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15 Thèses pour le congrès de Refondation Communiste

Publie le mardi 21 septembre 2004 par Open-Publishing


de Fausto Bertinotti

1) La vraie nouveauté de ce début de siècle est la naissance de nouveaux mouvements et leur capacité à se relier dans un parcours collectif. Elle a parlé au monde d’une nouvelle possibilité de transformation.

La capacité de Refondation Communiste a été de comprendre la nature de ces nouveaux mouvements et de se disposer à recueillir les ressources qu’ils ont libérées pour se proposer, avec une modification de sa propre politique, de contribuer à la construction d’une idée générale de réforme de la politique et de son rapport avec les protagonistes sociaux.

En même temps, avec une relation qui n’est pas seulement temporelle, la faillite
de la globalisation capitaliste a émergé d’une façon de plus en plus fracassante.
L’une et l’autre proposent à nouveau objectivement comme actuel le thème de la
transformation de la société capitaliste.

Ce thème est aussi posé subjectivement par la croissance de la conscience des
mouvements et on peut le résumer dans la formule des forums sociaux « Un autre
monde est possible ». le problème est donc posé mais il n’est pas résolu. Un
autre scénario est aussi ouvert, où la crise économique et sociale devient plus
cruelle et où la guerre précipite en un conflit de civilisations.
L’incertitude domine notre temps.

L’alternative « socialisme ou barbarie » n’est pas en dehors de ce temps.

2) En Italie, le PRC sort d’un succès important aux élections européennes et locales. Son projet politique global a été récompensé : choix stratégique d’être à l’intérieur du mouvement, proposition politique d’ouverture aussi bien sur le terrain global des oppositions politiques et sociales que comme construction de la gauche d’alternative, innovation de la politique et du sujet de la politique, innovation de culture et de théorie politique du mouvement ouvrier. Cette accumulation, qui doit être considérée comme un patrimoine acquis par tout le parti, est aujourd’hui la base pour un développement ultérieur de la refondation.

Ce succès a été réalisé dans une situation où a explosé la crise de la tentative de donner une réponse de droite stable à l’instabilité du système politique italien, tentative dont le pivot est ce phénomène complexe de nature néo-conservatrice qu’on a appelé « berlusconisme ». A cette crise contribuent aussi bien des motivations objectives (les grandes tendances internationales de la faillite de la globalisation capitaliste) que la poussée de la croissance des mouvements. Avec elles, s’est achevée la faillite spécifique du projet berlusconien.

En Italie aussi éclot une phase politique et sociale toute nouvelle, pour affronter laquelle il ne suffit pas d’écarter Berlusconi, mais il faut au contraire s’attaquer aux causes de fond qui l’ont amené au succès. Le problème est la construction d’une alternative de société ; il s’agit de réécrire la constitution matérielle du pays après les ravages néolibéraux.

3) Pendant ce temps, le néo-libéralisme en crise en tant que structure idéologique et modèle général de politique économique et sociale cherche une nouvelle voie pour se proposer à nouveau et empêcher le déploiement d’une politique nouvelle. La nouvelle version du néo-libéralisme se cache derrière le « réalisme » de la survie de l’entreprise. Après avoir mis de côté les grandes promesses, on propose l’état de nécessité. On demande de reconnaître l’objectivité indiscutable des crises et des nécessités imposées par la compétition internationale. Le but est de redessiner au rabais le système des droits, des conditions de travail et de salaire par le chantage objectif de la compétitivité.

Il s’agit d’une attaque insidieuse parce qu’elle se camoufle derrière une réalité aussi concrète qu’apparente, où se matérialise un chantage sur les travailleurs qui vise à mettre en échec la politique et à renverser le rôle du syndicat dans la négociation de l’empirement de la condition des travailleurs et de l’emploi. Par ce biais, qui voudrait remonter de l’entreprise au système tout entier des relations sociales et de la législation du travail et de l’état social, le premier objectif est l’abolition du contrat national de travail.

Cette offensive est la base matérielle qui soutient l’hypothèse politique néo-centriste, celle d’une sortie souple de la crise de la droite et du berlusconisme sans mettre en discussion l’inspiration de fond des politiques néo-libérales.

