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comores : encore les sirènes

Publie le vendredi 25 décembre 2009 par Open-Publishing
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sur http://masiwamane-over-blog.com

AVERTISSEMENT

Cet article a été envoyé au quotidien comorais « albalad » le 24 décembre 2009, en réaction à la publication par ce journal d’un texte de M. André ORAISON sur « l’impossibilité de restituer Mayotte aux Comores sans l’accord préalable des Maorais »

M. André ORAISON commence par féliciter notre Président d’être « manifestement conscient que le niveau de vie des Mahorais est actuellement plus de dix fois supérieur à celui des autres Comoriens. » (sic)

Il expose ensuite avec une surprenante ingénuité la raison pour laquelle la proposition de SAMBI a « malheureusement fort peu de chance d’être retenue par le gouvernement français » C’est, nous explique le grand juriste, tout simplement qu’ « une telle proposition aboutirait de facto à une cession (différée) de l’île de Mayotte à l’Etat comorien sans consultation préalable des populations mahoraises directement intéressées »

Il se lance alors dans une espèce de roman d’aventure verbale où l’héroïne est la constitution française. Une héroïne qui évidemment sait tout, peut tout, qui méprise tout le monde et qui n’a cure ni de rien ni de personne !!! pas même de sa sœur aînée, la loi internationale.

Elle avertit solennellement tout le monde qu’elle a bloqué toutes les issues, qu’elle nous a enfermés dans un cercle de fer dont il ne faut même pas essayer de sortir

Après avoir tout écrasé sur son passage notre héroïne laisse enfin à son auteur le privilège « d’inciter les autorités gouvernementales de Moroni à ne pas baisser les bras »

L’objectif de M. Oraison dans son intervention à ALBALD est donc triple :

1. Il veut nous faire croire que le niveau de vie à Mayotte est plus de dix fois supérieur à celui des autres îles

2. Il veut que les Comoriens sachent que rien ne peut fléchir la position française, que Mayotte est définitivement volée, qu’il faut en prendre acte et comme on dit « faire avec »

3. Il nous « incite » malgré tout à toujours « espérer »

Voyons ce qu’il faut penser de chacune de ces trois propositions :

LE NIVEAU DE VIE DU MAHORAIS EST-T-IL PLUS DE DIX FOIS SUPERIEUR A CELUI DES AUTRES COMORIENS ?

La question n’est pas apriori saugrenue. On pourrait l’examiner à partir de critères économiques précis ou tout au moins consulter d’études fiables déjà faites, des statistiques établies publiées et vérifiées, c’est le moins que puisse faire un professeur de droit qui traite un sujet aussi grave. Quand j’ai lu cette déclaration au début de l’article de notre ami ORAISON, j’ai eu tout d’abord la chair de poule parce que je ne pouvais penser un seul instant qu’il s’agissait d’une affirmation absolument gratuite sans autre fondement que le pif, l’arrogance, et le triomphalisme.

Mais le lecteur s’est vite rendu compte qu’il s’agissait d’un « bluff !! » pas une source citée, pas une étude, juste la « conscience supposée » du président de l’Union : M. ORAISON dit : « …..afin de préserver les acquis des Mahorais dont le niveau de vie (le Président de l’Union des Comores en est manifestement conscient) est actuellement plus de dix fois supérieur à celui des autres comoriens »

On aura noté au passage le mot « manifestement » qui montre à l’évidence qu’il s’agit d’une pure supposition en ce qui concerne l’opinion du Président, mais que pour ORAISON, il s’agit d’une vérité de Coran…. euh ! pardon ! d’Evangile !........

D’ailleurs pour bien se faire comprendre, M. Oraison qui ne laisse rien au hasard, a pris soin d’écrire Mahorais avec un M majuscule et comorien avec un c minuscule ! Rappelons que la bonne orthographe c’est d’écrire les deux lettres en majuscule !

Bien ! Nous avons compris, Monsieur Oraison ! Mais dites nous pourquoi nous devrions désespérer de récupérer Mayotte un jour ?

L’ARTICLE 53 DE LA CONSTITUTION FRANCAISE est l’argument suprême brandi par le juriste pour briser tout espoir de retour au bercail de l’île comorienne de Mayotte.

