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« Le défenseur des enfants est là pour déranger »

Publie le mardi 22 septembre 2009 par Open-Publishing

Plusieurs associations s’inquiètent de la suppression du défenseur des enfants « comme institution indépendante et autonome » et demandent au gouvernement de faire marche arrière.

Par MARIE PIQUEMAL

« Il n’y a qu’à voir ce qui se passe aujourd’hui même à Calais pour mesurer combien le défenseur des enfants est une institution indispensable. Parmi les migrants, il y a des enfants. Ils ont aussi des droits et méritent une attention particulière... » Remontée à bloc, Claire Brisset, l’ancienne défenseure des enfants, était ce mardi au siège de l’Unicef France à Paris, au côté de Dominique Versini, qui occupe le poste depuis 2006. Soutenues par une brochette d’associations, dans une petite salle pleine à craquer de journalistes, les deux femmes ont défendu bec et ongles leur institution menacée par un projet de loi.

« Ni le Premier ministre, ni le président de la République ne m’ont consultée ou auditionnée, assure Dominique Versini. J’ai découvert à l’issue du dernier conseil des ministres (le 9 septembre, ndlr) l’existence de deux projets de loi qui visent notamment à supprimer l’institution du défenseur des enfants dont j’ai la charge. » Le gouvernement entend regrouper sous un poste plus global de « Défenseur des droits », les fonctions de défenseur des enfants, de Médiateur de la République et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui gardent un œil sur les pratiques des policiers et des gendarmes.

« On balaie tout le travail qui a été fait »

Pour les associations de défense et promotion des droits de l’enfant, cela ne fait aucun doute, cette nouvelle organisation vise à affaiblir ces institutions et en premier lieu le défenseur des enfants, en diluant ses missions dans un tout plus global. « Quand on lit avec attention le projet de loi, c’est très clair : le nouveau Défenseur des droits va s’en tenir à aider les enfants en danger, c’est tout. C’est une vision étriquée... Et surtout, on balaie tout le travail qui a été fait ces dernières années pour la prise en compte de l’enfant en tant que personne », se désole Jean-Pierre Rosenczveig, président de l’association Défense des enfants international (DEI).

« Quand l’institution a été créée en 2000, j’ai reçu des cartons de courriers de cas individuels dont il fallait s’occuper », raconte Claire Brisset, la première à avoir occupé ce poste. Aujourd’hui, 20.000 réclamations ont été traitées. « Mais la mission de défenseur des enfants ne se limite pas à gérer ces situations d’urgence, poursuit-elle. Il s’agit aussi d’avoir une vision sur le long terme, de faire des propositions de réforme. On a par exemple obtenu de rehausser l’âge minimal de mariage pour les filles de 15 à 18 ans. »

Mettre au pas l’institution ?

Aujourd’hui, la défenseure des enfants interpelle le gouvernement et/ou le Parlement dès qu’elle estime nécessaire. « Ce n’est pas de ma faute si depuis que je suis nommée, il n’y a que des lois où j’ai des choses à dire ! Par exemple, sur les centres de rétention des sans-papier, rien ne justifie de retenir les enfants. Pour ne pas les séparer de leurs parents, il existe une alternative : l’assignation à domicile. C’est mon rôle de dire quand ça ne va pas », tant pis si ça dérange. C’est peut-être l’une des raisons justement qui explique ce projet de réorganisation voulue par le gouvernement.

« C’est l’hypothèse A, selon Jean-Pierre Rosenczveig, faire taire l’institution parce qu’elle dérange, la mettre au pas. Mais il y a une autre hypothèse, qui me semble plus grave : cela pourrait être une réforme prise sans réfléchir parce qu’au gouvernement, ils ne se sentent pas concernés par les droits des enfants. » Et Dominique Versini de glisser : « aujourd’hui, dans la société, les enfants sont surtout vus comme des délinquants potentiels... »

Et Claire Brisset de conclure : « si la France réalise ce projet de loi éminemment funeste -l’année même où l’on fête le vingtième anniversaire de la convention internationale des droits de l’enfant- elle s’inscrit à contre-courant de ce qui se passe dans le monde », où près de 80 institutions de ce type, ont été mises sur pied ces dernières années.

Une pétition pour soutenir l’institution a été signée par plus de 11.000 personnes.

http://www.liberation.fr/societe/0101592643-le-defenseur-des-enfants-est-la-pour-deranger