4) A cette nouvelle offensive néo-libérale, qui se propose d’assumer le caractère d’une proposition globale et se dispose à entraîner un ample spectre de forces modérées aussi bien dans le champ politique que dans le champ syndical, on ne peut pas répondre efficacement d’une façon défensive ou par composantes singulières isolées.

La défaite de cette hypothèse demande un saut de qualité de l’opposition politique et sociale. De cette nouvelle tache doivent se rendre protagonistes le champ articulé de la gauche intéressée au projet d’alternative, les organisations syndicales ayant projeté et pratiqué une nouvelle autonomie par rapport au gouvernement et à la Confindustria (qui correspond au MEDEF , NdT), les mouvements et les réalités de lutte exprimées dans les conflits du travail et sur le territoire.

Il faut que l’ensemble de ces sujets produise une initiative unitaire qui donne corps et visibilité à un projet d’unification des mouvements. Il faut travailler à un projet global de mouvement pour la réforme de la société italienne. Dans ce but il faut travailler à la construction d’une rencontre des expériences critiques et de lutte du monde du travail, des villes et des territoires. Ce n’est que de la connexion avec le mouvement des mouvements, avec le mouvement pour la paix, avec les expériences de conflits sociaux et du travail que peut naître l’opposition efficace et l’alternative au nouveau défi libéral et la renaissance, ici et maintenant, de la politique.

5) Une phase d’instabilité absolue s’est ouverte. La politique est traversée par deux tendances opposées : sa possible renaissance ou son éclipse. La démocratie vit une crise profonde, où la notion même de souveraineté populaire peut être effacée. Nous pouvons avoir devant nous un futur sans démocratie. La phase politique continue à être caractérisée, dans le monde, en Europe, en Italie, par cette crise ouverte aux deux issues. Même les élections européennes ont montré, à côté d’une croissance de l’opposition aux gouvernements, la manifestation d’un malaise profond et une méfiance à l’égard des systèmes politiques. Cette crise ne frappe pas que les institutions, mais elle entraîne aussi les masses, traversées en même temps par des instances de réappropriation et de fuite pulsionnelle de la politique, une sorte d’exode d’une politique qui s’est séparée à son tour de la vie quotidienne.

6) Le grand et terrible 20° siècle a vu se réaliser par la lutte de classe l’entrée des masses dans la politique et, dans ce sillon, de grandes expériences d’émancipation se sont produites, les plus grandes connues jusqu’ici. Mais, en même temps, le 20° siècle a été celui où se sont déroulées des tragédies irracontables (les guerres mondiales, les fascismes et les nazismes jusqu’à l’horreur d’Auschwitz).

Le mouvement ouvrier a été le grand protagoniste du siècle mais il a été défait en premier lieu par l’échec là où il s’est constitué en Etat dans les sociétés post révolutionnaires où les instances de libération pour lesquelles il était né se sont aussi retournées en formes d’oppression dramatiques.

La critique du stalinisme n’est donc pas simplement la critique des dégénérations de ces systèmes mais du noyau dur qui a déterminé cette issue et elle est pour cette raison le point incontournable pour la construction d’une idée nouvelle du communisme et de la manière de le construire.

Or, les expériences de mouvement, les nouvelles pratiques sociales et les réflexions qui ont avancé avec elles permettent la construction d’une critique du pouvoir qui, aussi bien par le choix de la non violence comme guide de l’agir collectif ici et maintenant, contribue à la recherche d’une idée et d’une pratique nouvelles de la politique en tant que processus actuel de transformation et de libération.

La possibilité d’une sortie à gauche de la défaite du 20° siècle et de la crise du mouvement ouvrier est ainsi à l’ordre du jour. On peut travailler alors à la construction d’un nouveau mouvement ouvrier.

La refondation communiste, horizon de notre recherche et expérimentation, trouve dans ce défi sa raison.

