiniennes”, affirme un autre sur Twitter, le site internet de micro-blogs.

    http://bellaciao.org/fr/spip.php?ar...

    • Roberto, je suis entièrement d’accord avec tes propos.

      J’ai moi aussi regardé ce film avec beaucoup d’attention ; et là où je trouve que ce film informe tout en désinformant, c’est que à part dire que Bachir était adulé par le peuple (tout le peuple ? la majorité du peuple ? ... à vérifier ! ..), on ne parle pas de qui il était, de quelle tendance il était, de sa vrai position face au conflit local, de son point de vue sur ces camps de réfugiés palestiniens.
      Le sujet est trop systématiquement abordé du côté "soldats israêliens qui ne savent pas trop pourquoi ils sont là" (ce qui était sans doute vrai, parlez-en aux soldats ricains actuellement en Afghanistan...), c’est pathétique. On en vient presque à plaindre plus le soldat rescapé que tous ces cadavres entassés affichés en fin de film.

      Ceci dit, je trouve la diffusion de ce film utile, car qui connait vraiment Sabra et Chatila, en dehors des lecteurs de ce site ? Et bien je suis sur que cetains qui ne connaissaient pas, qui étaient relativement neutres, observeront désormais avec un autre oeil ce qui se passe dans la bande de Gaza. Ceux-là seront minoritaires, certes ; mais nous, nous étions déjà convaincus, tout comme ceux qui apprécieront la complainte des guerriers israëliens, l’étaient eux-aussi à l’opposé de nous.
      Les convaincus d’un camp ou d’un autre renforceront leur position, mais les ignorants auront découvert quelque chose, et qui sait ... Si quelques uns choisissent le bon camp, c’est toujours ça de gagné !

  • « Il ne faut pas désespérer des imbéciles, avec un peu d’entraînement on peut même en faire des militaires. » Pierre DESPROGES

  • VIVE LA PALESTINE LIBRE ET INDEPENDANTE !!!!!!!!!!!!!!!!!
    ISRAEL LACHE LA GRAPPE DE TES VOISINS ET FAIT PREUVE D’HUMANISME SI TU AS EN ENCORE UN PEU !!!!!!!!!!!!!!!!!!

    • Gideon Lévy : une épine dans le flanc d’Israël

      Une épine dans le désert". Le 25 août, quand les médias israéliens n’évoquaient que le "séisme" généré par l’"échec" de la guerre au Liban, Gideon Lévy, lui, rédigeait sous ce titre sa "story" hebdomadaire dans le supplément du quotidien Haaretz. Un reportage à Shoka - "épine", en arabe -, un village miséreux de la bande de Gaza. En un mois, quand tous les regards se portaient vers le Hezbollah, dix-sept Palestiniens y avaient été tués par l’armée israélienne.

      Gideon interroge les habitants, dépeint leurs maisons. Chacune porte la trace de balles ou d’obus israéliens. Murs effondrés, éventrés - "une combinaison de destruction et de pathétique tentative d’y maintenir un semblant d’humanité". A Shoka, il a rencontré Hafez et Moussa Armelat, 70 et 60 ans. Leur frère, Souleiman, venait d’être tué dans un bombardement. Il avait 50 ans. Anas Abou Awad, 14 ans, avait lui aussi perdu la vie. Puis il a rencontré Youssouf, dont la femme a dû être amputée d’un bras. En décembre 2000, Youssouf avait perdu un frère. "Il rentrait de la prière. Il a laissé derrière lui dix enfants", écrit-il.

      Trois jours auparavant, Lévy avait décrit la vie quotidienne des Gazaouis privés, en plein cagnard d’août, de 60 % de leur électricité. Quand il en parle, sa voix trahit sa désolation. "Sans réfrigérateur, impossible de garder du lait frais pour les enfants." Selon l’armée, le bombardement des centrales visait à "perturber l’activité des réseaux terroristes". Une "misérable justification", dit-il. Israël contrôle toute l’alimentation électrique des territoires palestiniens. Si Tsahal avait voulu l’interrompre à Gaza, "il lui suffisait d’actionner une manette".

      Voilà vingt ans que, semaine après semaine, Gideon expose "la réalité des Palestiniens sous occupation" à ses compatriotes, les maisons bombardées, les oliveraies rasées, les couvre-feux, les humiliations aux barrages, les kilomètres de détours à parcourir pour aller à son lieu de travail, emmener le gosse chez un médecin, rendre visite à un ami. "Sarajevo, dit-il, est à Rafah." Il en sait quelque chose : son journal l’y a envoyé, pendant la guerre en Bosnie. Que tant de ses compatriotes osent comparer Sdérot, le bourg israélien frappé par des obus de mortiers artisanaux lancés de Gaza, à Sarajevo l’"écoeure". En cinq ans, les tirs palestiniens ont fait deux morts à Sdérot. Il y en a eu près de 3 000 à Gaza. "Presque 200 depuis la capture du caporal Gilad Shalit le 25 juin, dont un tiers d’enfants. Il y en a tous les jours, trois encore ce matin", dit-il lorsque nous le rencontrons, ce 22 août. Il suffit de se rendre dans les deux villes pour savoir laquelle est Sarajevo, clame-t-il. "Mais qui, chez nous, se rend à Rafah ?"

      "L’ignorance volontaire de la réalité de l’occupation, l’autojustification et la conviction d’être, eux, les victimes", que partagent la plupart des Israéliens, c’est contre "ça", et "à cause" de ça, qu’il écrit. "Pour que personne ne puisse dire : "Je ne savais pas."" Quand viendra le temps des historiens, ceux-là verront, affirme-t-il, qu’en Israël, lui, sa consoeur Amira Hass et quelques rares autres "ont tenu la chronique de l’occupation". "Même si ça n’intéresse presque personne dans mon pays", ajoute-t-il.

      "Mon pays"... Gideon Lévy ne se connaît pas d’autre identité qu’israélienne. Un enfant de Tel-Aviv, l’industrieuse, la laïque, la jouisseuse. La "catin", disent des religieux. Mère venue de Tchécoslovaquie, père d’Allemagne, en 1939. Un "vrai" réfugié, dit-il, docteur en droit devenu ici vendeur ambulant de gâteaux pour nourrir sa famille. Gideon, lui, est éduqué dans les meilleurs établissements publics. Jeune travailliste, il devient en 1978 porte-parole de Shimon Pérès pendant quatre ans.

      "Avant d’aller dans les territoires, j’étais comme M. Tout-le-Monde" - indifférent au sort des Palestiniens. Rien ne le destinait à la fonction d’empêcheur de dormir tranquille. Y a-t-il eu un événement déclencheur ? D’abord, il dit que "non", qu’il n’a "découvert l’arrière-cour d’Israël que peu à peu". Et puis finalement "si", il y en a eu un.

      Devenu journaliste, durant la première Intifada (1987-1993), son photographe lui dit qu’une Palestinienne, partie accoucher dans une maternité de Jérusalem-Est, avait été refoulée par trois barrages différents. "Je n’y ai pas cru. Des sadiques à un barrage, c’était possible. Trois barrages, non." Il enquête. C’était vrai. Au troisième barrage, la femme avait accouché dans le taxi, puis supplié les soldats de la laisser là mais d’emmener son bébé à l’hôpital. "Ça aussi, ils l’ont refusé." Elle a fait le parcours à pied. A l’arrivée, l’enfant était mort.

      "Là, j’ai compris que quelque chose d’épouvantable nous arrivait. Nos jeunes ne sont pas des monstres. La plupart mettraient la main à la poche pour les victimes d’un séisme au Mexique. Pourquoi, dès qu’ils font face aux Palestiniens, se déshumanisent-ils ? Parce que la routine de l’occupation les pourrit, les amène à cesser de voir dans les Arabes des hommes comme eux." Depuis, il raconte, sans relâche, "ce cancer qui nous ronge, plus menaçant que tous les terrorismes : l’occupation d’un autre peuple". Sa grande fierté : en vingt ans, pas un seul de ses récits n’a été infirmé. De l’ébranlement qui saisit Israël depuis l’échec militaire au Liban, il dit que c’est "une bonne chose". Après "sixans de coma" dus à l’Intifada, "notre société se pose enfin des questions sur elle-même". Il craint, pourtant, que les mobilisations actuelles en Israël ne profitent à la droite dure, "tant est ancré chez nous le culte fou de la force".

      Pas de méprise : s’il n’oublie "rien de ce qui se passe à une heure seulement" de son cher Tel-Aviv, il n’est "pas un moine de la dénonciation". Ce séducteur, bronzé et caustique, ne manquerait pour rien au monde ses longueurs matinales à la piscine ni la visite de ses cafés préférés - du genre branché. Il trouve le dernier roman d’Amos Oz "sublime" et lit "beaucoup de poésie". Pour rien au monde, non plus, il ne lâcherait Haaretz, où il se sent "très seul", mais... "totalement" chez lui. Depuis 2004, le franc-tireur est entré à la direction de la rédaction. Se sentir "ultraminoritaire" mais professionnellement "reconnu" flatte son ego.

      C’est parce qu’il se sent israélien qu’une "culpabilité profonde" l’habite : "Je ne peux pas supporter que tant d’actes inqualifiables soient commis en mon nom." La solitude lui pèse, mais moins que l’hostilité qu’il suscite. Des courriels comme "Merci pour votre indispensable soutien", signé "Adolph Hitler", sont son pain quotidien. Et puis, est-il vraiment si seul ? Lorsque l’on tape Gideon Lévy sur Google, il n’y a pas loin d’un million d’entrées...

    • Gideon Levy, né en 1955 à Tel-Aviv, est un journaliste israélien, membre de la direction du quotidien Haaretz.

      Très critique à l’égard l’attitude israélienne vis-à-vis des Territoires occupés, il tient dans Ha’aretz une chronique hebdomadaire des violations commises contre les Palestiniens sous le titre de « Twilight Zone ». Son thème de prédilection est la dénonciation de l’obscurcissement du jugement de ses concitoyens et du recours systématique à une violence qui pour lui deshumanise à la fois le peuple israélien et ses adversaires.

      Gideon Levy a été conseiller de Shimon Peres.

      En tant que journaliste, son journal l’a envoyé en mission à Sarajevo pendant la Guerre des Balkans.

    • Le temps des justes

      de Gideon Levy, Haaretz

      Cette guerre, peut-être plus que les précédentes, expose le véritable esprit de fond de la société israélienne. Les Israéliens se nourrissent du racisme et de la haine, comme le montrent leur pulsion pour la vengeance et leur soif de sang. Ainsi que le décrivent les correspondants militaires à la télévision, « L’inclination du commandant » dans les Forces de Défense d’Israël est à présent « de tuer autant de personnes que possible ». Et même si référence est faite aux combattants du Hamas, cette inclination fait toujours froid dans le dos.

      L’agression et la brutalité débridées sont justifiées comme un « exercice d’avertissement » : le prix effrayant du sang – environ 100 Palestiniens pour chaque Israélien tué – ne soulève aucune question, comme si nous avions décidé que leur sang valait cent fois moins que le nôtre, signe de reconnaissance de notre racisme inhérent.

