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Les 20 ans de la CIDE dans l’indifférence de l’État

Publie le mardi 24 novembre 2009 par Open-Publishing

Cette année 2009 marque l’anniversaire de la signature de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE), signée en 1989. À ce jour, dans mon école, aucune information de l’administration de l’Éducation nationale n’est parvenue. Cet anniversaire passe totalement inaperçu. Des organisations syndicales, associatives, ainsi qu’une assurance scolaire, ont initié une opération « Vingt millions de visages pour 20 ans de droits. » L’UNICEF propose aussi un concours sur son site. Des initiatives privées ici et là verront le jour. Mais d’Éducation nationale investie et fédératrice, point.

Le ministère n’oublie jamais, par contre, de nous inviter, par le vecteur de mails envoyés aux écoles, à susciter toutes les commémorations possibles et imaginables, qu’il s’agisse d’armistice ou de résistance. Que les enfants fassent, en classe, un travail de devoir de mémoire, me paraît légitime. Mais nous sommes dans un cas de figure assez déséquilibré : les enfants sont invités à des devoirs, mais ils voient leurs droits oubliés. La notion de « devoir » ne peut pourtant pas se séparer, dans une démocratie, de celle de « droits ». Il y a de quoi s’alarmer…

Qu’est-ce que cette convention ? Le 20 novembre 1989, était signé un grand document, fondateur des droits de l’enfant, la CIDE, signée et ratifiée par 192 pays (c’est-à-dire votée par un parlement qui s’engage à la mettre en œuvre). La France a été un des premiers pays à la ratifier, le 7 août 1990, et la première, en 1995, à instaurer une journée nationale des droits de l’enfant, chaque 20 novembre. Cette journée deviendra internationale en 2000. Ni les États-Unis ni la Somalie n’ont ratifié la CIDE.

Cette CIDE est un outil efficace de changement et de progrès pour les enfants de tous les pays signataires. Tous les cinq ans, chaque pays concerné est convoqué à l’ONU pour présenter son bilan quant à la réelle application du droit des enfants. En mai 2009, Nadine Morano est allée à Genève défendre le bilan quinquennal de son gouvernement. Impression mitigée de la part de l’ONU. Si, dans son compte rendu d’examen (site Korczak.fr, rubrique Actualités) du rapport remis par la France, l’ONU remarque qu’elle se classe très bien dans le domaine de la protection des enfants par rapport aux autres pays, elle note pourtant une régression de leurs droits pour ces dernières années : emprisonnement des enfants de moins de 13 ans, maintien d’enfants dans des centres de rétention, interdiction des châtiments corporels toujours pas à l’ordre du jour législatif.

À la suite de la comparution de chaque pays, l’ONU publie ses recommandations. Même si des recommandations n’ont pas valeur d’obligations, elles sont prises très au sérieux, car l’ONU « ne lâche pas le morceau ». On aurait pu penser que l’étau que l’État resserre sur les enfants ces dernières années allait un peu se relâcher suite à ces recommandations. Ce fut exactement le contraire : le rapport de l’ONU fut publié en juin ; et c’est environ trois mois après que l’annonce fut faite de la suppression de la Défenseure des enfants, cette institution dirigée par madame Versini depuis l’année 2000, et qui fait un travail efficace dans la diffusion, la promotion des droits de l’enfant sur le territoire, soutenue par des antennes régionales. Elle aide aussi à la défense des enfants maltraités et à la résolution des conflits parentaux. Bien sûr, elle a contesté, poliment mais fermement, le durcissement récent de l’ordonnance de 1945 pour les jeunes, et elle dénonce le maintien des enfants immigrés dans les centres de rétention. Gênante, madame Versini ?

Dans ce climat de défiance, voire de répression vis-à-vis des enfants, comment interpréter le silence de l’Éducation nationale sur les 20 ans de la CIDE ? Silence inquiétant, et que l’on doit remplir de nos protestations. Bon, d’accord, je suis un peu oublieuse. Un BO, celui du 12 novembre, rappelle que la CIDE peut et doit être étudiée en classe dans le cadre des programmes. Mais il nous renvoie très vite aux comités locaux de l’UNICEF pour nos démarches d’actions (l’UNICEF a signé un accord-cadre avec le gouvernement depuis 2006 dans ce sens).

Le vide gouvernemental qui caractérise cette commémoration est angoissant. À force de nous mettre sous pression pour toujours plus d’évaluations, de résultats calibrés, de culte du mérite, l’Éducation nationale oublie une de ses plus grandes missions : générer de grands projets pour former nos futurs citoyens, conscients de leurs devoirs et de leurs droits. Gageons que les enseignants ne seraient pas en opposition !
Doutagogo
http://doutagogo.com