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MARTINIQUE : 1959-2009, 50 ANS DE DEMANDE D’AUTONOMIE. BILAN

Publie le jeudi 14 janvier 2010 par Open-Publishing

Lu sur le Blog de Chien Créole

Malgré la tristesse qu’il partage avec tous les Antillais concernant le drame qui frappe Haïti, Moun Isi a tenu l’engagement qu’il avait pris avec Chien Créole de tenter d’expliquer les raisons de la béresina du réferendum sur l’évolution statutaire en Martinique. Merci à lui.
CC

Les raisons de l’échec du OUI lors de la consultation du 10 janvier 2010

126298 Non

32954 Oui

55% de participation

On peut parler de défaite indiscutable pour le OUI, comme souvent les raisons sont multiples.

La peur.

La peur du largage est latente depuis 1977 et le programme commun de la gauche. Cette peur a été entretenue notamment par le biais d’affiches 4x3 où le message était « Ne jouons pas notre destin ».

Peur également de la perte des acquis sociaux, des retraites, des allocations chômage, du RMI ou de je ne sais quelle autre allocation, j’ai entendu dans un meeting un sénateur dire qu’un parlementaire facétieux, à l’occasion du parcours de la loi organique, pouvait introduire un amendement organisant la fin de l’allocation parent isolé.

Peur de la perte des subventions européennes par le passage du statut de RUP à celui de PTOM du fait de certaines dispositions proposées par les élus, comme la préférence à l’emploi ou le droit de regard sur les transactions immobilières.
La peur de la loi organique définissant les conditions de passage à l’article 74 de la constitution et étant élaborée après la consultation. Le retour du « chat-an-sak(1) ».

L’indépendance.

Le fait que cette demande d’autonomie ait été portée par presque tous les mouvements indépendantistes a pu établir dans un certain nombre d’esprits l’équation autonomie = indépendance ou sa variante autonomie = antichambre de l’indépendance.

Les pollutions.

La bataille entre l’institution régionale et la ville de Fort-de-France autour du projet de reconstruction du lycée Schoelcher, et par là même l’opposition frontale entre Alfred Marie-Jeanne(2) et Serge Letchimy(3) a pu faire croire à un combat d’hommes et non d’idées. Les empoignades verbales et autres coup de sang ont largement Ces deux hommes par ailleurs se réclamant de Césaire. « L’affaire » de l’école reconstruite en Dominique grâce à une aide de la région Martinique de l’ordre de 1,5M€ est également venue polluer le débat. La proximité des élections régionales (14 et 21 mars) a concouru à une forme de régionalisation de la consultation. Il est à noter que les présidents Lise et Marie-Jeanne avaient plaidé le report de ces élections auprès du président de la république.

Ces trois raisons ont de fait entrainé une campagne défensive de la part des partisans du OUI, contraints d’avoir à se justifier au lieu de proposer

Ces raisons n’exonèrent pas le camp du OUI d’un déficit de communication certain.

Les erreurs.

En premier lieu, un problème de méthode, il me semble que les porteurs n’ont guère occupé le temps et l’espace.
Le temps, car la relance de l’évolution institutionnelle figurait dans le programme de la liste MIM-CNCP lors de la campagne pour les élections régionales en 2004. Le processus a commencé en 2007 avec la synthèse des projets SMDE(4) et agenda 21(5). Deux ans pour présenter et surtout accompagner un projet.
L’espace, car l’on n’a pas vu les partisans du OUI occuper massivement le terrain. L’on a plutôt vu nombre de maires et d’élus régionaux et généraux porteurs du OUI faire une sorte de service minimum.
De manière générale, On peut également s’interroger sur les choix du RMC(6) de privilégier les « grand-messes » au détriment d’une campagne de proximité, le fameux « porteaporte.com ». A croire que les partisans du OUI ne se sont pas donné les moyens de leur réussite.

Je tiens à préciser que je ne crois absolument pas à l’hypothèse d’une campagne trop courte, trop proche des fêtes, trop tout … Les porteurs de ce projet avaient la maitrise de l’agenda à l ’exception du moment de la consultation.
Je ne crois pas davantage au rejet par la population des élus, les électeurs sont parfaitement conscients des limites de ces derniers.

Peuple pétri d’oralité, quel proverbe décrit le mieux la situation ? A moins que les trois ne soient pertinents ?
Ou sav sa ou ka kité, ou pa sav, sa’w ka pran / tu sais ce que tu as, tu ne sais pas ce que tu Sa ki ta’w, la riviè pa ka chayé’y / patience et longueur de temps
Chak bètafé ka kléré pou nam li / une somme de moi ne fait pas un nous

(1) Lors de la consultation de 2003, l’argument de l’inconnu « le chat-an-sak » a été défini par
Feu Camille Darsières, ancien secrétaire général du Parti Progressiste Martiniquais.

(2)Alfred Marie-Jeanne est l’actuel président du conseil régional et probable candidat à sa
propre succession.

(3) Serge Letchimy est l’actuel maire de Fort-de-France et probable tête de liste du Parti
Progressiste Martiniquais aux élections régionales du mars 2010.
(4) Schéma Martiniquais de Développement Économique élaboré par le conseil régional.

(5) Agenda 21, projet de développement élaboré par le conseil général.

(6) Rassemblement Martiniquais pour le Changement

Moun Isi, correspondant en Martinique de Chien Créole.