Accueil > Colombie : quand le prix nobel de la paix passe aux actes !

Colombie : quand le prix nobel de la paix passe aux actes !

Publie le mercredi 11 novembre 2009 par Open-Publishing

Révélations du document officiel de la Force aérienne des USA
Les véritables objectifs de l’accord militaire signé avec la Colombie*

EVA GOLINGER

IL ressort d’un document officiel du Département de la Force aérienne du Département de la Défense des Etats-Unis que la base militaire de Palanquero, en Colombie, « crée les conditions pour mener des opérations sur l’ensemble du spectre de l’Amérique du Sud ». Cette affirmation contredit les explications fournies par le président colombien Alvaro Uribe et le Département d’Etat des USA sur l’accord militaire conclu le 30 octobre entre les Etats-Unis et la Colombie. Les deux gouvernements n’ont cessé de déclarer publiquement que cet accord militaire ne prévoit que des opérations et des actions sur le territoire colombien destinées à combattre le trafic de drogue et le terrorisme dans ce pays. Le président Uribe a maintes fois réitéré –y compris au Sommet de l’Unasur à Bariloche, Argentine– que son accord militaire avec Washington ne portera préjudice à aucun de ses voisins. Cependant, le document émis par l’US Army confirme le contraire, à savoir que les véritables intentions et objectifs de l’accord sont de mener des opérations militaires au niveau régional pour combattre « la menace constante… des gouvernements anti-USA ».

Des avions yankees à la base colombienne de Palanquero.

L’accord entre Washington et la Colombie autorise l’accès et l’utilisation de sept installations militaires à Palanquero, Malambo, Tolemaida, Larandia, Apiay, Cartagena et Malaga, ainsi que « d’autres sites à caractère militaire » disséminés sur l’ensemble du territoire colombien, sans aucune restriction. Outre la pleine immunité accordée aux militaires, civils et entrepreneurs étasuniens sur le territoire colombien en vertu de cet accord, le fait qu’ils soient autorisés à disposer librement de toute installation dans ce pays, y compris des aéroports commerciaux, est interprété comme un abandon total de la souveraineté colombienne.

Le document des Forces armées US insiste sur l’importance de la base militaire de Palanquero, ainsi que sur la nécessité d’investir 46 millions de dollars dans la réfection de la piste de l’aérodrome, des rampes et de plusieurs autres installations de cette base pour en faire une Cooperative Security Location (CSL) « Cette Cooperative Security Location à Palanquero renforcera la Position stratégique du théâtre d’opérations du Commandement combattant (COCOM) et confirmera notre engagement vis-à-vis de la Colombie. L’établissement de cette CSL représentera une occasion unique pour mener des opérations sur l’ensemble du spectre d’une sous-région critique dans notre hémisphère, où la sécurité et la stabilité sont constamment menacées par des insurrections terroristes financées ou favorisées par le trafic de drogue, les gouvernements anti-USA, la pauvreté endémique et les fréquents désastres naturels… »

Point n’est besoin d’un grand effort d’imagination pour deviner quels sont les gouvernements d’Amérique du Sud accusés d’ « anti-américanisme » par Washington. Les constantes déclarations agressives contre le Venezuela et la Bolivie et même l’Equateur prouvent que les pays membres de l’ALBA sont perçus par Washington comme une « menace constante ». Qu’un pays soit taxé d’« anti-américanisme », et il est aussitôt tenu pour un ennemi des Etats-Unis. Dans ce contexte, il est prévisible que les Etats-Unis pourront riposter par une agression militaire dans une région infestée « d’ennemis ».

LE TRAFIC DE DROGUES : UN OBJECTIF SECONDAIRE

D’après le document, « l’accès à la Colombie approfondira les relations stratégiques avec les Etats-Unis. Les liens étroits de coopération en matière de sécurité offrent aussi une occasion de mener le spectre complet d’opérations sur l’ensemble de l’Amérique du Sud, et de renforcer la capacité de lutte contre le trafic de drogue ». Ces lignes ne font que confirmer le caractère secondaire de la lutte contre le trafic de drogue. Ce qui contredit les explications fournies par les gouvernements de Colombie et des Etats-Unis, qui ont tenté de faire croire que le principal objectif de l’accord militaire était la lutte contre les trafiquants de stupéfiants. Le document de l’US Army privilégie les opérations militaires destinées à combattre « des menaces constantes » que représenteraient les gouvernements « anti-USA » de la région.

