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Soupçon d’"omerta" sur un "crime en mer"

Publie le vendredi 27 novembre 2009 par Open-Publishing
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Soupçon d’"omerta" sur un "crime en mer"
Bernard Delattre

Mis en ligne le 27/11/2009

La justice pourrait refermer définitivement un dossier embarrassant. On ne saurait alors jamais si c’est un sous-marin qui a coulé le “Bugaled Breizh”.

"Qu’on arrête de nous prendre pour des imbéciles"
Correspondant permanent à Paris

Saura-t-on jamais ce qu’il s’est passé le 15 janvier 2004 vers midi et demi au large du cap Lizard, au sud de l’Angleterre ? Ce jour-là, dans cette partie de la Manche, le chalutier breton "Bugaled Breizh" faisait naufrage. Cinq membres d’équipage y perdaient la vie. Bien au-delà de la Bretagne, cela fait des années que cette affaire tient en haleine la France, car on n’a jamais su les causes du naufrage. Ce vendredi, pourtant, la justice pourrait bien décider d’enterrer définitivement le dossier, ce qui le rendrait à jamais mystérieux.

Le "Bugaled Breizh" a sombré corps et bien dans une zone et à un moment où se déroulaient des manœuvres navales sous-marines de l’Otan ainsi qu’un exercice de la Marine britannique. Selon des experts judiciaires et les magistrats instructeurs, l’hypothèse la plus sérieuse, voire hautement probable, est qu’un sous-marin nucléaire d’attaque soit impliqué dans ce naufrage. En vertu de ce scénario, un submersible participant aux manœuvres se serait pris dans les câbles tirant le chalut, puis aurait entraîné le bateau vers le fond.

Mais prouver la véracité de ce scénario se heurte au caractère classifié qui, dans tous les pays, touche les informations relatives aux mouvements des sous-marins, a fortiori aux opérations des submersibles atomiques.

Jetant l’éponge, le juge d’instruction de Quimper (Finistère) a fini par refuser de poursuivre ses investigations. Il considère que celles-ci sont "sans espoir" d’aboutir, du fait notamment d’un "niveau de secret (militaire) dont la levée ne peut être systématiquement acquise". Le parquet prône lui aussi le classement de l’affaire. Mais les parties civiles ont fait appel. C’est ce vendredi que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes ordonnera soit d’aller au bout des investigations, soit de refermer définitivement le dossier.

Dans la seconde hypothèse, ce serait "le deuxième naufrage du "Bugaled Breizh", s’émeuvent les familles des victimes. Qui soupçonnent une "omerta". Exigent que soit connue la position exacte de tous les sous-marins nucléaires français et étrangers le jour du naufrage. Et réclament des commissions rogatoires pour pouvoir consulter leurs relevés de navigation.

Mais Paris, craignent-elles, préférera refermer le dossier pour "raison d’Etat". Pour ne pas gêner les relations diplomatiques avec ses voisins britannique, néerlandais ou allemand, qui ont toujours démenti toute implication dans le drame, mais dont des bâtiments se croisaient dans la zone. A moins qu’il se soit agi d’un sous-marin "espion", d’un Etat ne participant pas aux manœuvres ? Sa nationalité serait-elle connue et l’affaire deviendrait-elle publique qu’elle tournerait à l’incident diplomatique.

Un certain nombre de bizarreries alimentent les soupçons des familles des victimes du "Bugaled Breizh".

En cas de naufrage, habituellement, un bateau ne coule pas à pic mais dérive en sombrant. Le chalutier, lui, a sombré sans dévier, comme si une force inconnue l’avait aspiré vers le fond. Sa quille a été déformée, comme si un sous-marin l’avait heurtée en passant sous la coque. Un sauveteur irlandais a parlé de la présence sur les lieux d’un canot de sauvetage rouge. Or ceux du Bugaled sont orange. Le canot d’un navire militaire ? Aucun n’a été signalé sur les lieux. Les enregistreurs du centre de surveillance et de sauvetage maritimes de la région, notoirement ultra-fiables, étaient en panne ce jour-là. Pourquoi ?

Mais ce n’est pas tout. L’équipage d’un chalutier croisant non loin a parlé d’un hélicoptère gris s’éloignant à vive allure du lieu du drame. Mais cet hélicoptère n’a jamais pu être retrouvé. Deux militaires anglais se portant au secours du chalutier ont affirmé avoir vu un submersible près de la zone du naufrage. Là encore, on n’a jamais réussi à l’identifier. L’armateur a pu faire démontrer que des traces de titane, revêtement utilisé pour la peinture des sous-marins, avaient été relevées sur un des câbles du chalut, anormalement tiré à une longueur de 140 mètres. Comment est-ce possible si aucun submersible n’a été impliqué dans l’accident ?

Autant de questions auxquelles on n’aura jamais de réponse si, ce vendredi, la justice française décide de classer définitivement le dossier.

http://parislibre.lalibreblogs.be/

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