      La droite, les nationalistes, les chauvins et les militaristes sont les seuls à pouvoir légitimement donner le ton. Ne nous bassinez pas avec l’humanité et la compassion ! Ce n’est qu’en périphérie qu’une voix de protestation – illégitime, ostracisée et ignorée par la couverture médiatique – peut se faire entendre de la part d’un petit groupe courageux de Juifs et d’Arabes.

      A côté de tout cela, une autre voix se fait entendre, celle des « justes » et des hypocrites. Mon collègue, Ari Shavit, semble être leur porte-parole éloquent. Cette semaine, Shavit a écrit dans ce journal ("Israel must double, triple, quadruple its medical aid to Gaza" [Israël doit doubler, tripler, quadrupler son aide médicale à Gaza], Haaretz du 7 janvier) : « L’offensive israélienne sur Gaza est justifiée… Seule une initiative humanitaire immédiate et généreuse prouvera que durant cette guerre brutale qui nous a été imposée, nous nous souvenons qu’il y a des êtres humains dans l’autre camp. »

      Pour Shavit, qui a défendu la justesse ce cette guerre et a insisté qu’elle ne devait pas être perdue, son prix est immatériel, comme l’est le fait qu’il n’y a aucune victoire dans de telles guerres injustes. Et il ose, dans la même tirade, prêcher « l’humanité » !

      Shavit nous souhaite-t-il de tuer et tuer et après coup installer des hôpitaux de campagne et envoyer des médicaments pour soigner les blessés ? Il sait qu’une guerre contre une population sans défense, peut-être la plus impuissante du monde, qui n’a nulle part où s’enfuir, ne peut être que cruelle et méprisable. Mais ces personnes veulent toujours s’en sortir la tête haute. Nous larguerons des bombes sur des immeubles résidentiels et ensuite nous soignerons les blessés à Ichilov [l’hôpital de Tel Aviv] ; nous pilonnerons des refuges précaires dans les écoles de l’ONU et ensuite nous pourvoirons à la rééducation des estropiés à Beit Lewinstein. Nous tirerons et ensuite nous pleurerons, nous tuerons et ensuite nous nous lamenterons, nous abattrons des femmes et des enfants, tels des machines automatiques à tuer, et nous préserverons également notre dignité.

      Le problème est que cela ne fonctionne tout simplement pas de cette façon. C’est une hypocrisie et une autosatisfaction scandaleuses. Ceux qui lancent ces appels enflammés à toujours plus de violence sans prendre en considération les conséquences sont au moins plus honnêtes sur le sujet.

      On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. La seule « pureté » de cette guerre est « l’épuration des terroristes », c’est-à-dire, semer véritablement des tragédies horribles. Ce qui se déroule à Gaza n’est pas un désastre naturel, un tremblement de terre ou une inondation, pour lequel il serait de notre devoir et de notre droit de tendre une main secourable à ceux qui sont affectés, d’envoyer des équipes de sauvetage, comme nous adorons le faire. Manque de bol, tous les désastres qui se produisent à Gaza sont créés par l’homme – par nous-mêmes ! Les mains tachées de sang ne peuvent secourir. De la brutalité ne surgit pas la compassion.

      Pourtant il y en aura qui voudront toujours le beurre et l’argent du beurre. Tuer et détruire sans distinction et également en sortir la tête haute, avec une conscience propre. Continuer avec les crimes de guerre sans le moindre sens de la lourde culpabilité qui devrait les accompagner. Il faut avoir du culot ! Quiconque justifie cette guerre justifie également tous ses crimes. Quiconque prêche pour cette guerre et croit en la justesse des massacres qu’elle inflige n’a aucun droit de parler de moralité et d’humanité. Il n’y a rien de tel que tuer et nourrir simultanément. Cette attitude est une représentation fidèle du sentiment israélien basique et dual qui nous accompagne depuis toujours : Commettre le mal, mais se sentir purs à nos propres yeux. Tuer, démolir, affamer, emprisonner et humilier – et être dans notre droit, pour ne pas dire des « justes ». Les va-t-en-guerre « justes » ne pourront pas se permettre ce luxe.

      Quiconque justifie cette guerre justifie également tous ses crimes. Quiconque la considère comme une guerre défensive doit porter la responsabilité morale de ses conséquences. Quiconque encourage aujourd’hui les politiciens et l’armée à la poursuivre devra aussi porter la marque de Caïn qui sera gravée sur son front après la guerre. Tous ceux qui soutiennent cette guerre soutiennent aussi l’horreur.

      Article original : The time of the righteous

      Traduit de l’anglais par
      [JFG-QuestionsCritiques]

  • Les hors-champ de « Valse avec Bachir » et « Z32 »

    de Françoise Feugas

    « La seule et unique déclaration qui est faite dans Valse avec Bachir est clairement une déclaration universelle. Le film dit qu’il n’y a ni gloire, ni glamour dans la guerre. La guerre est inutile, et mon film est un message de paix », déclarait Ari Folman le 27 février dernier, après avoir reçu le César du meilleur film étranger pour son long métrage d’animation [1].

    Le « message de paix » d’un réalisateur israélien qui croit en la non-violence [2] est une chose assez rare pour être soulignée, après que l’opération « Plomb durci » à Gaza a bénéficié d’un soutien massif et inconditionnel en Israël où elle a été présentée comme strictement défensive. Mais les cendres de Gaza sont à peine refroidies, et cet universalisme pacifiste peut sembler un peu court. Avi Mograbi, autre réalisateur israélien dont on attendrait vainement la moindre déclaration lénifiante, suscite pourtant lui aussi un certain malaise avec Z32, film qui, comme Valse avec Bachir, met en scène un soldat israélien (lire « Un soldat israélien ordinaire », par Michelle Guerci). Dans le contexte de l’après-Gaza, les doutes, les hésitations et les interrogations du cinéaste sur l’opportunité et la façon de filmer le récit d’un crime de guerre, qui constituent le thème central et l’objet du film, peuvent apparaître comme des prises de tête obscènes à qui ne connaît pas sa filmographie et son travail de recherche extrêmement courageux. « Je partage mes interrogations avec le public tout au long du film. J’espère que chaque spectateur s’interrogera sur son rôle et cela ne concerne pas seulement le film mais implique des positionnements moraux [3] », dit-il. Dont acte.

    Le rapprochement entre les deux films s’impose ; pourtant Valse avec Bachir et Z32 n’évoluent pas dans les mêmes sphères : tandis que le premier joue dans la cour des grands – grand public, gros budget (incluant des fonds publics israéliens) et présence dans les festivals de cinéma qui comptent –, le second appartient au cinéma d’art et d’essai – pauvre – et s’inscrit dans un travail de longue haleine, confidentiel, difficile et unique dans l’histoire du cinéma, si l’on en croit Jean-Louis Comolli, des Cahiers du cinéma [4]. Mais il se trouve que l’on a reparlé de Valse avec Bachir (sorti en France en juin 2008) à l’occasion des Césars, tandis que Z32 est arrivé sur nos écrans le 18 février, c’est-à-dire un mois jour pour jour après le cessez-le-feu à Gaza. Il se trouve également que ce sont deux documentaires israéliens qui nous convoquent à nouveau sur le champ de bataille en nous renvoyant, l’un à un épisode terrifiant de la guerre du Liban – les massacres de Sabra et Chatila en septembre 1982 avec la complicité des dirigeants de l’armée israélienne (en particulier d’Ariel Sharon, à l’époque ministre de la défense) –, l’autre à la violence permanente exercée sur les Palestiniens par cette même armée dans les territoires occupés.

    Des « documentaires » : même s’il s’agit d’une classification par défaut, même en leur reconnaissant des éléments fictionnels – ce qui est une banalité, tout récit comportant une part de fiction –, le documentaire, comme l’autobiographie, annonce une convention par laquelle le public considère que le film traite de/avec la « réalité ». Dès lors, le principal critère de valeur qui s’y applique concerne la vision de la réalité qu’il restitue et, dans les cas qui nous occupent, implique effectivement un travail sur le contexte historique permettant de comprendre ce qui se joue sous nos yeux, et des « positionnements moraux » sinon politiques. Aucune considération sur l’habileté et l’intérêt des choix formels, esthétiques, ni les explications et les compléments d’information « off » des réalisateurs ne peuvent nous dispenser de considérer la question fondamentale du rapport au réel exprimé par ces films.

    Figures du soldat traumatisé Retour à la table des matières

    Le lieu commun des deux films repose sur la figure emblématique du soldat, enrôlé, manipulé, pris dans l’engrenage de la violence, tout à la fois acteur et spectateur, complice ou témoin et qui, souffrant après-coup de ce que l’on identifie comme un « état de stress post-traumatique », devient amnésique – c’est le cas d’Ari dans Valse avec Bachir— ou ne cesse de raconter son histoire sans jamais exprimer la moindre émotion ni le moindre remords – comme dans Z32. Lieu commun, en effet, que les traumatismes psychiques très réels de ces soldats surarmés qui s’en vont faire des guerres « disproportionnées » à des populations démunies dans des pays qu’ils dévastent, au napalm ou au phosphore. Dans les bonus du DVD de Valse avec Bachir, le réalisateur nous le précise : « Je pense que le film aurait pu être raconté par un vétéran américain du Viet-nam, ou un ex-soldat russe qui a combattu en Afghanistan, ou un ancien casque bleu hollandais intervenu en Bosnie, à Srebrenica au milieu des années 1990, ou encore par un Américain sur le front en Irak... par n’importe quel homme, qui se réveille un matin dans une ville reculée, loin de chez lui, qui se fait tirer dessus et qui renvoie les tirs, et qui se demande : “Mais qu’est-ce que je fous là ?” »

    Avi Mograbi confirme : « Bien sûr, Z32 parle du Moyen-Orient, mais vous pouvez aussi y voir les soldats américains en Irak, les Français en Algérie ou les Russes en Tchétchénie. Au début du film, je pensais traiter du conflit israélien, et ce n’est qu’au cours du tournage que j’ai compris que le sujet est beaucoup plus large [5]. »

    Cet universalisme de la figure du soldat instrumentalisé est malgré tout dérangeant, parce qu’étant indiscutable, il occulte la spécificité, pour ne pas dire la vérité historique de l’écrasante responsabilité de l’Etat d’Israël dans la situation faite au peuple palestinien depuis l’époque du plan de partage de la Palestine en 1947. Le caractère exceptionnel de ce conflit, eu égard aux autres guerres coloniales et massacres divers évoqués par les deux réalisateurs, réside dans sa durée d’une part, dans l’impunité absolue dont a toujours bénéficié Israël de l’autre. Les soldats qui ne savent pas ce qu’ils sont venus faire là, ni ne comprennent ce qui se passe sous leurs yeux, sont réfugiés en quelque sorte dans leur histoire personnelle, seul point de référence et seule construction narrative possible. Ils sont à la fois présents et absents à eux-mêmes et à leur environnement, métonymies d’une violence guerrière toujours déconnectée de ses causes, toujours considérée en situation, et que résume jusqu’à la caricature le : « n’importe quel homme (…) qui se réveille un matin dans une ville reculée, loin de chez lui, qui se fait tirer dessus et qui renvoie les tirs » par quoi Ari Folman nous décrit le soldat universel.