Palanquero est la meilleure base du point de vue de la portée continentale

Le document de la Force aérienne explique que « Palanquero est sans aucun doute le meilleur emplacement de Colombie pour investir dans le développement de l’infrastructure. Sa position stratégique facilite l’accès aux zones d’opérations (…) dans la région (…) et son isolement contribue (…) à minimiser le profil de la présence militaire étasunienne. L’intention est d’utiliser l’infrastructure existante (…), d’améliorer la capacité des Etats-Unis à riposter rapidement en cas de crise et d’assurer l’accès à la région et la présence étasunienne (…) Palanquero est un élément clé de la mobilité, parce qu’elle donne accès à tout le continent sud-américain, à l’exception du Cap Horn.

Espionnage et guerre

Le document de la Force aérienne confirme en outre que la présence militaire étasunienne à Palanquero augmentera les capacités d’espionnage et de renseignement, et permettra aux forces armées étasuniennes de renforcer leurs capacités à exécuter des actes de guerre en Amérique du Sud. « Le développement de (la base de Palanquero) resserrera la relation stratégique entre les Etats-Unis et la Colombie et sert les intérêts des deux nations (…) Il renforcera nos capacités en matière d’opérations de renseignement, d’espionnage et de reconnaissance, élargira notre portée mondiale, répondra aux besoins en logistique, améliorera nos relations avec nos partenaires et la coopération sur les théâtres de sécurité, de même que nos moyens de livrer une guerre éclair. »

Le langage franchement belliciste de ce document met en évidence les véritables intentions que recèle l’accord militaire Washington-Bogota : c’est une guerre en Amérique latine qui se prépare. Ces derniers jours ont été marqués par la recrudescence des conflits et des tensions entre la Colombie et le Venezuela : le gouvernement vénézuélien a capturé tout récemment trois espions du Département administratif de sécurité (DAS) de Colombie (son agence de renseignement et d’espionnage) et démantelé plusieurs opérations de déstabilisation et d’espionnage en cours d’exécution contre Cuba, l’Equateur et le Venezuela : les opérations Fénix, Salomon et Falcon ont été découvertes grâce aux documents dont les fonctionnaires arrêtés du DAS étaient porteurs. Deux semaines plus tôt, dix cadavres ont été retrouvés dans l’Etat de Tachira, à la frontière colombienne. L’enquête menée par les autorités vénézuéliennes a établi qu’il s’agissait d’un groupe de paramilitaires colombiens qui s’étaient infiltrés en territoire vénézuélien. Cette dangereuse infiltration de personnel paramilitaire en provenance de Colombie s’inscrit dans un plan de déstabilisation dirigé contre le Venezuela et tendant à la création d’un para-Etat en territoire vénézuélien qui affaiblirait le gouvernement du président Chavez.

L’accord militaire entre Washington et la Colombie n’a d’autre but que d’augmenter la tension et la violence régionales. L’information contenue dans le document de la Force aérienne des Etats-Unis montre à l’évidence que Washington cherche à susciter une guerre en Amérique du Sud et a fait de la Colombie sa base d’opérations. Face à cette déclaration de guerre, les peuples d’Amérique latine doivent donner des preuves d’unité et de force. L’intégration latino-américaine est la meilleure défense contre l’agression impériale.

* Le document du Département de la Force aérienne des Etats-Unis a été rédigé en mai 2009 pour justifier la demande de budget émanant du Pentagone pour 2010. Il s’agit d’un document officiel de la Force aérienne, qui confirme la véracité du Livre blanc : la stratégie de mobilité globale du Commandement de la Force aérienne des Etats-Unis, dénoncée par le président Chavez lors de la réunion d’UNASUR à Bariloche, le 28 août dernier. J’ai mis le document et la traduction non officielle d’extraits concernant la base de Palanquero sur la page Web du Centre d’alerte pour la défense des peuples, un site en construction pour rendre disponibles les dénonciations et l’information stratégique. Il faut que les peuples puissent se défendre énergiquement des constantes agressions impériales.