7) La querelle est devenue dramatique. L’état de guerre permanente est couvé par la nature même de la globalisation capitaliste. Au contraire de ce qui avait été promis, à savoir la dissolution des conflits, elle produit de l’instabilité en aiguisant les inégalités mondiales, en concentrant les richesses et en exaspérant les conflits A la place de la croissance promise, elle produit des crises. Même la compétition devient destructrice. La guerre préventive est le système par lequel on cherche une solution impériale de cette instabilité. Mais le résultat est de produire des instabilités nouvelles et plus profondes, auxquelles on répond en intensifiant davantage la guerre selon la doctrine de la guerre permanente.

La guerre alimente le terrorisme, qui est l’enfant de la guerre et son frère. Ce terrorisme se présente comme un projet élaboré dans l’autonomie du politique et il est, comme la guerre, notre adversaire irréductible, à repousser pour les moyens qu’il utilise et pour les fins qu’il soutient.

La guerre impériale de l’administration Bush est une guerre infinie et indéfinie. L’Irak en est le banc d’essai. Son développement serait la guerre de civilisations.

8) La paix est le terrain de renaissance de la politique parce qu’elle exprime l’exigence primaire de notre temps. La paix doit être poursuivie non seulement comme absence de guerre mais comme construction d’un nouveau monde qui, en cassant la domination impériale, dessine des aménagements nouveaux du monde fondés sur l’autonomie et le dialogue, sur des relations culturelles et sociales différentes. Il est non seulement erroné mais illusoire de penser à la construction de ce nouvel aménagement comme cela s’est produit en partie dans le passé à savoir par la création d’un équilibre basé sur la force des armes.

Le levier fondamental pour cette entreprise est le nouveau mouvement pour la paix, en tant que force désarmée et de désarmement, en tant qu’autre puissance mondiale descendue sur le terrain pour contester la guerre et sa logique et construire une alternative de civilisation.

Cette grande nouveauté met en lumière l’exigence de la construction d’une nouvelle subjectivité politique organisée qui interprète et fasse peser cette instance nouvelle dans les relations économiques, sociales et étatiques. On a ici le terrain fondateur de l’autre Europe, où la découverte de cette mission puisse faire relire ses racines pour réaliser un modèle économique, social et culturel alternatif au néo libéralisme et à la guerre. C’est sur cela que pourrait s’appuyer l’autonomie et l’indépendance de l’Europe par rapport aux USA.

Le Parti de la Gauche Européenne, dont nous sommes parmi les promoteurs et les fondateurs, veut être un instrument pour poursuivre cet objectif.

9) La construction du nouveau sujet de la transformation est le thème crucial pour la sortie à gauche de la crise de la politique et de la crise du mouvement ouvrier.

Cet engagement demande le déplacement du centre de gravité de la politique des institutions et des forces politiques à la société et aux mouvements, c’est-à-dire de la représentation à l’organisation directe de la vie et des relations sociales.

La marque de fond qui caractérise la nature de la globalisation néolibérale est la précarité. La précarité devient condition générale qui donne forme aux modes et aux temps de travail et aux temps de vie, aux rapports de production et aux relations sociales et qui pénètre jusqu’à la tentative de modifier le vivant.

Les transformations imposées, d’un côté par la révolution restauratrice du nouveau capitalisme sur le travail et, sur le versant opposé, la nature des nouveaux mouvements, proposent une alliance nouvelle entre les expériences demandant la libération du travail salarié (le conflit de travail) et les expériences demandant qu’on soit libéré du travail salarié (la construction de biens communs soustraits à la marchandisation, la construction et la réalisation de relations et d’activités soustraites, même si partiellement, au marché, la valorisation de l’environnement et des liens avec les histoires des territoires).

Cette alliance nouvelle permettrait l’entrée, en tant qu’éléments décisifs dans la construction de l’alternative, des cultures et des expériences critiques.

L’écologisme tisse une critique aux modèles « développementistes » même dans leur version modérée qui parle de « développement soutenable ». Le féminisme est la contribution fondamentale pour une idée de la société et des rapports sociaux fondés sur la valorisation de la différence et de la personne et sur la contestation du sexisme et de la domination scientiste sur les corps et le vivant. Le pacifisme et les mille pratiques de la non violence se configurent comme construction d’un réseau de relations qui contestent la domination du profit et du pouvoir.