    Ainsi, par une douteuse subversion des rôles, le jeune conscrit qui a tué ou participé à un crime de guerre devient la seule victime à laquelle le public est invité à s’identifier, à son corps défendant, quand les victimes palestiniennes demeurent dans l’ombre, passent en silence – comme la femme que croise Z32 revenu sur les lieux du meurtre –, sont déjà mortes ou pleurent leurs morts – comme dans les images d’archives qui bouclent le film d’Ari Folman. Par opposition à ceux qui produisent un récit, les Palestiniens n’ont pas d’histoire à raconter, leur violence éventuelle est, comme leur souffrance, muette. « C’est à eux de faire leurs propres films », répond Ari Folman quand on lui en fait la remarque [6], précisant qu’il ne peut pas parler à leur place. C’est vrai, mais alors le silence des Palestiniens persistera encore longtemps, face à un cinéma israélien qui a, on s’en doute, un accès plus aisé à des sociétés de production ou à des aides publiques susceptibles de financer ses projets. Sans parler des circuits de diffusion, qui posent très clairement la question de l’audience de documentaires palestiniens auprès de publics occidentaux. Ceux-ci ont une proximité culturelle plus grande avec les Israéliens, qui se vivent comme des Occidentaux – ce qui facilite l’identification.

    On pensait pouvoir compter sur Avi Mograbi, l’ex-refuznik travaillant avec l’association Shovrim Shtika (« Brisons le silence ») [7], pour casser l’image mythifiée d’un Israël « assoiffé de paix aux mains pures », selon l’expression rapportée par Sylvain Cypel dans Les emmurés  [8]. Mais il nous fait accomplir, avec Z32, un triple saut périlleux qui nous laisse sur le carreau : il choisit de filmer délibérément un homme qui avoue avoir pris du plaisir à tuer un Palestinien innocent dans une opération de représailles en territoire occupé. Or, en acceptant de le filmer, il l’absout, en quelque sorte. Condamne son acte, mais ressent de l’empathie pour lui. Il va même plus loin, veut lui redonner sa place dans la communauté humaine, un visage « universel », et, pour cela, choisit une technique de masquage qui ne « floute » pas son visage, mais lui restitue au contraire des traits réguliers, une sorte de beauté antique. Le travail d’orfèvre qu’il accomplit pour maintenir une image ambivalente de sa relation au jeune homme, à mille lieues d’une lecture binaire, aboutit quelque part, et par un cheminement totalement opposé, au même résultat que le film d’Ari Folman : la dénonciation des « horreurs de la guerre », l’humanité du soldat qu’il veut restituer dissolvent les responsabilités israéliennes très réelles, évacuent le politique et diluent le crime de guerre.

    Le récit manquant Retour à la table des matières

    Au-delà de la figure du soldat, les deux films interrogent leur propre hors-champ ou, plus exactement, ce que la mémoire des individus a à voir avec l’établissement de la vérité historique, avec le « dit » de la guerre et de l’occupation. Entre la singularité des deux récits, leur réitération obsessionnelle ou la recherche d’un épisode traumatique effacé d’une part, et l’appel à la condamnation de la guerre toujours cruelle de l’autre, il y a encore la chaise vide de l’histoire du conflit israélo-palestinien. Certes, Valse avec Bachir restitue bien la responsabilité israélienne « indirecte » (selon les conclusions rendues par la commission israélienne d’enquête Kahane) du massacre de Sabra et Chatila et de l’alliance objective avec les phalangistes libanais – la « valse » avec Bachir Gemayel –, tandis que Z32 a pour cadre un aspect du quotidien brutal de la répression dans les territoires occupés. Mais ils fonctionnent, de façon complexe, sur le déni de réalité « originel » dont Sylvain Cypel analyse les conséquences sur la société israélienne : celui de la spoliation d’un peuple par un autre, qui est au centre de la relation entre Israéliens et Palestiniens. Un non-dit qui pulvérise la hiérarchie des responsabilités et garantit au mieux l’impunité des dirigeants israéliens, sur fond de silence complice de la « communauté internationale ».

    Dans les deux films, quoique de façon différente, la rédemption des soldats s’opère par un mécanisme qui voit émerger la question du pardon de façon quasi automatique dès lors qu’il y a « aveu ». Avi Mograbi pose la question cruciale : « Dans des situations de conflit, quand beaucoup de sang a été versé, comment trouver ensuite une forme de rédemption dans la communauté [9]  ? » Dans Valse avec Bachir, un ami assure à Ari qu’il n’est pas coupable, et dans Z32, le réalisateur déclare qu’il pardonne à l’assassin, même si sa femme ne veut pas le voir dans son salon – si bien que Mograbi, dans un entretien, évoque une relation d’« adultère » entre lui et Z32 ! Ainsi avons-nous sous les yeux, par deux fois, la scène qui fait réellement problème dans les deux films : des Israéliens se pardonnent entre eux tout le mal qu’ils font aux Palestiniens. Unilatéralement, pourrait-on dire.

    C’est la chaise vide de l’histoire qui autorise Ari Folman à adresser au public français (et, par extension, au public en majeure partie occidental de son film) un « message de paix », et Avi Mograbi à pardonner à un criminel de guerre, quand les crimes de guerre israéliens n’ont pas été jugés, quand le droit n’a pas été dit, quand aucune commission d’enquête sur le modèle de la commission sud-africaine « Vérité et réconciliation » n’a jamais été mise en place. Et que l’occupation dure encore.

    Voilà pourquoi il y a parfois, dans les salles obscures, quelques grincements de dents.

    Notes

    [1] « Dans les coulisses avec Ari Folman », entretien avec Laurent Weil.

    [2] « L’adieu aux armes  », Le Nouvel Observateur, semaine du 5 mars 2009.

    [3] « La langue du dialogue s’est perdue », L’Humanité, 18 février 2009. Entretien réalisé et traduit par Dominique Widemann.

    [4] « Avant, après l’explosion. Le cinéma d’Avi Mograbi », par Jean-Louis Comolli, Les Cahiers du cinéma, n° 606, novembre 2005, p. 70-72.

    [5] « Z32, d’Avi Mograbi », entretien avec Pierre Murat, Telerama.fr, 24 février 2009.

    [6] « L’adieu aux armes », cf. note 2.

    [7] Association qui recueille et publie sur son site les témoignages d’anciens soldats. Voir la version anglaise : Breaking the silence

    [8] Sylvain Cypel, Les emmurés. La société israélienne dans l’impasse, « Cahiers libres », La Découverte, 2005.

    [9] « Z32, d’Avi Mograbi », cf. note 5.

    http://blog.mondediplo.net/2009-03-11-Les-hors-champ-de-Valse-avec-Bachir-et-Z32

    • Z32, un film d’Avi Mograbi

      Un soldat israélien ordinaire

      de Michelle Guerci

      Le réalisateur Avi Mograbi ne cesse de filmer la société israélienne de l’intérieur. Son dernier film, Z32, est consacré à un jeune soldat ayant perpétré un crime de guerre.

      C’est un film qui dérange, d’autant plus qu’il sort juste après l’offensive sur Gaza. Z32 raconte l’histoire d’un jeune soldat israélien appartenant à l’une de ces unités d’élite qui opèrent dans les territoires occupés. Lors d’une opération de représailles, il tue un policier palestinien. Le meurtre d’un innocent, commis de sang froid, sur ordre de sa hiérarchie, pour venger la mort de soldats israéliens dans un attentat. Un acte que, deux ans après, il ne parvient pas à oublier. L’histoire a pris une fois de plus Avi Mograbi de vitesse. Mais, paradoxe, le décalage entre son film et l’actualité, l’horreur perpétrée à Gaza avec le large soutien de la population israélienne, démontre à quel point son œuvre est essentielle. Car Mograbi ne cède pas un pouce de terrain politique ou artistique face à la machine de mort israélienne.

      Ses films démontent de l’intérieur les ressorts de la mécanique politique israélienne. Comment la machine étatique s’immisce, distille dans chaque espace de la société, à commencer par l’école, dès la maternelle, sa propagande de mort, de haine, en falsifiant l’histoire, en manipulant les mythes, en brouillant toutes les images. Comment elle contamine les individus, jusqu’au cœur de leur intimité. Dans son film précédent, Pour un seul de mes deux yeux, Mograbi montre le détournement idéologique des mythes bibliques de Massada et de Samson pour justifier l’occupation. Saisissantes images que celles de ces guides touristiques demandant aux visiteurs du site de Massada de mimer le suicide collectif des Zélotes pour échapper à l’occupant romain, car elles évoquent en creux les attentats-suicides. Autre armée d’occupation. De jeunes militaires israéliens, filmés contre leur gré en train d’humilier des Palestiniens, mères de famille, écoliers, paysans, ouvriers dans les situations les plus banales, les plus quotidiennes, le retour de l’école, l’urgence de se rendre à l’hôpital, l’arrêt d’un tracteur en plein champ, l’attente des heures durant à un check-point, sur un pied, car tel a été l’ordre.

      Faire des films, pour Mograbi, relève donc d’une nécessité impérieuse, d’une urgence politique. Mais sa démarche est hors normes, car elle interroge le cinéma à l’endroit où ça fait mal. Présentées comme le réel, les images n’en sont qu’une reconstruction, du point de vue de celui qui les manipule. Le système d’information les distille, les sélectionne pour pérenniser une idéologie dominante – la fameuse « preuve par l’image ». Cela dépasse évidemment le cas d’Israël, dont la propagande d’Etat n’en est que l’acmé. Mograbi interroge le cinéma au raz des conditions de faisabilité dans ce pays-là, dans cette guerre-là. Il fait œuvre en posant les questions du politique et de l’esthétique en même temps, car elles sont indissociables. Qui filmer, comment filmer, comment faire rendre gorge aux images : ces questions concernent le cinéma en général. Et sa méthode constitue une tentative de réponse là-bas et maintenant.

