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Cinq jours après le séisme, la colère gronde en Algérie

Publie le lundi 26 mai 2003 par Open-Publishing

lundi 26 mai 2003

La colère continuait de monter dimanche parmi la population algérienne accusant notamment les autorités d’incompétence alors que des experts dénoncent leur laxisme dans l’application des règles anti-sismiques, quatre jours après le séisme qui a fait plus de 2.100 tués.
Montré du doigt aussi pour son "inaction" depuis la grande secousse, le gouvernement a demandé aux Algériens de faire preuve de "patience", affirmant que les énormes moyens mis en place devraient donner rapidement des résultats. "Où sont les grues, où sont les tentes", ont notamment crié des habitants de Boumerdès, une des villes les plus durement touchées, à 50 kilomètres à l’est d’Alger. Samedi, leur colère avait visé le président Abdelaziz Bouteflika, contraint d’écouter une visite à Boumerdès. Son cortège avait quitté la ville sous les huées et une pluie de pierres. Prenant l’incident avec philosophie, le chef de l’Etat a estimé que ces personnes avaient fait preuve de "vitalité".

Traumatisés, les sinistrés et leurs proches lancent des accusations tous azimuts, contre les maires, les préfets, les hauts responsables de l’Etat, les promoteurs et les entrepreneurs. Tous sont accusés d’être responsables de la fragilité des immeubles, dont des dizaines se sont effondrés ensevelissant leurs habitants sous des tonnes de béton. Les autorités, mal à l’aise, et expliquant l’attitude de leurs concitoyens par l’émotion suscitée par cette "catastrophe nationale", ont multiplié les déclarations rassurantes sans calmer les esprits.
Devant la montée de la grogne, le ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, lui-même malmené vendredi à Bordj Ménaïel (80 km à l’est d’Alger), a appelé samedi les Algériens à "faire preuve de patience", assurant que les autorités déployaient d’"énormes moyens". "Nous maîtriserons la situation dans le courant de cette semaine", a-t-il assuré, rejoignant le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia, qui avait estimé qu’il fallait au moins une semaine pour organiser les secours. Un bilan faisait état dimanche à 15H00 (14H00 GMT) de 2.162 personnes tuées et 8.965 blessées lors du tremblement de terre, l’un des plus terribles qu’ait connu l’Algérie depuis 1980 avec le séisme de Chlef (200 km à l’ouest d’Alger) qui avait fait 3.000 morts.

Sous les ruines, gisent encore, devant des secouristes impuissants, faute de moyens adéquats, des centaines de corps et peut-être quelques blessés. La presse privée de dimanche a accusé les autorités d’incompétence et de laxisme dans l’application des règles anti-sismiques dans la construction. "Ce n’est pas un problème de loi, nous avons des lois extraordinaires, c’est leur application qui pose problème", selon Ahmed Boudaoud, président du Conseil des experts architectes algériens, cité par El Watan.
Le président de l’Union nationale des ingénieurs de la construction Amar Tinicha a affirmé que "la plupart des certificats de conformité sont des certificats de complaisance. Il y a un grand trafic là-dedans. Là, encore, la corruption fait rage". Les experts ont commencé à inspecter les constructions signalant par une croix verte les immeubles habitables, une croix orange ceux qui peuvent l’être après réparation et une rouge les bâtiments à démolir.

Les autorités doivent également affronter des risques d’épidémie en raison des corps en décomposition ensevelis sous les décombres. Des épandages de produits sanitaires ont commencé, selon la radio, alors que des unités médicales ont été déployées dimanche dans les zones sinistrées. Le ministre de l’Education nationale Boubekeur Benbouzid a annoncé dimanche la fin de l’année scolaire dans les zones sinistrées, estimant que ces régions ne "peuvent plus poursuivre les cours", en raison des dommages dans les établissements.

L’armée et les forces de sécurité ont été largement déployées pour empêcher que des pillards ne s’attaquent aux maisons abandonnées. Les Algériens, traumatisés par ce puissant séisme, dont le nombre de victimes devrait être encore beaucoup plus élevé, restent à l’écoute de la moindre secousse, se tenant prêts à quitter leurs domiciles. Samedi soir, deux fortes répliques, dont l’une de 4,1 sur l’échelle de Richter, suivie d’une panne de courant de plus de deux heures, a semé la panique à Alger. ALGER