Cette recherche théorique, ce travail politique dans les profondeurs de la société et dans la réalisation d’expériences originales constituent la base fondamentale pour la construction d’une gauche d’alternative qui en Italie voit engagées toutes les forces, où qu’elle soient situées, qui sont intéressées à cette recherche. Le temps est venu que la gauche soit à nouveau protagoniste en Italie et en Europe.

10) Le cadre de cette recherche est la construction de la démocratie de la participation et du conflit. Ce n’est pas un hasard que soit sous attaque précisément le caractère progressif de la Constitution italienne. Cette attaque prend différentes formes : on efface dans la pratique l’article 11 de la Constitution, on réduit le thème des migrants, décisif pour l’aménagement de la société future, à un problème d’ordre public, on parle d’effacer le caractère antifasciste de la République, on mine les éléments fondamentaux du caractère unitaire des prestations sociales et de l’exigibilité des droits sur le territoire national, on vide le Parlement. On veut affirmer en substance une idée de démocratie réduite de moitié, fonctionnelle au modèle néolibéral, interne à la domination du marché, donc inerte et, enfin, inutile.

La construction d’une démocratie participée où on puisse transformer la critique des mouvements en une alternative politique et programmatique de gauche est le défi fondamental qui se trouve devant nous.

La démocratie, en tant que force propulsive de participation et la paix, comme construction de nouvelles relations sociales et étatiques, sont à la première place dans la renaissance, ici et maintenant, d’un processus de transformation de la société capitaliste.

11) Le problème de la participation au gouvernement d’une force antagoniste dans un pays européen doit être situé dans ce cadre.
La critique de la prise du pouvoir et du pouvoir lui-même n’est pas non plus sans conséquences par rapport à la façon de concevoir le gouvernement et sa position. Dans notre stratégie, le gouvernement n’est pas un choix de valeur mais une variable dépendante de la phase. C’est-à-dire que le gouvernement n’est pas l’objectif ou le débouché de la politique d’alternative mais qu’il peut être un passage nécessaire. En Italie sa nécessité naît d’une conjoncture politique précise : l’exigence qui ne peut pas être prorogée de battre le gouvernement Berlusconi et d’y construire une alternative.

C’est pourquoi nous assumons aujourd’hui l’objectif d’une coalition de forces pour donner vie à une alternative programmatique de gouvernement où le PRC et les forces de la gauche d’alternative globalement seraient présentes en tant que protagonistes. Nous appelons cette coalition démocratique pour en définir ainsi son premier but : construire de la démocratie et de la participation.

La construction de la démocratie participée n’est pas qu’une question de méthode, elle est le premier contenu d’un programme réformateur. L’autonomie des sujets critiques ou socialement actifs n’est plus seulement une prérogative protégeant les mouvements et les organisations sociales de leur aliénation, elle est devenue aujourd’hui le moteur possible du processus réformateur tout entier et doit devenir pour cela un point fondamental programmatique de l’alternative de gouvernement. Voila la première réforme nécessaire : celle de la politique et de la conception même du gouvernement. Une part importante de cette même réforme est la conquête d’une autonomie stratégique de la gauche d’alternative et, avec elle, du PRC, par rapport au gouvernement auquel il serait éventuellement possible de participer selon le niveau de l’accord de programme établi entre toutes les forces qui sont aujourd’hui à l’opposition du gouvernement Berlusconi.

Pour ce faire, le PRC et la gauche d’alternative doivent savoir passer aussi par l’expérience de gouvernement en fonction de la croissance qualitative des mouvements et de la possibilité de déployer une action politique plus vaste, plus complexe et plus longue dans la société pour la réalisation du plus ambitieux programme de phase.

L’objectif de cet engagement qui est le nôtre est la défaite de la loi du pendule selon laquelle quand la gauche est à l’opposition elle fait naître des espoirs et des attentes qui sont déçus quand elle assume le gouvernement, en déterminant ainsi une méfiance de la politique pour de larges masses et en créant les conditions pour le retour des forces conservatrices.

12) Dans cette phase, un programme de gouvernement doit avoir comme caractéristique fondamentale de représenter une rupture de continuité avec les politiques du gouvernement Berlusconi, d’en constituer une alternative réelle et d’ouvrir une voie où l’autonomie des mouvements et du conflit de classe puisse conquérir de nouveaux espaces de transformation de la société.