      Déconstruire les images
      pour faire advenir du réel Retour à la table des matières

      Dans Comment j’ai surmonté ma peur et appris à aimer Ariel Sharon (1997), tourné après l’assassinat d’Itzhak Rabin, alors qu’il veut montrer le « monstre » qui sommeille en Sharon, il découvre, le film se faisant, que l’homme Sharon crève l’écran, qu’il est drôle, charismatique, bref, sympathique. Une complicité se crée. Devant ce constat d’échec, l’impossibilité à montrer le vrai Sharon, l’homme politique « nuisible », il introduit dans le documentaire une fiction : sa femme le quitte parce qu’il a cédé à la séduction sharonienne. Et il termine se dandinant au rythme frénétique de rockers à paillotes chantant « Bibi » Netanyahu, le Likoud, leur haine de la gauche et des Arabes. Fallait-il faire ou ne pas faire ce film ? Telle est la question que Mograbi résout sous nos yeux, puisque le film existe. Mais, images à l’appui, il nous met en garde contre la séduction de Sharon filmé par Mograbi. La méthode Mograbi, déconstruire les images pour faire advenir du réel, n’est pas une recette. Elle se réinvente en fonction du film à faire. Jusqu’à présent autour de trois axes : introduire de la fiction au cœur du documentaire comme détour ou comme recours pour reconstruire un autre réel, montrer le film en train de se faire pour casser l’illusion du spectacle, mettre en scène le personnage Mograbi-réalisateur, à la maison, avec ses questions, ses doutes, ses contradictions, son découragement... Car, la politique contaminant tout, il n’y a pas de séparation possible entre sphère publique et vie privée : le salon des Mograbi devient le lieu symbolique de cette réalité, de la résistance de l’homme et du cinéaste.

      Dans Z32, celui-ci est confronté à un problème nouveau. Pour la première fois, il collabore avec son personnage. Un contrat les lie : il ne peut le filmer qu’à condition que son identité ne soit pas révélée. Car Z32 a peur. Son témoignage, qui raconte l’armée de l’intérieur et sa participation à un crime de guerre, l’expose évidemment à une sanction. Alors, Mograbi invente un nouveau dispositif : la collaboration entre le réalisateur et son personnage sera montrée d’emblée, puisque le film s’ouvre sur un jeune couple en train de se filmer. « Ça tourne, c’est bon le cadre ? », interroge la jeune femme. En un plan, on plonge au cœur des raisons de la présence de ces deux-là, corps avachis l’un sur l’autre, s’allumant un pétard, seuls avec leur caméra. Son incompréhension à elle devant ce que lui appelle « cette saloperie d’histoire », l’importance pour lui de son pardon à elle.

      Mais où est donc passé le réalisateur ? A-t-il renoncé à se mettre en scène, après avoir abandonné la caméra à son personnage ? Ce n’est pas le genre de Mograbi de déserter le terrain. Dans un plan hilarant, il apparaît dans son salon cagoulé, lisant un témoignage. Puis il fait dans la cagoule un trou pour les yeux, pour la bouche, pour le nez. Soudain, arrive sa femme, à qui il annonce qu’elle fait partie de la scène. Enfin, il la retire, cette cagoule, parce que « le personnage n’en peut plus », « qu’il va falloir procéder autrement, que dorénavant le réalisateur n’apparaîtra qu’en chantant ». En direct live, Mograbi met le film en abyme, dévoile le problème de cinéma auquel il est confronté pour ce film-là, cette identité à ne pas révéler, tout en évitant de transformer son personnage en homme effrayant – ce que l’on vient de voir de façon burlesque –, le contraire de ce qu’il veut montrer, puisque Z32 n’est pas un monstre, mais un soldat ordinaire.

      Le porte-voix de tous les soldats du monde Retour à la table des matières

      Troisième plan : une bouche parle, en très gros plan. Puis apparaît un œil. Enfin, tout un visage flouté, à l’exception des yeux et de la bouche. Puis un masque se dessine qui, tout au long du film, évoluera, tantôt surligné, tantôt véritable masque de théâtre, enfin presque invisible. De cette contrainte réelle – ne pas révéler l’identité de Z32 – est né un artifice de cinéma d’une puissance inouïe. Car le soldat Z32 prend alors une autre ampleur : il se démultiplie, semble être le porte-voix de soldats de toutes les armées du monde et, dans le même temps, il est là en chair et en os, si proche que, raconte Mograbi, lors d’une projection à Tel Aviv, certains spectateurs étaient convaincus de l’avoir reconnu dans la salle. L’empathie fonctionne avec l’illusion de voir un homme qui risque gros en témoignant à visage découvert. D’où le trouble que provoque cette main passée sur le visage, sous le masque donc, car on avait oublié. L’illusion se casse alors pour mettre à distance le récit d’un personnage, Z32. Ce dispositif nous fait osciller pendant tout le film entre émotion, compassion, malaise, froideur.

      Le récit de Z32 commence par la description de ses vingt-deux mois d’entraînement : l’obligation d’être le meilleur pour ne pas être renvoyé, la promiscuité, les 99% d’humiliations et de brimades, l’attente à ne rien faire, la masturbation comme seule occupation, le sentiment de surpuissance, de pouvoir baiser toutes les filles, de devenir un héros de film à la Chuck Norris, comment tout individu de plus de cinq ans devient un ennemi à abattre, comment autorisation est donnée de tirer sur les enfants… De ce contexte général, qui transforme un jeune homme de 20 ans en machine à tuer, le témoignage passe aux actions plus précises, qui outrepassent les « recommandations », par exemple le dépôt d’une charge tactile à un check-point qui provoque le mort de cinq enfants, cinq frères rentrant de l’école.

      Deux plans ferment ce « prologue », Mograbi dans son salon chantant. On pense aux songs de Brecht. Mais la douceur de ce chant évoque le blues – ou quand il ne reste plus qu’à chanter pour ne pas pleurer. Enfin, Mograbi en route pour les territoires occupés, carte en main, passant un barrage avec Z 32.

      Tout le film alterne ces quatre espaces-temps indissociables, qui se répondent mais avancent séparément. Car chaque personnage parle d’une place différente. Z32, seul à l’écran, revient sur l’acte passé. Le couple, miné par cette histoire, oscille entre sa demande qu’il lui raconte son histoire, qu’elle endosse son acte, moyen de s’en débarrasser, ne pas affronter sa propre responsabilité. Et son impossibilité à elle d’accepter cette logique, car elle le questionne justement au plus serré sur sa responsabilité.

      Invisibilité des Palestiniens Retour à la table des matières

      Le personnage du réalisateur-Mograbi, lui, joue un triple jeu. Ses chants, comme le chœur dans la tragédie antique, donnent le point de vue de l’écoutant, qui pèse les responsabilités plus globales, politiques, de la société civile, vous, moi, face à ces crimes de guerre. Mais il est aussi – comme dans les autres films– le cinéaste Mograbi qui expose ses doutes et son ambivalence face à Z32. Enfin, il est le cinéaste-acteur de cette histoire, car c’est lui qui demande à Z32 de revenir sur les lieux de crime. Et là, l’histoire prend une autre dimension. Car l’Autre, le Palestinien, cesse d’être l’objet du tourment de Z32. Il devient sujet, son territoire écrasé de soleil existe, et il prend le visage de cette femme palestinienne qui passe, lentement au loin, puis plus près, regarde la caméra et Z32. Qui ne la voit pas. Impossible reconnaissance. Tout le problème d’Israël est résumé dans ce plan. Ce retour sur les lieux fait basculer le film. Le témoignage cesse d’être abstrait. Les deux plans en surimpression – Z32 dans le salon de Mograbi, qui raconte la montée d’adrénaline, le sentiment de planer, les tirs de joie qui s’acharnent sur le Palestinien, et Z32 sur les lieux – restituent à l’acte sa véritable dimension : un assassinat.

      Retour du refoulé : lui qui ne se souvenait de rien, sauf d’avoir tué, prend conscience. Cherche, trouve où ils étaient cachés, « voit » que cet endroit est désert, comprend la configuration des lieux et réalise qu’une attaque était impossible. « Quel gâchis. Si on me tirait dessus maintenant, ce serait symbolique, tout l’événement serait symbolique », lâche t-il. A ce moment, Z32 cesse d’être ce jeune homme qui avouait de façon neutre, formelle, être un criminel de guerre. Il habite à nouveau son discours. Ses mots se font plus précis, ses aveux aussi : il dit à sa petite amie que, lors de l’opération, il n’avait pas la sensation que le Palestinien était un homme ; il avoue sa fierté d’avoir tué lorsqu’il rentre à la base, et raconte le concert « génial » auquel il assiste le soir même du meurtre. Plus il affronte sa responsabilité, dit l’indicible, le plaisir qu’il a pris, plus il accède à ce qu’elle lui demande, la reconnaissance de sa responsabilité, moins elle le supporte. Plus il lui devient étranger. Alors que le film avait démarré sur les corps mêlés, il se clôt sur une séparation absolue.

      Mograbi, extérieur à l’histoire, n’est pas dans la même posture que la jeune fille. Comme nous, il est divisé. C’est sa femme Tami qui, une fois de plus, se fait l’écho de cette division intérieure : « Ce n’est pas un sujet pour un film », « Ne l’emmène pas chez nous, surtout pas dans le salon ». Elle doute de la sincérité de Z32 : « Il joue au repenti, se lave à ton regard. » Et pointe l’ambiguïté du cinéaste Mograbi : « Tu t’en sortiras une fois de plus en faisant un film percutant. » Le film se faisant, Mograbi tranche : il accueille dans son salon « ce perdant, ce simple figurant », en même temps qu’il avoue « abriter un assassin dans son film », même s’il lui pardonne, « au moins ça le tourmente d’avoir réduit un homme à une tache ». Dans sa dernière apparition, il va plus loin, avoue le plaisir qu’il a pris, lui, le cinéaste, à voir Z32 souffrir devant ses yeux, sa honte de l’avoir chanté et de lui avoir pardonné.

      Complexité des hommes, clivages intérieurs, responsabilité individuelle, responsabilité collective : Z32 aborde la question d’une possible rédemption. D’où l’acharnement de Mograbi à filmer le problème de tous les côtés, de tous les points de vue. Impossible de ne pas penser aux propos d’Hannah Arendt sur la banalité du mal ; à la guerre d’Algérie, à la torture de masse pratiquée par de jeunes appelés. Combien de temps aura-t-il fallu pour que ce récit existe ? Mograbi l’avoue : il est très pessimiste. Mais en filmant Israël, ici et maintenant, il œuvre pour l’histoire, pour qu’un possible futur advienne.

      http://blog.mondediplo.net/2009-02-16-Un-soldat-israelien-ordinaire

  • Beaufort, Oscar du film négationniste

    de Nidal

    Je dois avouer que j’ai des goûts cinématographiques assez spéciaux : j’aime les films bizarres, décalés, imparfaits, discutables... C’est peut-être pour cela que j’ai aimé le film israélien sorti la semaine dernière en France : Beaufort.

    Ça n’est en effet pas tous les jours qu’on peut voir un film aussi clairement négationniste. Évidemment, je viens de vous le dire : en matière de cinéma, j’aime le spécial, le raté, le pas fameux.

    Par « négationniste », je veux dire : « qui nie une réalité historique avérée ».

