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Le deux Simona et Kenneth : insupportable attente

Publie le vendredi 24 septembre 2004 par Open-Publishing

de Pierre Barbancey

Nouvelle escalade dans l’horreur avec les annonces d’exécutions hypothétiques
des otages et les appels angoissés des familles pour leur libération.

En Italie comme en Grande-Bretagne l’angoisse dominait hier avec deux annonces,
invérifiables à ce moment, de l’exécution de deux Italiennes, Simona Pari et
Simona Torretta, et l’appel du Britannique Kenneth Bigley suppliant son gouvernement
de satisfaire les exigences de ses ravisseurs pour lui sauver la vie.

Un premier communiqué attribué à un groupe se faisant appeler Organisation du djihad a indiqué, tôt jeudi sur un site islamiste, avoir exécuté deux Italiennes sans les nommer. Un second texte, émanant d’un groupe se faisant appeler Ansar Al Zawahiri (celui qui avait revendiqué le 10 septembre l’enlèvement des deux humanitaires travaillant pour l’association Un pont pour Bagdad, déjà présente avant la guerre) a indiqué quelques heures plus tard, sur un autre site, avoir tué les deux jeunes femmes.

vérification de la revendication

« Nous n’avons pas de confirmation, nous vérifions la crédibilité de la nouvelle revendication », a indiqué l’unité de crise du ministère des Affaires étrangères Du côté irakien, le porte-parole du Comité des oulémas, la principale organisation religieuse sunnite du pays, a déclaré « ne pas penser que les ravisseurs ont exécuté les deux Italiennes ». Mouthanna Hareth Al Dhari, a estimé que ces otages avaient été enlevées pour des raisons matérielles. « On peut en tirer beaucoup d’argent », a-t-il dit, ajoutant que le style commando de l’enlèvement des deux Italiennes « montre qu’il peut être l’oeuvre d’une bande de malfaiteurs sans relation avec la résistance ».

C’est pourtant un « style commando » qui a abouti à la capture de deux Américains et un Britannique, le 16 septembre. Or, l’enlèvement a été revendiqué par le groupe Tawhid Wal Djihad, d’Abou Moussad Al Zarkaoui, lié à al Qaeda (lire ci-dessous), qui réclame la libération des prisonnières irakiennes. Les deux Américains ont été exécutés. Mercredi soir, un homme semblant être le Britannique Kenneth Bigley, un ingénieur des travaux publics de soixante-deux ans qui a une grande expérience du Moyen-Orient, a plaidé pour sa vie dans une vidéo diffusée par un site Internet islamiste.

Dans la vidéo, l’homme se présente comme Kenneth Bigley. « J’ai besoin que vous [Tony Blair] soyez compatissant, comme vous avez toujours dit que vous l’étiez (...). Je ne veux pas mourir (...). S’il vous plaît, relâchez les femmes détenues dans les prisons irakiennes », dit l’homme en éclatant en sanglots. Peu après, sa famille a lancé un ultime appel à ses ravisseurs pour qu’il le libère sain et sauf. Le ministre britannique des Affaires étrangères, Jack Straw, a reconnu qu’il serait « mal placé de prétendre qu’il y a beaucoup d’espoir » de parvenir à la libération de Kenneth Bigley, en écartant toute négociation avec les ravisseurs.

Le frère de l’otage britannique, Paul Bigley, n’a pas caché jeudi sa colère à l’égard des Américains, qu’il a accusé d’avoir « saboté » les initiatives des autorités irakiennes. « Est-ce un gouvernement fantoche ou est-ce que les Américains changent encore les règles du jeu parce que ça leur plaît ? Laissez les Irakiens gérer leurs propres affaires », a-t-il déclaré. Le premier ministre irakien Iyad Allaoui a pris la décision de ne pas libérer la prisonnière Rihab Taha, selon son secrétaire d’État chargé de la sécurité, Kassem Daoud.

« Nous sommes en guerre avec les terroristes », a-t-il dit, soulignant que cette décision « confirme l’opinion de mon gouvernement qu’il n’y a pas du tout de négociations avec les terroristes ». Des déclarations troublantes et inquiétantes, alors que la France tente de faire libérer nos confrères Georges Malbrunot et Christian Chesnot, ainsi que leur chauffeur Mohammed Al Jundi, même si le ministre français de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres, a déclaré que le gouvernement était « confiant mais prudent » à leur sujet.

Alors que la journée d’hier a de nouveau été marqué par de violents affrontements qui ont coûté la vie à au moins cinq personnes, dont un responsable pétrolier abattu dans des inconnus dans le nord du pays, l’OTAN a annoncé l’envoi prochain de centaines d’instructeurs pour former des officiers supérieurs des forces de sécurité irakiennes dans une académie militaire, située près de Bagdad. Cette académie sera protégée à la fois par la Force multinationale (FMN) sous commandement américain et par des soldats de l’OTAN.

position de la france

La France a donné son feu vert à une telle opération, ce qui n’a pas empêché Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, de déclarer : « Il n’y aura pas de militaires français à Bagdad. Nous pensons que la solution en Irak est d’abord une solution politique. Nous pensons aussi qu’il faut que les Irakiens aient vraiment le sentiment d’avoir retrouvé leur souveraineté. Ça ne passe pas par davantage d’uniformes militaires étrangers sur place. »

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-09-24/2004-09-24-401196