Les lignes directrices autour desquelles organiser un programme d’alternative sont au nombre de trois, programme qui déjà dés son démarrage doit transmettre au Pays un message univoque et une sollicitation à la mobilisation de toutes les énergies réformatrices. La première est la position internationale du pays pour la paix contre la guerre et la terreur, à partir de l’engagement pour le retrait des troupes italiennes, pour arrêter la guerre en Irak et pour construire une Europe de paix dans le monde et de coopération entre nord et sud et de dialogue entre les religions et les civilisations. Deuxièmement, en Italie les politiques du gouvernement Berlusconi et la crise de la cohésion sociale qu’elles ont entraînée sont un obstacle empêchant le changement et la mise en route d’une nouvelle politique. C’est pourquoi, l’action d’assainissement sur le terrain civil, économique et social est un engagement incontournable. L’abrogation de la loi 30, de la loi Bossi-Fini, de la loi Moratti d’un côté et de celle de la fécondation assistée de l’autre donnent clairement le sens du besoin et de la force de cette opération politique et de sa nécessité.

Enfin, la qualification d’un programme qui voudrait avoir l’ambition de concrétiser les attentes de changement mûries dans la société se réalise sur le terrain du nouvel aménagement à donner au Pays afin qu’il puisse projeter son avenir. Il s’agit là des grandes réformes de rupture avec le cycle néolibéral, des reformes ouvrant le chemin à une innovation du modèle général d’organisation de la société. Elles peuvent être identifiées autour de quatre grands axes : la valorisation du travail et une redistribution de revenu en faveur du salaire, des traitements et des retraites, l’introduction d’un salaire social et une politique offensive par rapport aux rentes ; la conquête, la qualification et l’extension de droits individuels et collectifs aptes à configurer une nouvelle citoyenneté sociale universelle, le respect de la personne et un système di garantie et de tutelle pour toutes et pour tous ; la constitution de biens communs à soustraire à la logique du marché par la valorisation publique de l’environnement, du territoire et de la culture ; la constitution d’une nouvelle intervention publique dans l’économie, de la programmation à l’organisation de facteurs pour l’innovation du modèle économique et social.

13) On ne peut pas ramener le programme de l’alternative de société à un programme de gouvernement, même au plus avancé. Il doit être pensé comme un programme de phase, il doit s’appuyer sur un discours à propos du capitalisme italien à l’intérieur de celui européen : le discours sur un déclin et sur une classe dirigeante démissionnaire face au projet du futur qui fait appel aux différentes leçons du néolibéralisme comme flottements sur les crises et extrême adaptation à ces dernières. Le programme de phase est la mise au point des visions de l’autre Europe et, là dedans, de l’autre Italie, une vision de comment nous la préfigurons d’ici 10-15 ans à l’intérieur de cet autre monde possible que le mouvement de changement a entrevu. Le programme de ce sens général de construction d’alternative de société ne réside pas que (et pourtant nous savons combien déjà cela est difficile) dans les fixations de discriminantes programmatiques pour une alternative de gouvernement à la droite, il demande l’élaboration d’un projet politique et la construction d’un processus pour la transformation où le rapport avec le développement des mouvements est le levier principal quoique non suffisant.

Voilà la recherche que nous avons entreprise. Ce que nous proposons dès maintenant est l’horizon de ce chemin.

Son point de démarrage peut être l’horizon du programme de phase des forces du changement pour l’Europe entière et pour chacun de ses Pays, qui doit assumer, dans cette phase du développement capitaliste, une ambition haute, celle de l’égalité. Il doit se concrétiser dans une rupture immédiate et une inversion par rapport à la tendance, caractéristique de ce nouveau cycle capitaliste, à l’augmentation des inégalités pour configurer une étape importante de rapprochement à l’égalité entre les personnes et de changement de fond du rapport entre les classes. Deux objectifs stratégiques doivent concrétiser cette perspective : la conquête du plein emploi et la conquête d’une citoyenneté universelle pour toutes et pour tous, aussi bien natifs que migrants. Cette citoyenneté doit s’appuyer sur la mise en œuvre d’un complexe de droits sociaux, civils et culturels exigibles et d’ accès garantis, tout aussi exigibles, pour chacun aux biens communs : un nouvel état social supranational.