    * * *

    Les critiques de films sont, dans la triste caste des journaleux, parmi les plus fainéants et les plus incultes. La recopie minutieuse d’extraits choisis du dossier de presse est pour eux une tâche épuisante. La lecture de la page des résumés de critiques consacrées à Beaufort sur AlloCiné donne le ton :

    « L’armée israélienne apparaît dans sa dimension de bravoure et d’absurde. Joseph Cedar (...) pose les questions qui dérangent. » - TéléCinéObs, François Forestier

    « Au-delà du message politique évident du film, Beaufort trouve aussi une profondeur inattendue dans l’utilisation que fait Cedar de son décor (...) Un juste questionnement sur l’histoire. » - Les Inrockuptibles, Jean-Baptiste Morain

    « Le film est sorti en Israël quelques mois après la “deuxième guerre du Liban”, en 2006, dans un fort moment de contestation des opérations menées. La leçon en va bien au-delà. » - L’Humanité, Dominique Widemann

    « Hymne anti-guerre, (...) ce film est un coup de maître de la part d’un réalisateur qui avait un temps - ironie de l’histoire - caressé l’idée de devenir général. » - La Croix, Sophie Conrard

    « Un film précis qui ne célèbre jamais [la guerre] (...) Beaufort est juste d’un bout à l’autre. (...) C’est un peu toutes les guerres qu’il raconte. » - Libération, Jean-Pierre Perrin

    « Un vigoureux pamphlet contre l’absurdité de la guerre. » - Ouest France

    La lecture de toutes les notules est simplement démoralisante : en gros, un beau film anti-guerre qui pose les bonnes questions...

    Seul Télérama émet une réserve sur le fond politique du film :

    « Tiré d’un roman de Ron Leshem, le film pèche surtout par sa neutralité : bien sûr, l’état-major israélien est durement critiqué pour ses choix stratégiques, et, en lui obéissant strictement, le jeune commandant du fort va perdre tragiquement quelques-uns de ses hommes.

    Mais telles sont les absurdités de la guerre en général, et pas spécifiquement celles de l’interminable conflit israélo-palestinien. Ainsi, même exécutant des ordres stupides, les troufions sont de braves petits gars, respectueux du drapeau et de la nation. Manque peut-être un contrechamp sur l’ennemi, qui permettrait de restituer tous les enjeux de cette guerre-ci. » - Aurélien Ferenczi

    J’avais découvert ce film sur Aljazeera en anglais il y a quelques mois. La jeune chroniqueuse culture-cinéma de la chaîne avait en effet présenté Beaufort comme étant un film « polémique en Israël », parce que, disait-elle, prônant la paix.

    * * *


    Dans le genre « film de guerre contestataire », Beaufort est excellent et efficace, très exactement dans la veine des meilleurs films américains contestant la guerre du Vietnam : excellents et... négationnistes. Le principe de ces films était de faire croire que la guerre qui a détruit le Vietnam, ses habitants et sa société, était mauvaise parce qu’elle... faisait du mal aux Américains et à ses soldats (d’où la toujours risible prétention américaine à se croire victime du Vietnam plutôt que l’inverse - lire Chomsky et ses descriptions de la « contestation » de la guerre du Vietnam).

    Beaufort nous montre le quotidien de soldats israéliens, retranchés dans un fort au sommet d’une montagne du Sud Liban, peu avant le retrait israélien de 2000, souffrant de la peur, de l’ennui et d’un manque total de motivation. L’« ennemi » n’est jamais montré, on ne voit que l’effet meurtrier de ses roquettes et de ses bombes.

    Ce que tous les critiques qui vantent la « justesse » de ce film n’ont pas remarqué, c’est que le film est « juste » à condition de considérer qu’il s’agit de science-fiction, d’une guerre inventée qui a eu lieu sur une autre planète. Car ce que « montre » Beaufort, en réalité, c’est tout ce qu’il ne montre pas. Sa vérité est dans le mensonge par omission systématique.

    Ce que le film ne montre pas, et qui est pourtant le fondement même de ce qu’ont vécu les habitants du Liban sud :

    • la terreur systématique contre les populations civiles,
    • la politique systématique de déplacement de populations,
    • la mise en place d’une milice de mercenaires d’idéologie fasciste (l’ALS) orientée directement contre la population,
    • les bombardements punitifs systématiques,
    • les villages rendus inhabitables et les champs de mine installés partout,
    • la destruction totale des infrastructures civiles,
    • le détournement de l’eau,
    • les rafles et les scéances de torture...

    Absolument rien de tout cela n’est même évoqué dans le film (et encore moins montré). Nous avons une bande de braves (et sympathiques) soldats d’une armée d’occupation, retranchés dans leur fort, soldats qui sont tués mais ne tuent jamais personne.

    Pour un rappel des exactions israéliennes au Liban sud, on peut relire cet article de 1999 du Monde diplomatique, signé Walid Charara et Marina Da Silva, « Résistance obstinée au Liban sud ».

    Quant au rôle de la Résistance libanaise, le film passe implicitement un message explicité une seule fois par un journaliste de la télévision (dans le film). Les Israéliens sont entrés au Liban avec une mission mais, en 2000, le « sens » de cette mission est perdu et les Israéliens décident de se retirer de leur plein gré. Le Hezbollah, lui, se contente d’intensifier ses attaques à distance (jamais de corps à corps dans le film) pour pouvoir s’attribuer de manière indue cette « victoire ».

    Beaufort est l’un des plus exemplaires cas de négation de l’histoire du cinéma contemporain. C’est fait avec des images magnifiques, une discours pseudo-humaniste remarquable et une ingénuité qui méritent l’admiration. C’est à ce titre qu’il aurait dû décrocher l’Oscar du film négationniste à Hollywood.

    http://tokborni.blogspot.com/2008/04/beaufort-oscar-du-film-ngationniste.html

    • Résistance obstinée au Liban sud

      TANDIS que se poursuivent les tractations entre la Syrie et Israël sur une éventuelle reprise des négociations de paix, M. Ehoud Barak a annoncé son intention de retirer l’armée israélienne du Liban sud d’ici au mois de juillet 2000. Pourtant, au mois de septembre 1999, son aviation a effectué une centaine de sorties aériennes contre le Liban, un record depuis l’opération « Raisins de la colère », en 1996. Ces bombardements s’effectuent dans l’indifférence des médias internationaux, mais ils n’ébranlent pas la résistance obstinée de la population à l’occupation israélienne.

      Par Walid Charara et Marina Da Silva

      Il y a d’abord eu les tirs d’obus de part et d’autre, nourris et constants. La position israélienne sur le massif de Sojoud fait face au village de Jarjou’, la cible parfaite. D’ici, chaque village, chaque route en contrebas dans la vallée est sous surveillance de l’armée israélienne, qui domine le paysage à partir de trois positions, Sojoud, Sweida, Birkelab. L’intensité des salves indique qu’une opération de la résistance a eu lieu. Nous apprendrons très vite que le responsable de l’Armée du Liban sud (ALS), la milice pro-israélienne, à Beit Yahoun, un des cinq points de passage reliant la zone occupée au reste du Liban, a été tué.

      La journée sera placée sous le signe de la « riposte ». Les chasseurs bombardiers israéliens zèbrent le ciel juste au-dessus de Jarjou’. Ils volent bas et plongent en piqué pour mieux épingler leurs cibles. Un vieux paysan, droit dans leur ligne de mire, continue à bêcher son jardin, imperturbable. Deux bombes s’écrasent à moins de 150 mètres de la maison d’Ali, dégageant d’épais champignons de fumée noire.

      Ali a cinq ans. Il a été blessé à l’oeil par une roquette il y a deux ans. Cela n’a pas ébranlé la détermination de ses parents, qui n’ont jamais quitté le village situé sur la ligne de front, même aux périodes les plus dures. « Ils peuvent bombarder autant qu’ils veulent. Nous ne partirons pas. Nous ne sommes pas des errants », affirme sa mère, serrant contre elle son dernier bébé. Les bombardements sont quotidiens, à peine mentionnés dans la presse internationale. Depuis le début de l’année, 22 civils libanais ont été tués et 144 blessés par les « représailles » israéliennes (1), tandis que 19 miliciens de l’ALS ont été tués et 67 autres blessés dans les attaques du Hezbollah.

      Chaque jour, les combattants du Hezbollah lancent une, deux, trois opérations, et chaque jour la région est méthodiquement frappée. « Depuis les accords d’avril (2), les Israéliens ne peuvent plus nous pilonner aussi systématiquement, mais ils ne cessent de faire monter la tension. La résistance les combat, assure les soins aux blessés et nous aide à reconstruire nos maisons », indique Ali Mahmoud, un ancien agriculteur reconverti dans la vente de café. Près de 700 personnes habitent à Jarjou’, un village mixte chrétien-musulman. Ils étaient 2 000 naguère et vivaient principalement de la terre. Avant l’invasion de 1982, l’agriculture assurait au Liban sud 40 % de ses revenus. « Le secteur agricole, les réseaux d’irrigation ont été totalement détruits, poursuit-il . Une grande partie des oliviers et des pins ont été brûlés ou coupés pour empêcher la pénétration des résistants. Mais nous ne partirons pas. Ici, chaque homme, chaque femme, chaque enfant est un résistant. »

      Un peu plus loin, Heikal Habib Elias affiche la même conviction et le même attachement à la terre. « Nous sommes comme le poisson dans l’eau : si on nous sort de l’eau, c’est fini. Nous avons peur que ce qui s’est passé en Palestine ne se reproduise ici. » Cette hantise de la dépossession palestinienne revient souvent dans les récits.

      Situé dans la continuité géographique de la Galilée, le Liban sud formait avec la Palestine une même zone culturelle et économique, d’où l’extrême sensibilité des habitants à la tragédie de 1948. Des dizaines de milliers de Palestiniens se réfugient alors dans le sud du Liban, tandis qu’Israël annexe sept villages libanais. Entre 1949 et 1964, le Liban enregistrera 140 agressions israéliennes ; entre 1968 et 1974, 3 000 (3). Le début de la guerre civile, en 1975, accélère les ingérences israéliennes, notamment à travers un soutien militaire à l’extrême droite chrétienne. M. Shimon Pérès, à l’époque ministre de la défense, soutient quelque 400 officiers et soldats dissidents de l’armée, qui s’uniront avec 300 miliciens phalangistes et membres des gardiens du Cèdre pour former l’Armée du Liban libre, l’ancêtre de l’actuelle ALS.

      Avec l’opération « Litani », en 1978, l’armée israélienne envahit le Liban sud et occupe une zone de 700 km2. Bilan : 1 186 morts civils, 285 000 déplacés, 82 villages lourdement touchés et 6 totalement détruits. Quatre ans plus tard, durant l’été 1982, l’opération « Paix en Galilée » et le siège de Beyrouth font près de 20 000 morts civils libanais et palestiniens, et 500 000 déplacés.

      Abou Zeid est né à Arab Salim, un autre village qui se dresse sur la ligne de front. Avec ses nombreux petits commerces et ses places, il semble défier la guerre. « Notre maison a été détruite deux fois. Mon fils a été blessé. Ici, nous sommes loin d’un hôpital, les blessures signifient souvent l’hémorragie et la mort. Mais la terre nous a été confiée, nous devons la préserver. On ne peut la quitter, quelles que soient les conséquences. »

      Ahmad, lui, n’a pas hésité à rejoindre la résistance après l’invasion de 1982. « Mon père et mes deux frères avaient été arrêtés. Les Israéliens rassemblaient tous les hommes du village qui avaient entre quinze et soixante ans. Ils les entassaient par groupes de cinquante dans quelques mètres carrés et leur faisaient subir les pires humiliations. Ils ont commis plusieurs massacres à Sohmour [Bekaa ouest], à Zarayé, à Saïda. » Les pratiques de l’armée israélienne rappellent celles de toutes les armées d’occupation. Au détournement des eaux des rivières Wazani et Hasbani (4) s’ajoutent les arrestations arbitraires, l’ouverture de camps de détention, les punitions collectives, l’expulsion des familles...

