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Bertinotti : Un vieux mot tel que « communisme » nous aide à repenser le futur

Publie le samedi 25 septembre 2004 par Open-Publishing
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de Cristiano Pini

Dillo a Alice (une site web italien, NdT) interviewe Bertinotti : « Aujourd’hui
la démocratie n’est plus qu’un simulacre. Les mouvements sont en train de changer
la tête des gens. La politique doit se placer à leur hauteur. La gauche doit
vivre dans le peuple et avec le peuple »

M. Bertinotti, surtout à gauche, on parle beaucoup de crise de la démocratie
et de formes nouvelles de représentation démocratique. Que pensez-vous à ce propos ?


Je pense que nous sommes en train de vivre une condition où la démocratie n’est
désormais qu’un simulacre. Je ne parle pas que de l’Italie, parce que cela serait
trop facile. En général, après la grande expérience démocratique de masse après
la victoire contre le nazi fascisme, par laquelle les masses sont entrées en
politique grâce aux partis, aux syndicats et aux coopératives etc., la démocratie
représentative a sombré dans la crise ; elle est aujourd’hui moribonde.

De toute façon en Italie continue-il à exister un Parlement qui représente tous les électeurs ?

En réalité un Parlement n’existe pas, parce qu’il est appelé à être le spectateur des choix du gouvernement. La démocratie est écrasée par le pouvoir gigantesque des grandes communications de masse. Nombre de pouvoirs nationaux de l’Etat ont été soustraits par le Fonds Monétaire International, par l’Organisation Mondiale du Commerce. La Banque Centrale Européenne décide la politique monétaire sans aucun type de représentativité. En somme, on est revenu à l’époque des marchés du 16e siècle, quand certains imprimaient la monnaie sans contrôle du décideur publique. Le public a été désertifié et le marché a pris la place de la politique. Nous vivons dans une démocratie réduite de moitié.

Le droit au vote est resté, non ?

Oui, certes, nous sommes encore appelés à voter, mais pourquoi tant de gens y vont de moins en moins ?

Pourquoi ?

Parce qu’ils sentent la pauvreté de la possibilité de compter. Je pense qu’aujourd’hui les forces qui s’opposent à Berlusconi ont comme tâche fondamentale celle de reconstruire la démocratie dans notre Pays. Reconstruire la démocratie dans une école, dans un lieu de travail, dans un hôpital, dans la vie quotidienne ; je dois pouvoir dire par mon vote si ce contrat qu’a fait le syndicat me convient ou non. Je dois, par exemple, par le bilan participatif, être appelé à décider sur quelques choix administratifs.

Une utopie... ?

En un seul jour, 120 millions de personnes ont manifesté contre la guerre et contre Bush de Seattle à Paris. On a manifesté contre la violence du capitalisme du marché, mais aussi pour dire qu’un monde meilleur est possible. Les mouvements sont en train de changer la tête des gens. C’est nous, c’est la politique qui doit se placer à la hauteur de ces mouvements ; c’est la politique qui doit trouver un nouveau langage... et le premier mot de ce nouveau langage est « participation démocratique ». La gauche peut nourrir de grandes ambitions de changement, mais elles ne peuvent être réelles qu’à une seule condition : que la gauche vive dans le peuple et avec le peuple ; ceci ne peut se faire qu’avec le développement de la démocratie. Le problème ne s’est posé pas seulement pour la guerre, mais aussi en termes d’administration de gouvernement à Gênes (pour la privatisation des digues n.d.r.) ou plus récemment à Scanzano ou à Acerra. Dans ce dernier cas, on propose un incinérateur et la population se révolte : un peuple entier prend conscience de soi et de son rapport avec le territoire et dit non. Alors on lui présente une opportunité sous forme de chantage : nous vous offrons un incinérateur ou un dépôt de déchets nucléaires et vous garantissons que vous entrerez dans le cycle de développement du monde.

Comment résout-on ce contraste ?

Je pense par la démocratie. Là où il y a un contraste il faut donner la parole au peuple, qui assume la responsabilité du choix.

Cela me semble une solution trop « facile ».

Non. Nous avons le problème de nous soustraire à ce qui semble être l’état de nécessité. La globalisation en tant que « sort magnifique et progressif » ne marche pas, elle n’amène aucune réduction des distances entre le nord et le sud du monde, laisse croire que demain avec la new economy il y aura un travail plus beau pour tous. La globalisation a échoué lamentablement et dramatiquement, aussi à travers la guerre, en dévoilant son visage régressif. Question : après la victoire sur le nazi fascisme est-il vrai ou non que les conditions dans lesquelles vivent nos enfants pour la première fois sont pires que celles de la génération précédente ? Pas tellement d’un point de vue économique, mais certainement par la précarité et par l’incertitude de l’avenir. Dans ces conditions le pouvoir n’a plus la force de conviction. Le discours « confie-toi à la globalisation » et à sa « pensée unique » ne convainc plus.

Un échec total, donc, celui de la globalisation...

Cette globalisation est une grande révolution technologique et scientifique qui, pour la première fois dans l’histoire moderne, au lieu de permettre le progrès social produit la régression jusqu’à mettre en discussion les destins de l’humanité. La globalisation impose « ça ou rien ». Chez Bosch ou chez Siemens elle te fait chanter : ou bien tu acceptes de laisser augmenter le temps de travail sans augmentation de salaire ou nous délocalisons l’établissement en Roumanie ou en Bulgarie. Ainsi le chantage se multiplie à l’échelle mondiale. Ce n’est pas une position idéologique que la nôtre. Le problème que nous avons devant nous est un développement capitaliste qui produit des crises et de l’instabilité. C’est pourquoi je pense que pour affronter les problèmes d’un nouveau développement nous devons retourner à raisonner sur une vieille question : comment fait-on à sortir de l’organisation sociale capitaliste ? Un vieux mot tel que « communisme » nous aide aujourd’hui à repenser le futur.

Traduit de l’italien par Karl et Rosa - Bellaciao

Sourse : http://bellaciao.org/it/article.php3?id_article=5650

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