Dans ce complexe de droits et à l’intérieur d’une tendance à la mondialisation des conflits de classe, le travail salarié dans toutes les formes, aussi bien historiques qu’inédites, où il se présente aujourd’hui, devrait gagner un nouveau statut de démocratie, de pouvoir et de liberté. Les travailleuses et les travailleurs devraient pouvoir franchir, contre la tendance des dernières deux décennies, une nouvelle étape dans le processus de libération, par la valorisation de leurs composantes cognitives et créatives, directes et indirectes contenues aujourd’hui dans le travail et la généralisation, quoique par différents degrés, des composantes directes. Il faut poursuivre la conquête d’éléments d’autogouvernement sur les prestations de travail et sur le rapport entre temps libre et temps de vie. Il faut conquérir, contre la flexibilité, des éléments de « rigidité » pour la satisfaction de ses besoins individuels et collectifs dont faire surgir de nouvelles formes de contrôle social et de démocratie directe et participée. Cette recherche sur le terrain des luttes comme celle du sujet de la transformation, le nouveau mouvement ouvrier, sont les accoucheurs possibles de la gauche d’alternative en Italie et en Europe.

14) La gauche d’alternative se construit par le faire et sur le faire, hors de toute tentation de chercher la solution en un assemblage quelconque des classes politiques des partis qui sont à la gauche du listone (courant de gauche des DS, NdT). Tout autre est le cadre des subjectivités dont il faut bouger et tout autre doit être l’ambition politique. .Nous proposons la naissance de lieux où faire grandir les expériences communes de travail politique ininterrompu : des comités, des cercles, des associations, des organisations autogérées dans toutes les réalités diffuses dans le Pays et dans les lieux du conflit et de l’expérimentation sociale. Nous proposons l’auto convocation d’une assise nationale où toutes ces expériences se confronteraient. Une assemblée appelant tous ceux qui se reconnaissent dans cette exigence et qui ont expérimenté des parcours de mouvement qui sont devenus progressivement communs : des partis, des composantes de partis, des syndicats, des expressions de mouvement, de gouvernement local participé, des associations, des comités, des particuliers pour se relier entre eux dans une reconnaissance réciproque et paritaire, dans la définition d’un parcours partagé d’action unitaire et pour la définition d’un projet politique commun. Nous proposons la convocation ouverte et partagée de l’assemblée constituante de la gauche alternative. Les temps sont mûrs mais non infinis. Il faut organiser les disponibilités et les volontés dans un choix de la part de tous les intéressés. Nous somme prêts à les accomplir.

15) Refondation Communiste est un interlocuteur fondamental de ce projet et en est parmi les protagonistes. Cela n’est pas seulement rendu possible par sa force militante et électorale, par sa présence articulée et capillaire dans la société. En premier lieu, cela est dû à son être à l’intérieur des conflits et à sa capacité de saisir la grande nouveauté des mouvements de ce siècle et au rapport développé avec eux en sachant innover sa culture et sa proposition politique.

Dans des années difficiles, quand toute hypothèse de transformation semblait supprimée, Refondation Communiste a tenu ouverte une recherche et une action politique et culturelle. Par la construction de la gauche d’alternative on peut aller outre et rouvrir la politique à un processus général de transformation sociale, où elle puisse redevenir protagoniste.

L’existence de Refondation Communiste et son autonomie politique et culturelle, qui restent pour aujourd’hui et pour demain, ne sont pas en jeu. Ce qui est en jeu est, au contraire, la possibilité de faire tous ensemble un bond, un vrai saut de qualité, comme nous avons commencé à le faire en Europe avec la fondation du Parti de la Gauche Européenne.

C’est pourquoi une réforme vraie et profonde du parti dans le sens de l’ouverture et de l’expérimentation de formes d’agrégation et de relation nouvelles est un thème fondamental du parcours de la refondation. Nous sommes nombreux à pouvoir partager ce défi.

Traduit de l’italien par Karl et Rosa - Bellaciao