      Emergence du Hezbollah

      A la sortie de Nabatiye, Maher Youssouf Aboud a trouvé refuge avec deux autres familles dans un immeuble dévasté par les tirs et ouvert à tous vents. A la fin de 1989, sa maison a été dynamitée et il a été chassé d’Odeysse. « Odeysse est le dernier village avant la Palestine. L’une des maisons se trouvait sur la frontière fixée par les Israéliens. Ils ont fait passer du fil barbelé à l’intérieur, plaçant une pièce au Liban et l’autre en Palestine occupée ! Ils ont essayé d’acheter la terre, ils proposaient aux femmes des emplois, imposaient le couvre-feu après 18 heures et assuraient l’ordre avec des chars. »

      A la suite de l’invasion de 1982, la résistance s’est organisée très rapidement. Les organisations de gauche (Parti communiste, Organisation d’action communiste libanaise, Parti d’action socialiste arabe) constituent, le 16 septembre 1982, le Front de la résistance nationale libanaise, que rejoint le mouvement chiite Amal à partir de la mi-1983. La mouvance islamiste n’avait pas alors de structure organisationnelle unifiée.

      Les différents groupes qui composeront le Hezbollah sont nés dans les espaces de « rurbanité » que forment la banlieue sud de Beyrouth et une partie de sa banlieue est (le quartier chiite Nabaa, détruit par les phalangistes en 1976). Ils étendront plus tard leur influence en direction des villages d’origine de ces populations, situés dans les zones périphériques délaissées par l’Etat (Bekaa et Liban sud), et jusque-là bastions des partis panarabes et de gauche, alliés à la résistance palestinienne. Cette sensibilité particulière parmi les populations rurales, souvent déclassées et déracinées, contrastait avec le légitimisme des populations urbaines chiites des villes côtières (Tyr, Saïda et Beyrouth), qui se reconnaissaient davantage dans le projet du mouvement Amal de M. Nabih Berri, de réforme et d’intégrité de l’Etat. L’enthousiasme suscité par la révolution iranienne de 1978-1979, l’invasion israélienne de 1982 et l’occupation seront l’occasion d’une structuration de la mouvance islamiste dans la résistance.

      La gauche voit son rôle politique et militaire refluer. Le tournant communautaire pris par la guerre civile, les stratégies régionales et internationales, l’effondrement de l’URSS, ses dissensions internes sur le bilan de la guerre civile et la stratégie à suivre après la guerre l’affaiblissent considérablement. Le mouvement Amal sera quant à lui, après le premier retrait israélien d’avril 1985, l’un des principaux protagonistes de la guerre civile - s’attaquant notamment aux Palestiniens -, ce qui limitera sa participation à la lutte contre l’occupation. A partir de la seconde moitié des années 80, le Hezbollah devient la principale force de résistance et essaye d’incarner la lutte nationale. Il opère une synthèse entre cette dimension et la dimension religieuse et marque sa différence avec un discours qui ne prend pas en compte les réalités nationales. Ce que confirme M. Ali Fayad, membre du bureau politique de l’organisation : « Le problème avec certains mouvements islamistes, c’est l’absence de programme politique avec des priorités claires, l’absence de vision géopolitique du monde contemporain. Ces mouvements doivent accepter l’idée du pluralisme politique, de la divergence, et renoncer à la transformer en conflits antagoniques. Ils doivent abandonner aussi l’usage de la violence dans la lutte pour le pouvoir et éviter de sombrer dans la logique de guerre civile qui menace l’unité des sociétés arabo-musulmanes. »

      La zone occupée par Israël couvre désormais une superficie de 1 100 km2, soit la moitié du Liban sud et 10 % de la superficie du pays. Elle constitue une bande territoriale de 79 kilomètres de long dont la profondeur varie entre 7 et 17 kilomètres. Elle englobe 113 villes et villages et 60 hameaux. Les agressions militaires et une politique d’éviction délibérée ont fait passer le nombre de ses habitants de 800 000 à 70 000.

      L’occupation se traduit par une présence militaire sur la ligne de crête, le long de la frontière libano-israélienne et sur certaines collines stratégiques. La ligne de front ainsi que l’intérieur de la zone occupée sont contrôlés par la milice collaboratrice (ALS), qui dispose d’une cinquantaine de positions et de cinq casernes. En 1990, l’ALS était forte de 3 000 officiers et soldats. En 1999, l’activité de la résistance a ramené les effectifs à 1 500.

      Adel et Ryad Kalakish sont détenus au centre de détention de Khiam respectivement depuis quatorze et sept ans. Leurs parents ont obtenu récemment un droit de visite (une demi-heure tous les trois ou quatre mois). « Nous sommes originaires de Debbin, à côté de Marjayoun, que nous avons dû quitter en 1994. Il y avait près de 4 300 personnes à Debbin avant l’occupation, il en reste à peine 200. Les collaborateurs menacent et imposent toutes sortes de taxes, sur les voitures, pour entrer et sortir du village... Ils sont venus arrêter nos enfants à la maison. » Ouvert en 1985, Khiam est un centre de détention et de torture. Quelque 140 prisonniers, de tous âges et de toutes confessions, pour la plupart de simples villageois ayant refusé de collaborer, y sont détenus sans aucun procès, dans les pires conditions (5).

      Même les enfants n’échappent pas aux sévices. Mohammed et Hassan Reda ont été arrêtés il y a deux mois. Tous deux sont âgés de quinze ans, et avec eux il y aurait encore au moins cinq mineurs. Dernièrement, le cas d’une jeune journaliste de vingt-cinq ans, Cosette Brahim, a mobilisé l’opinion libanaise. Arrêtée le 2 septembre 1999, accusée de fournir des renseignements à l’armée libanaise, elle a été violemment torturée et conduite à Khiam. Pour la première fois, « l’armée israélienne a reconnu que le service de sécurité intérieure [Shin Bet] entraîne des membres de l’ALS à interroger les détenus de la prison de Khiam (6) », et aussi que ceux-ci sont payés par Israël.

      La résistance s’est développée sur un terreau culturel marqué par l’islam chiite. Elle mobilise les ressources spirituelles, symboliques et morales de la population pour compenser la supériorité militaire et technologique de l’occupant. « La résistance et la fermeté face à l’occupation dans cette région trouvent leurs racines dans un fondement culturel dont l’islam constitue le cadre général, souligne M. Mohammed Hassan El Amin, théologien et intellectuel du Liban sud. Nous ne pouvons comprendre la prédisposition au sacrifice et au martyre sans la lier à l’exemplarité de ceux de l’imam Hussein et des siens à Kerbala (7) dans la conscience populaire. Le martyre constitue une victoire sur la mort (8). »

      La mère de Mohamed Assaf vit la mort de son fils comme un acte de foi. « Mon fils est né et a grandi à Beyrouth, mais ses grands-parents étaient originaires d’Ansar. Il avait six ans au moment de l’invasion israélienne de Beyrouth. Dès l’âge de treize ans, il a voulu commencer à s’entraîner pour rejoindre la résistance. Il est tombé dans une opération lorsqu’il avait tout juste dix-neuf ans. Pour nous, il n’y a pas d’autre solution. Et puis, la mort, ce n’est pas la fin. » Ces convictions pèsent sur l’action militaire du Hezbollah, qui sera le précurseur des opérations kamikazes.

      La fin de la guerre civile, en 1990, marque le début d’une étape décisive dans l’histoire de la résistance islamique. Le nouveau contexte libanais et régional (fin de la stratégie d’« exportation » de la révolution iranienne avec la conclusion de la guerre Iran-Irak, guerre du Golfe de 1990-1991 et début des négociations de paix de Madrid auxquelles participe la Syrie) favorise une plus grande intégration du Hezbollah dans la vie politique et son ouverture en direction des autres forces politiques et de l’Etat. Cette situation, qui lui permet de se consacrer exclusivement à la résistance, se traduit par des exploits militaires et une popularité croissantes. Le nombre des opérations est passé de 292 par an, entre 1989 et 1991, à 936 par an, entre 1995 et 1997 : embuscades, bombes télécommandées, attaques de positions militaires, bombardements, actions kamikazes, tirs de katiouchas, etc. L’utilisation toujours plus fréquente de bombes télécommandées prouve l’existence d’un service de renseignement aguerri. Plusieurs responsables israéliens ont été tués, comme le général Erez Gerstein, en février dernier. En août 1997, un commando d’élite israélien a été durement frappé lors d’une tentative d’attaque contre le village d’Ansaryé.

      « Depuis longtemps, la bande de sécurité est devenue la bande de l’insécurité », titre, le 16 juillet 1996, le quotidien israélien Maariv. Depuis de longues années, l’occupation du Liban sud est devenue un sujet de dissension dans la société israélienne, dont certains secteurs (principalement les parents des soldats) expriment vigoureusement leur opposition.

      Soutien de la population et... de l’Etat

      DANS la société libanaise, la résistance fait l’objet d’un consensus parmi l’ensemble des forces politiques, communautaires ou laïques, consolidé par le changement d’orientation politique du Hezbollah. Celui-ci a accéléré le développement de ses institutions civiles et s’est intégré dans la vie politique et sociale. Le mot d’ordre de « République islamique » a disparu de son programme politique, et ses objectifs intérieurs coïncident, selon le membre du bureau politique Ali Fayad, avec ceux des partis de gauche et des partis laïques : « Nous agissons pour une réforme du système politique, pour qu’il devienne plus juste et plus représentatif, ce qui passe par l’abolition du communautarisme politique. Nous luttons pour la préservation de la liberté d’expression et d’association. Nous joignons nos forces à ceux qui combattent le capitalisme sauvage incarné par le néolibéralisme, pour la protection de l’économie libanaise des lois du marché, des défis de la mondialisation. Nous réclamons un plus grand rôle de l’Etat dans la protection des classes défavorisées, le développement des services et de la protection sociale. »

      Depuis 1992, le Hezbollah a intégré le Parlement à travers des alliances avec les différentes forces politiques : il a obtenu 12 députés en 1992 et 9 députés en 1996 (sur 128). Ses relations avec le gouvernement de M. Rafic Hariri étaient assez froides. Un rapprochement significatif s’est effectué avec l’actuel premier ministre, M. Selim Hoss, et le parti soutient ouvertement le projet réformateur du président Emile Lahoud, qui, lorsqu’il dirigeait l’armée, était l’artisan de la coopération militaire entre celle-ci et le Hezbollah. Le discours officiel s’est d’ailleurs modifié : le précédent gouvernement affirmait ne pas pouvoir arrêter l’action de la résistance, l’actuel président assure que l’ensemble du pays est dans son camp, des propos que le gouvernement israélien qualifie, le 25 juin 1999, de « jamais entendus de la part d’un chef d’Etat libanais ».