La musique, on la connaît, depuis que M. ORAISON et tous les gens de son réseau nous la jouent ! Mais il nous la ressert quand même. Pour la énième fois. Il explique très gravement qu’il faudrait 2 conditions pour que Mayotte revienne :

* que le Parlement français soit d’accord,

* que les Mahorais soient d’accord,

Il y a un certain nombre d’objections qu’il faut opposer au chant des sirènes pour ne pas tomber sous leur charme.

Nous commencerons par quelques questions à M. ORAISON

* est-ce qu’il sait ce que dit la constitution comorienne ? Non, bien sûr puisque pour cela il faudrait qu’il apprenne à écrire Comorien avec un majuscule ! ce qu’il ne peut pas ! Il faudrait que dans son esprit il pose la réalité du pays comorien comme existante, ce qui est au dessus des ses forces. Alors forcément, il faut lui apprendre ce que dit l’art. 1er de notre constitution : « l’Union des Comores est une République composée des îles autonomes de Mwali, Maore, Ndzuani, Ngazidja »

* la question entraîne inexorablement plusieurs petites autres : dans un différend qui oppose deux pays sur le plan international quel est le droit applicable ? celui d’un des deux pays ? lequel ? le plus fort ou le plus faible ? ou alors doit-on tirer au sort ? N’est-il pas absolument impératif d’appliquer un droit reconnu par les deux parties ? en l’espèce le droit reconnu par les deux parties n’est-ce pas celui issu de la charte de San Francisco évoqué justement par ORAISON ?

* Ce droit, le seul vraiment applicable, celui qui s’impose absolument à tous les pays membres des Nations Unies, donc à la France et aux Comores, c’est le seul dont M. ORAISON ne veut pas entendre parler !!! Pourquoi ? Bizarre ! Très bizarre ! Relisons le passage où M.ORAISON parle du droit qu’il veut cacher avec le mouchoir de M.TARTUFFE :

« certes, le retour de Mayotte à l’Union des comores sans l’accord préalable des Mahorais ne serait que la sanction logique de la violation grossière par la France en 1975 du droit international public coutumier de la décolonisation forgé par les pays du tires Monde dans le cadre des Nations unies au lendemain de la seconde guerre mondiale ; c’est d’ailleurs dans ce sens que la résolution 49/18 adoptée par l’assemblee generale de l’organisation mondiale le 28 novembre 1994 par 87 voix contre 2 (France et monaco) et 38 abstentions s’est prononcee lorsqu’elle prie instamment le gouvernement français d’accélérer le processus de négociations avec le gouvernement comorien en vue de rendre rapidement effectif le retour de Mayotte dans l’ensemble comorien…… »

Et savez-vous le mot qui suit immédiatement ce passage très fort et très juste dans le texte de M. ORAISON ? C’est « MAIS…. »

Certes la loi internationale nous ordonne de quitter l’île comorienne de Mayotte « MAIS… »,

Certes toute la communauté internationale moins nous-mêmes et notre fief Monaco condamne notre occupation de l’île comorienne de Mayotte « MAIS… » ;

Certes, nous avons tort d’organiser des referendums dans un pays qui n’est pas le nôtre, « MAIS… »

« MAIS ? » Mais quoi, M. ORAISON ? quel est l’obstacle ? Qu’est ce qui vous empêche de vous incliner devant le droit international ? La constitution française ? voyons ! Vous savez bien qu’elle pose la primauté du droit international sur le droit national, que dans son préambule elle vous rattache inexorablement à tous les principes que vous détestez en secret et que vous exaltez au grand jour, et notamment celui du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Quand vous invoquez ce principe en faveur des Maorais, vous savez bien qu’il ne peut pas s’appliquer à eux, puisqu’ils font par définition partie d’un peuple dont on ne peut en aucun cas les détacher, le peuple comorien. Vous savez bien que c’est ce peuple qui doit être consulté, qu’il a effectivement été consulté en 1974, que sa réponse est sans équivoque possible : à 95,6 % le peuple comorien a dit à la France de quitter les COMORES.

