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20ème anniversaire de la Convention pour les droits de l’enfant

Publie le vendredi 20 novembre 2009 par Open-Publishing

"Le gouvernement sous-estime le travail du Défenseur des enfants"

Au 20ème anniversaire de la convention internationale des droits de l’enfant, où en sont les droits de l’enfant aujourd’hui ?


 Globalement, la France fait partie des pays avancés en matière des droits de l’enfant. Toutefois, la Convention fixe des objectifs importants en la matière et le comité des droits de l’enfant des Nations-Unies chargé de vérifier l’application au niveau national des engagements internationaux a noté dans son rapport du 22 juin 2009 qu’il restait des choses à accomplir. Il a notamment recommandé à la France d’adopter une stratégie nationale pour les enfants et de renforcer le rôle du Défenseur des enfants.
De son coté, la France, qui a ratifié la convention internationale des droits de l’enfant en 1990, et qui a créé le Défenseur des droits de l’enfant en 2000, semble aujourd’hui vouloir le supprimer au bénéfice d’une institution plus large, le "Défenseur des droits"...

La création du défenseur des droits de l’enfant, en [mars, ndlr] 2000, est née d’une mission parlementaire engagée par Laurent Fabius, qui a conclu que les droits de l’enfant n’avaient pas beaucoup avancés en France depuis la ratification de la convention internationale des droits de l’enfant en 1990. Le défenseur des enfants a donc été créé, et cette proposition a été votée à l’époque à l’unanimité.

Sa suppression est, pour vous, un recul ?


 Oui. La suppression du Défenseur, qui sera intégré dans une institution spécifique où l’on mélange tous les droits, représente indéniablement un recul. On l’intégrera, en somme, dans la même machine administrative que tous les autres droits.
Hier, un représentant des Nations Unies a déclaré que si ça se faisait, ça serait une première dans le Monde.
Je suis présidente du réseau européen des 35 défenseurs des droits de l’enfant et je peux vous dire que la tendance en Europe est plutôt à la création de Défenseurs des droits de l’enfant, pas à sa suppression. J’étais à Moscou il y a peu, et là bas, ils vont créer un Défenseur sur le modèle français, alors que nous, on le supprime !
Le gouvernement français considère sans doute qu’il a fait toutes les avancées en matière de Droit des enfants, mais le rapport du comité des droits de l’enfant des Nations Unies prouve qu’il y a encore des choses à accomplir.

Croyez-vous qu’il s’agit d’un geste politique ?

 Je ne pourrais en aucun cas affirmer ça. Je n’ai d’ailleurs jamais échangé avec les personnes qui ont fait la proposition de loi. Il n’y a pas eu de consultation lors de la mise en place de ce projet. Le gouvernement souhaite mettre en place une structure qui englobe tous les pouvoirs en matière de droits. Faire ça la veille du 20ème anniversaire est une drôle d’idée.

Vous pensez-que la loi sera votée ?



 Je ne sais pas, je n’ai jamais rencontré les collaborateurs qui ont rédigé ce projet de loi [déposé le 9 en septembre 2009 au Sénat, ndlr]
Nous avons lancé un appel à soutien pour un Défenseur des enfants indépendant qui a déjà récolté près de 43.000 signatures. Notre page Facebook en a collecté 4.000 supplémentaires. Nous sommes très soutenus, par énormément de citoyens. Beaucoup de villes, tous les départements d’Ile-de-France à l’exception des Hauts-de-Seine (92) et des Yvelines (78) ont voté des motions pour demander au président de la République de revoir son texte.
Je pense que le gouvernement a beaucoup sous-estimé le travail qui est fait. Les collaborateurs qui ont préparé le texte n’ont même pas pris le temps de nous consulter.

Vous avez lancé une consultation nationale "Parole aux jeunes" auprès de 2.500 jeunes afin de dresser un état des lieux des droits des enfants. Vous présentez aujourd’hui des propositions au président de la République, pensez-vous qu’il vous entendra ?

 Les 200 propositions ["200 propositions pour construire ensemble leur avenir", ndlr] sont consultables dans mon rapport d’activité 2009. Elles seront présentées aujourd’hui à la Sorbonne. La consultation nationale s’est faite dans quinze départements de France métropolitaine et d’Outre-mer. Les jeunes ont réfléchi sur dix thèmes de société qui les concernent directement : la famille, l’éducation, la justice, les violences, les discriminations, la santé, le handicap, la précarité, l’expression et la participation, la vie privée et Internet. Ils ont fait des propositions à l’attention du président et du parlement.
Même si lorsque le défenseur des droits des enfants a été créé il était prévu que cette institution indépendante n’ait comme interlocuteur direct que le président de la République, celui-ci n’a pas pu se libérer pour la présentation des propositions, et c’est le Haut-Commissaire à la jeunesse Martin Hirsch qui fera le déplacement. Les jeunes sont un peu déçus, mais sont tout de même content de rencontrer M. Hirsch. L’important est qu’on les écoute.

La député UMP de Paris Edwige Antier a déposé une proposition de loi pour faire interdire la fessée. Qu’en pensez-vous ?


 J’y suis tout à fait favorable. Je l’avais d’ailleurs moi-même déjà proposé. Mais, comme le propose Mme Antier, il faut inscrire cette interdiction dans le Code civil et non pénal, à condition qu’on mette en place une politique d’accompagnement et une campagne d’information. Pour expliquer aux parents que la parole bien ferme d’un parent d’un parent bienveillant est plus efficace que la violence. Dans les pays nordiques où les châtiments corporels sont interdits, comme la Suède ou la Norvège, la délinquance a chuté. L’éducation sans fessée fait une belle jeunesse sans violence.
Dans la consultation nationale que nous avons lancée, les jeunes ont bien défini le rôle des parents. Selon eux il est de fixer des limites. L’éducation ce n’est pas le dressage.
Il ne faut pas non plus dramatiser la fessée. C’est quand on trouve que son usage est normal qu’il y a un problème.

La France a-t-elle à rougir de la situation des droits de l’enfant par rapports à ces pays ?

 Tout est relatif. Par rapport aux pays scandinaves, on est vraiment à la traîne, mais par rapport à d’autres pays, on est très en avance. Cependant, on a reculé sur la question de la justice des mineurs, levé le pied sur l’éducatif pour augmenter le répressif. De moins en moins, un jeune en France a le droit à une deuxième chance et c’est un changement notable de la politique du gouvernement.

Interview de Dominique Versini par Tristan Berteloot
(le jeudi 19 novembre 2009)


>à lire, les 200 propositions de la Défenseure des enfants

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/opinions/interviews/20091120.OBS8375/le_gouvernement_sousestime_le_travail_du_defenseur_des_.html