      Depuis plus de dix ans, l’armée israélienne n’effectue plus d’incursions terrestres en dehors de la zone occupée du Liban sud. En riposte aux actions militaires de la résistance, elle se livre à des bombardements intensifs, aériens et terrestres, des zones contrôlées par celle-ci. Ces pilonnages ont à plusieurs reprises frappé différentes régions du pays. Appliquant à une échelle plus réduite le modèle de la guerre du Golfe ou de celle du Kosovo, l’armée israélienne prend pour cible les infrastructures économiques, urbaines et routières, avec l’usage fréquent d’armes intelligentes. Les agressions particulièrement meurtrières de juillet 1993 (sept jours) et d’avril 1996 (un mois) ont provoqué chaque fois l’exode d’environ 400 000 habitants. L’objectif recherché était de retourner les populations civiles et l’Etat libanais contre la résistance, mais cette stratégie s’est révélée vaine.

      Le réseau d’institutions sociales du Hezbollah apporte un soutien matériel et moral considérable aux populations civiles. Ces institutions se sont spécialisées dans différents domaines. El Shahid (Le Martyr) prend en charge les familles de ceux qui sont tombés dans la lutte. Jihad El Binà (L’Effort de construction) assure la reconstruction de milliers de maisons détruites ou endommagées. L’institution El Jarih s’occupe de 3 150 blessés, tant pour les soins que pour leur formation et leur réintégration sociale ; Imad, qui y travaille, a eu la jambe arrachée dans un combat en 1989 : « L’agression israélienne a eu des conséquences extrêmement dévastatrices. Les Israéliens ont répandu des milliers de mines antipersonnel et de bombes à fragmentation. » L’hôpital El Rassoul Al-A’azam et l’école Shahed complètent le dispositif d’aide. Ces institutions sont financées par des donations privées, de plus en plus nombreuses, ainsi que par les institutions sociales de la République islamique d’Iran et commencent à percevoir une aide de l’Etat libanais.

      Le Hezbollah représente aussi, comme le note son porte-parole, M. Naïm Kassem, « une carte gagnante aux mains du Liban, de l’Iran et de la Syrie (9) ». Son efficacité militaire, son enracinement populaire et son réalisme politique l’ont rendu inévitable pour beaucoup d’acteurs régionaux et internationaux.

      Une solution est-elle en vue avec le gouvernement Barak ? Pour Damas et Beyrouth, il ne saurait y avoir de « paix séparée », les deux dossiers libanais et syrien sont liés. Mais les négociations semblent difficiles. Le journaliste et chercheur Mustapha El Husseini (10) remarque que les tractations entre les deux parties avaient comme point de départ la formule proposée par le secrétaire d’Etat américain Warren Christopher : « Une paix globale contre un retrait total. » Mais M. Barak y a introduit quelques « nuances » : la profondeur du retrait israélien dépendra de l’importance des arrangements de sécurité, qui restent le sujet le plus complexe des négociations. D’autre part, l’ampleur des arrangements de sécurité dépendra aussi du rythme de normalisation entre les deux parties, le premier ministre israélien préconisant une « coopération » économique avec un développement de réseaux d’infrastructures communes.

      Durant les négociations israélo-syriennes de 1995-1996, la délégation israélienne - à laquelle avait participé le général Barak en tant que chef d’état-major - avait formulé un certain nombre de conditions à son principal adversaire militaire : la restriction des effectifs de l’armée syrienne ; la limitation, sinon la destruction, des missiles balistiques et des armes de destruction massive en possession de la Syrie ; l’installation de postes de préalerte sur le territoire syrien. Tous ces éléments laissent à penser que l’accord est encore lointain.

      Peut-on alors imaginer que M. Barak mettra à exécution sa promesse de retrait unilatéral du Liban sud avant juillet 2000 ? Le Hezbollah refuse de dire comment il réagirait, mais on peut penser qu’une telle décision ne mettrait pas un terme à une guerre qui dure depuis plus de vingt ans.

      Walid Charara et Marina Da Silva.

      Walid Charara

      Journaliste, auteur, avec Frédéric Domont, de Hezbollah. Un mouvement islamo-nationaliste, Fayard, Paris, 2004.

      Marina Da Silva

      Journaliste.

      http://www.monde-diplomatique.fr/1999/11/CHARARA/12643

  • Valse avec Bachir

    de Naira Antoun

    Le film Valse avec Bachir est un dessin animé documentaire retraçant la quête du réalisateur à la recherche de sa mémoire des massacres de 1982 au camp de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila à Beyrouth, au Liban. Il a été acclamé dans le monde entier.

    Le film se présente, et c’est ainsi qu’il a été généralement accueilli, comme une narration honnête et introspective d’un parcours menant à une confrontation avec la culpabilité et la responsabilité. Plus d’un quart de siècle après les atrocités de Sabra et Chatila, au cours desquelles environ 2000 civils ont été brutalement assassinés, nous sommes témoins d’un moment de perversion : un film israélien, en apparence « contre la guerre », remporte plusieurs prix cinématographiques israéliens et internationaux dans le contexte, non seulement de la brutale occupation israélienne, des violations du droit international, du racisme et du refus de leurs droits aux réfugiés, mais aussi dans celui des récentes atrocités commises par les forces israéliennes à Gaza.

    Un soir dans un bar, un ami raconte au réalisateur, Ari Folman, les rêves qui lui reviennent constamment au sujet de la période qu’il a passée au Liban en 1982 et Folman est inquiet de découvrir qu’il ne se souvient absolument pas de son service militaire au Liban à l’âge de 19 ans. C’est le point de départ du voyage cinématographique de Folman. Il essaie de reconstituer ce qui est arrivé en parlant avec plusieurs vieux amis qui ont également combattu au Liban. Ceux-ci constituent un groupe varié d’hommes dans la cinquantaine, pratiquant l’auto dérision, des libéraux et essentiellement des personnes sympathiques. Une de ses premières visites mène Folman chez un vieux compagnon de régiment installé maintenant en Hollande où il vend du falafel « la nourriture saine et moyen-orientale est populaire » dit-il désabusé, pas du tout troublé par le fait de s’être approprié complètement la culture palestinienne et arabe. Mais Valse avec Bachir aborde des sujets plus importants que le falafel ; c’est un film qui retrace la quête d’un Israélien cherchant à se souvenir - ou à tirer de l’oubli - le rôle israélien dans le massacre brutal des Palestiniens à Sabra et Chatila. Ou c’est du moins l’objectif ostensible du film.

    Folman parle plusieurs fois avec son ami psychologue, une figure sage qui a les pieds sur terre et agit comme référence morale pendant tout le film. Il est l’incarnation ashkénaze séculière juive d’un prêtre - le divan est une sorte de confessionnal où l’on va chercher la validation et la rédemption. Quand Folman commence à lui parler de ses flashbacks, son ami - prenant la voix d’un thérapeute, d’un prêtre et d’un philosophe -
    lui fait des réflexions rassurantes sur la mémoire : « Nous n’allons pas là ou nous ne voulons pas aller » dit-il. « La mémoire nous emmène là où nous voulons aller ». Interpréter ça dans le contexte des tropes de mémoire du film, du souvenir et des comptes moraux à rendre, c’est reconnaître que ce commentaire décrit bien tout le film - le travail de mémoire que le film entreprend ne mène pas les Israéliens vers des endroits où ils ne veulent pas réellement aller.

    Dire que les Palestiniens sont absents dans Valse avec Bachir, dire qu’il s’agit d’un film qui ne traite pas des Palestiniens, mais des Israéliens qui ont fait leur service au Liban, traduit à peine la violence que ce film fait aux Palestiniens. Il n’y a rien d’intéressant ou de nouveau dans la manière dont on décrit les Palestiniens - ils n’ont pas de nom, ils ne parlent pas, ils sont anonymes. Mais ce ne sont pas simplement des victimes sans visage. Au contraire, les victimes de l’histoire racontée par Valse avec Bachir ce sont des soldats israéliens. Leur angoisse, les questions qu’ils se posent, leur confusion, leur douleur - voilà qui est censé nous émouvoir. L’animation en rotoscope est très bien faite, les expressions du visage sont tellement engageantes, subtiles et torturées, et nous nous surprenons à grimacer et haleter devant les épreuves et les tribulations des jeunes soldats israéliens et devant l’angoisse qu’ils vivent plus tard. Nous ne voyons pas d’ expression sur les visages des Palestiniens ; on ne s’attarde que sur des visages morts, anonymes. Alors que les Palestiniens ne sont jamais pleinement humains, les Israéliens le sont et sont de fait humanisés de bout en bout du film.

    Nous voyons souvent les Palestiniens - pour autant qu’on les voie - explosant en morceaux ou gisant morts, mais il y a une scène où des femmes palestiniennes en deuil occupent une rue. Elles ne parlent pas ; elles pleurent et elles crient. Nous ne voyons pas les rides amères de leur deuil, nous ne voyons pas leurs larmes. La caméra zoome plutôt sur le visage de Folman-jeune qui les regarde : sa respiration devient plus haletante, et il fait fonction d’ancre émotionnelle dans la scène. Ceci est très typique du film en ce que la souffrance et les expériences des Palestiniens ne valent que pour l’effet qu’elles ont sur les soldats israéliens et jamais en tant que telles.

    Plusieurs critiques ont signalé les séquences - réelles et horrifiantes - de Sabra et Chatila à la fin du film. Effectivement, les seules personnes dépeintes dans le film qui ne sont pas en dessin animé sont les Palestiniens de cette séquence. Il y a une femme qui hurle et qui pleure. Elle crie « mon fils, mon fils » en arabe. Elle répète constamment en arabe « prenez des photos, prenez des photos » « où sont les Arabes, où sont les Arabes ». Mais ses mots ne sont pas sous-titrés ; il y a simplement une femme qui hurle et ses mots sont incompréhensibles et hors de propos. Donc dans le même geste qui nous rappelle que le massacre n’était pas une animation, mais un événement réel, on arrive à nous présenter les victimes de ce massacre d’une manière très déshumanisée et aliénante. Assumer la mère palestinienne qui hurle n’a rien à voir avec que la réflexion tranquille et les manières calmes de l’ancien combattant israélien. Folman ne parle avec aucun des Palestiniens ; les seuls Palestiniens sont ceux que nous voyons dans les flashbacks et dans cette séquence à la fin du film. Les Palestiniens sont non seulement essentiellement absents, ils appartiennent aussi à un événement - Sabra et Chatila. Les Palestiniens ne s’inscrivent pas dans le passage du temps ; ils sont gelés dans un cri incompréhensible et en fait inaudible.