Cela veut dire que 4,4 % seulement ont pensé que ce départ n’était pas urgent, qu’elle pouvait rester un peu encore. Ces 4 % étaient représentés par Mayotte où le non l’avait emporté à 63% La France s’est accrochée à ces 4 % comme un naufragé à sa bouée de sauvetage. On connaît la suite.

Bien ! vous avez pris Mayotte par la force ! Mais pourquoi essayez-vous de trouver une justification légale là où il n’y a que la force brutale ?

Parce que dit M. Oraison, il y a l’article 53

Le 13 février 2009 j’ai soulevé un certain nombre d’objections dans l’article « l’oraison funèbre du droit international à Mayotte » publié dans mon blog « http://masiwamane.over-blog.com » J’ai pris soin d’envoyer copie de cet article à M. Oraison qui malheureusement n’a pas répondu, peut-être parce ce que « Témoignages » ne tenait pas à publier mes observations. Je lui rappelle que sur mon blog il sera toujours le bienvenu. Comme il est bienvenu dans ces colonnes où la libre expression est totale comme il peut le constater. Je l’invite à répondre à ces questions. Elles sont d’une importance capitale pour les thèses qu’il soutient et notamment celle du droit à la consultation du peuple mahorais. Je l’invite solennellement à répondre à ces objections que je lui présente à nouveau :

« Vous oubliez une chose, Monsieur ORAISON ! que c’est en vertu de ce même article 53 que la France a consulté non pas Mayotte, en 1974 mais l’Archipel des Comores dont Mayotte fait partie, Vous avez demandé « l’adjonction » des Comores à la France Les Comores ont dit non à 95.6 % Vous avez répliqué : « mais à Mayotte a dit oui à 63.8 % Nous gardons Mayotte ! »

Je vous pose la question qui était consulté ? Les Comorais ou les Maorais ? quand vous élisez un député, un maire, un président, en France est-ce que le candidat malheureux fait sécession immédiatement avec ses 49% en emportant « ses » régions, « ses » départements ? Est-ce que Ségolène Royal est présidente de ses 46.94.....% ? Est-ce que vous appliquez de cette façon l’article 53 à la Corse qui demande son indépendance à cor et à cri ?. A la Bretagne ? L’appliquerez-vous un jour à la Guyane ? Comme je suppose que vous êtes un homme raisonnable, vous répondrez non à toutes ces questions. Plus précisément lequel des pays que vous avez décolonisés s’est vu appliquer cette interprétation de l’art. 53 ? AUCUN ! Pas même la Guinée, pas même l’Algérie que vous avez dû quitter manu militari, vous n’avez pas pu utiliser ce subterfuge et emporter avec vous un morceau de leur territoire. Il est certain pourtant que dans telle ou telle région de ces pays-là, vous avez pu avoir une majorité disons d’honneur pour ne vexer personne. ?

Comment expliquez-vous cette exception maoraise ? Comment pouvez-vous ériger cette exception en « sens de l’Histoire » quand précisément toute votre histoire constitutionnelle va dans l’autre sens ?

Autrement dit, votre article 53 a une double face, comme Janus : une face pour les consultations à Mayotte qui doit rester française coûte que coûte, et une face pour toutes les autres consultations. Le pays est le même pourtant, la France !!! Vérité en deçà de Mayotte ! Erreur au delà »

Ce n’est pas tout. Cet article miracle a été tordu par le Conseil Constitutionnel pour que l’exécutif français ait raison d’annexer Mayotte. J’ai fait cette observation dans l’oraison funèbre en ces termes :

« La loi relative aux conséquences de l’autodétermination des îles des Comores » a été soumise à l’appréciation du Conseil constitutionnel le 17.12.1975 par un certain nombre de députés. La décision a été rendue le .30.12.1975.