    Ce n’est pas que l’absence des Palestiniens soit nécessairement un problème en soi. Il y a effectivement des films où l’absence est la clé et devient donc une présence d’autant plus significative. Dans le film d’Alfred Hitchcock Rebecca par exemple, l’absence obsédante du véritable personnage central, les traces qu’elle a laissées, les allusions qui y sont faites rendent Rebecca d’autant plus présente. Ce n’est pas le cas avec les Palestiniens de Valse avec Bachir. Ils sont périphériques à l’histoire de la vie émotionnelle des anciens combattants israéliens, une histoire de découverte de soi et de rédemption israéliennes. Effectivement, on se rend compte que le réalisateur n’a pas besoin de découvrir les événements de Sabra et Chatila pour pleinement comprendre le rôle qu’il a joué là-bas, ce qui s’est passé, sa responsabilité ou vérité. Sabra et Chatila sont plutôt des portails vers « d’autres camps ». Le psychologue - ami - philosophe - prêtre, - référence morale - dit à Folman que ceci concerne en fait « un autre massacre » « les autres camps ». À ce stade, on apprend que les parents de Folman étaient des survivants des camps. « Tu étais impliqué dans le massacre bien longtemps avant qu’il ne se produise » dit le psychologue « par le biais des souvenirs d’Auschwitz de tes parents". L’ami suggère comme solution que Folman aille à Sabra et Chatila pour découvrir ce qui s’est passé. Tout devient clair. Voilà le sens de Sabra et Chatila - un moyen, un mécanisme, un chapitre dans la découverte de soi des Israéliens, un moyen de faire la paix avec soi-même. Les Palestiniens sont doublement absents.

    L’ami psychologue de Folman, comme je suppose beaucoup de psychologues, parle souvent sur le mode thérapeutique, en plus du mode prêtre - philosophe. Il avance l’idée que Folman a réprimé ses souvenirs parce que son moi de 19 ans - les camps palestiniens servant de simulacre pour ces « autres camps »- s’est inconsciemment associé aux nazis. Mais, rappelle-t-il à Folman maintenant, à Sabra et Chatila Folman n’a pas tué, il a seulement allumé des « balises lumineuses ». Donc, tandis que Folman était au bord d’une culpabilité écrasante, son ami psychologue l’éloigne du précipice. Folman et ses contemporains n’ont pas besoin de porter la culpabilité des assassins - ils étaient des complices. Ils ont allumé les balises lumineuses pour que les milices de la phalange, leur allié au Liban, puissent voir ce qu’elles faisaient pendant leur boucherie.

    S’il n’est pas si facile de dire qui faisait le sale boulot et pour le compte de qui, Israël n’était quand même le sous-traitant de personne quand il a envahi le Liban. Le film ne nous montre ni les bombardements israéliens de Beyrouth, qui ont tué 18000 personnes et en on blessé 30.000, ni les violations commises contre les civils, ni la destruction de la résistance palestinienne et libanaise. Et qu’en est-il du fait que l’Organisation de libération de la Palestine et les résistants armés avaient été évacués plus de deux semaines avant les massacres et que c’est le lendemain du départ des forces multinationales de Beyrouth, que Sharon, le ministre israélien de la défense, a annoncé qu’il restait 2000 "terroristes" dans les camps ? La quête de Folman au sujet de la responsabilité dans Valse avec Bachir s’attache à l’allumage des balises lumineuses pendant que les phalangistes « nettoyaient » les camps. Dans Valse avec Bachir on ne dit pas que deux mois avant les massacres, Sharon avait annoncé qu’il comptait envoyer les phalangistes dans les camps, que l’armée israélienne avait encerclé et bloqué les camps, qu’elle avait bombardé les camps, que des francs-tireurs avaient visé les habitants des camps pendant les jours qui avaient précédé les massacres et qu’ensuite, ayant donné le feu vert aux phalangistes pour qu’ils entrent à Sabra et Chatila, l’armée israélienne avait empêché les Palestiniens de s’échapper des camps.

    Le film place la responsabilité des massacres sans équivoque sur le dos des phalangistes libanais. Les soldats israéliens ont des réticences, mais ne font rien, les responsables israéliens sont informés et ne font rien : ce sont les phalangistes que l’on décrit comme des êtres brutaux et inutilement violents. Mais,ce n’est pas un film au sujet des Palestiniens, pas plus qu’un film sur les phalangistes libanais, c’est un film au sujet des Israéliens. Apparemment, l’argument c’est que les jeunes soldats israéliens sont moralement supérieurs à ces bêtes assoiffées de sang, non seulement parce que ce ne sont pas eux, mais les phalangistes qui ont effectivement massacré et exécuté les victimes, mais aussi parce qu’ils sont supérieurs de par leur simple existence.

    À un moment où il est censé être brutalement honnête, un des amis de Folman fait remarquer tristement qu’il s’était rendu compte qu’il « n’était pas le héros qui sauve la vie de tout le monde ». Essentiellement, ceci est la limite de la notion de responsabilité dans ce film : l’ancien combattant israélien se sent coupable de n’avoir pas été un héros. La douleur de n’avoir rien fait à l’époque, malgré les problèmes de conscience, même à l’époque, que le film met en contraste avec les responsables israéliens et, de façon plus marquée, avec les phalangistes.

    Les suites immédiates de Sabra et Chatila montrent un moment rare, mais limité, où les Israéliens s’interrogent. Il semble bizarre qu’un film israélien aux prises avec la responsabilité des massacres supprime complètement ce moment de l’histoire israélienne et de sa mémoire collective. Après des manifestations réunissant plus de 300 000 personnes, le gouvernement israélien a établi la commission Kahan pour mener une enquête sur ce qui s’était passé à Sabra et Chatila. Les enquêteurs avaient plusieurs limitations et une de leurs conclusions a été que le ministre de la défense, Ariel Sharon, était indirectement, mais personnellement responsable des massacres ; on lui enleva son portefeuille ministériel. Bien entendu, le même Ariel Sharon a été plus tard élu et réélu comme premier ministre d’Israël.

    Quand Folman et ceux avec lesquels il parle racontent ce qui s’est passé au Liban, ils répètent souvent « ils nous tiraient dessus de tous les côtés » « nous sommes attaqués, nous ripostons ». On ne se rend jamais compte qu’Israël a envahi le Liban - le mot « invasion » est à peine utilisé dans tout le film. Les soldats sont des jeunes gens qui partent à la guerre avec un esprit combatif, rêvent de femmes, se demandent comment prouver leur masculinité, souffrent d’avoir été largués par leurs petites amies. Et les chansons qu’ils chantent sont dynamiques et les paroles sont du genre « Bonjour Liban.... tu saignes à mort dans mes bras", " j’ai bombardé Sidon », « j’ai bombardé Beyrouth, j’ai bombardé Beyrouth tous les jours ». Ces paroles sont censées être grinçantes, mais elles donnent néanmoins l’image de garçons naïfs qui n’ont aucune idée du traumatisme dans lequel ils pénètrent inconsciemment. Si on lui reprochait de n’avoir pas montré clairement dans ce film le rôle d’Israël, qu’on lui disait que ces infortunés garçons font aussi partie d’une armée d’invasion qui commet des actes d’agression, Folman répondrait probablement que s’il l’avait fait, il serait entré dans le domaine de la politique et que ce film se voulait humain. Une des choses qui me troublent le plus parmi les admirateurs de ce film c’est qu’ils disent que ce film est fantastique pour le grand public parce qu’il n’est pas nécessaire de connaître l’historique de la question pour l’apprécier. Qu’Israël ait lancé une offensive brutale qui a tué des milliers de civils libanais et palestiniens n’est apparemment pas important. Comme on a écarté la “politique” et l’“historique”, il nous reste quelque chose de trompeur et d’insipide. Son message principal devient « la guerre pue". Et pourquoi la guerre pue-t-elle ? Parce qu’elle traumatise - principalement les soldats. Quand Valse avec Bachir a remporté le Golden Globe du meilleur film étranger en janvier alors que la machine militaire israélienne se déchaînait contre Gaza, que des crimes de guerre et des atrocités étaient commises par les soldats israéliens, tout que Folman a trouvé à dire c’est

     : « mon film est contre la guerre et par conséquent - et c’est triste - il sera toujours d’actualité ». Étant donné la dérobade dans le film devant la responsabilité et la mise hors contexte de la narration, cette déclaration est à peine surprenante.

    En dernière analyse, c’est de cela que parle Valse avec Bachir : la dérobade devant la responsabilité. Ce n’est pas que l’introspection offerte par le film n’est que partielle et que nous serions simplement négatifs en nous disant insatisfaits. C’est parce que nous n’avons aucune idée du rôle joué par Israël au Liban, parce qu’il s’agit de racheter de façon éthique et morale le réalisateur et ses contemporains - et par extension le soi israélien, l’armée et la nation israélienne, la collectivité israélienne en d’autres termes - que ce film est un acte, non pas d’introspection limitée, mais une auto justification. Il essaie de démêler les scrupules pour que le soi retrouve sa stabilité tel qu’il est actuellement constitué ; le film ne pose pas de questions dérangeantes qui déstabiliseraient le soi. Et on nous rappelle le commentaire fait par le psychologue au début du film « nous ne nous rendons pas dans les endroits où nous ne voulons pas aller. La mémoire nous emmène là où nous voulons aller. » Cela explique peut-être comment, alors que Gaza était décimée, Israël acclamait et récompensait Valse avec Bachir ; outre les nombreux prix internationaux, le film a raflé six récompenses de l’académie israélienne du film. En fait, ces mêmes Israéliens qui se pressaient pour voir le film ont approuvé avec enthousiasme l’opération plomb fondu à Gaza. Selon un sondage diffusé le 14 janvier par l’université de Tel-Aviv, une majorité écrasante de 94 % des Israéliens juifs appuyait ou soutenait fortement l’opération.

    Ce qui est alarmant n’est pas l’approbation que rencontre le film. Cela était à prévoir. Ce qui est si troublant au sujet de l’accueil réservé à Valse avec Bachir c’est qu’il se soit trouvé des Arabes, des Palestiniens et d’autres libéraux béats d’admiration devant ce film. Il n’y a aucune raison de se satisfaire de si peu, de demander si peu aux Israéliens. Si les Palestiniens ne continuent pas à réclamer des comptes à Israël qui le fera ?

    Dans son classique anticolonialiste , Les Damnés de la terre, Frantz Fanon, psychiatre et révolutionnaire, inclut à la fin une série d’études de cas sur ses patients. Il y a des victimes de la torture. Mais il y a aussi les tortionnaires qui sont inquiets, qui souffrent, qui ont des cauchemars. Fanon relève l’absurdité - et l’inhumanité - de leur demande de thérapie pour arriver à accepter ce qu’ils font et qu’ils ont absolument l’intention de continuer à faire. Valse avec Bachir répond à l’appel collectif israélien pour ce type de thérapie.

    * Naira Antoun vit à Londres et travaille dans le domaine de l’éducation.

    Critique de film "Waltz with Bachir"
    Naira Antoun, The Electronic Intifada, 19 February 2009

    19 février 2009 - The Electronic Intifada - Cet article peut être consulté ici :
    http://electronicintifada.net/v2/ar...
    Traduction : Anne-Marie Goossens

    http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=6180