C’est dans cette décision que nous découvrons le secret de l’interprétation très spéciale de l’art. 53 ! Il faut lire les considérant 2,3, 4 et 5 ! Ils sont succulents

Considérant que les dispositions de cet art. doivent être interprétés comme étant applicables non seulement dans l’hypothèse où la France céderait à un Etat étranger ou bien acquerrait de celui-ci un territoire mai aussi dans l’hypothèse où un territoire cesserait d’appartenir à la République pour constituer un Etat indépendant ou y être rattaché

considérant que l’île de Mayotte est un territoire au sens de l’article 53 de la constitution, ce texte n’ayant pas dans cet article la même signification juridique que dans l’expression territoire d’outremer telle qu’elle est employée dans la constitution

Considérant en conséquence que cette île ne saurait sortir de la République française sans le consentement de sa propre population,.....

Considérant que cette loi n’a pour objet dans aucune de ses dispositions de définir ou de modifier l’organisation particulière d’un territoire d’outremer, qu’en conséquence l’article 74 ne saurait recevoir application dans le cas de l’espèce

Cela veut dire quoi ?

Exactement ceci : pour pouvoir résoudre le casse-tête maorais, on est obligé de changer le sens du mot territoire tel qu’on l’a défini dans la constitution. On retire Mayotte du T.O.M. des Comores On dit le TOM c’est Mohéli, Anjouan, et Ngazidja. Mayotte est un territoire au sens banal du mot, un territoire que l’on peut donc adjoindre à la France grâce à l’art. 53 !

Sans ce changement, impossible d’affirmer que Mayotte ce n’est pas dans le TOM des îles Comores, impossible d’affirmer qu’il s’agit d’un peuple autonome.

Or il faut que le mot territoire mentionné à l’art. 53 s’applique sans contestation possible à Mayotte !

Vous remarquerez d’ailleurs que l’auguste juridiction s’est bien gardée de dire pourquoi elle pensait devoir procéder à ce changement. Elle a décidé que le mot n’avait pas le sens de territoire d’outremer c’est tout !Il suffisait d’ y penser ! Il suffisait de le dire une bonne fois pour toutes

Le troisième considérant étant acquis, le quatrième ne sera qu’une formalité :

Considérant,en conséquence, que cette île, ne saurait sortir de la République française sans le consentement de sa propre population

Le cinquième exorcise le monstre de façon définitive en faisant oublier jusqu’au souvenir du territoire d’outre-mer de l’archipel des Comores.

Considérant que cette loi n’a pour objet dans aucune de ses dispositions de définir ou de modifier l’organisation particulière d’un territoire d’outremer, qu’en conséquence l’article 74 ne saurait recevoir application dans le cas de l’espèce

En fait le Conseil dit ceci : « Mayotte est française parce qu’elle est française » Une tautologie qui ressemble fort à une "toto-logie" !!!. Avait-on besoin vraiment de se réunir, de délibérer pendant des jours, d’écrire des considérants pour aboutir à cette bouffée de cigarette ? »

Voilà pourquoi on ne peut pas dire que la constitution française empêche les Français de restituer Mayotte. Non seulement cette constitution pose la primauté de la règle internationale sur la règle nationale, mais par-dessus le marché, la règle interne elle-même doit être torturée et tordue pour répondre à tout prix aux objectifs fixés par le gouvernement français.

Monsieur Oraison devrait répondre à ces objections.

J’en arrive à la leçon que M. ORAISON donne à nos dirigeants.

Sur sa recevabilité, je laisse les intéressés décider eux-mêmes.

Je sais que de toute manière le peuple comorien, lui, l’a déjà rejetée de toute la force de son silence. Il ne permet pas qu’on insulte son intelligence. Comment peut-on conseiller de continuer à palabrer quand on vient d’affirmer que tout est perdu ? Qu’il n’y a rien à faire ? parler du long terme, du « très long terme » où à force de chercher des « solidarités » on n’aura même pas la force de se regarder dans un miroir ? Comment peut-on penser qu’un peuple puisse être réduit à la résignation, à accepter la loi du plus fort pourvu que le plus fort lui donne à manger ? Croyez-vous que cela puisse être longtemps le fait du peuple comorien ? C’est que vous ne connaissez pas le peuple comorien. Mais vous le connaîtrez un jour !

Non ! la leçon que nous tirerons de vos douces larmes de crocodile c’est qu’il faut nous battre, encore et toujours, et cela, je vous promets, nous le ferons !

Elaniou

Moroni 24/12/09

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