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> Contitution européenne : réponses aux éléphants qui trompent enormément

21 décembre 2004, 02:53

Désolé de te rentrer dedans, mais tes arguments sont tellement médiocres qu’il faut vite les démolir.

1. La Commission n’est pas Big Brother ? D’abord je ne comprends pas très bien la comparaison(ce n’est pas un organe de surveillance policière).

En revanche, la Commission est bien un organe de décision non démocratique, nommé par cooptation, et qui impose des choix extrêmement liés à la personnalité et aux convictions de ses membres. Ainsi voit-on que tel commissaire s’oppose à tel gouvernement, ou à telle initiative prise par tel Etat : une personne non élue par le peuple a donc le pouvoir exorbitant de mettre un veto, voire d’imposer sa décision (son oukase) à un pays tout entier et à son gouvernement élu au suffrage universel ; ça ne vous choque pas quelque part ? Pas de problème ?

Remarquons que les commissaires en question sont TOUJOURS sur des positions ultra-libérales ; on n’entend jamais parler de conflit avec un commissaire arc-bouté sur une position de gauche. Etonnant, non ?

Quant au "contrôle" exercé par le Parlement, il est pitoyable : voyez avec quelle arrogance et mépris il a été traité par Barroso, qui a d’abord rejeté d’un revers de main l’opposition dudit parlement à Butttiglione. Le simple fait de proposer la présence d’un tel individu est déjà révélateur de la dérive en cours et une provocation ; de plus en plus la Commission est composée d’individus douteux, voire très douteux au service d’une certaine élite, de plus en plus liés aux seuls intérêts privés et à une vision dominatrice et prédatrice de la société, et non plus dévoués à l’intérêt général. Il faut être aveugle pour ne pas le voir !

Certes, Buttiglione a finalement dû renoncer : mais à cause de quoi ? De ses orientations politiques ? Il aura fallu qu’il ait la maladresse de tenir publiquement des propos homophobes et sexistes pour que le Parlement trouve le courage et le moyen de le bouter hors de la Commission (admirons en passant le degré de bêtise que cela révèle de la part de ce type ; et il a quand même été proposé à la Commission. Ahurissant !). C’est un motif quand même assez dérisoire en regard des enjeux et des problèmes BEAUCOUP PLUS GRAVES que posait par ailleurs sa candidature eu égard à sa personnalité et ses engagements politiques, et sans rapport direct avec le poste. Cela démontre en passant le (ca)niveau de sottise et de nullité dans lequel est tombé le débat public. On l’a en fait renvoyé sur son image, sur ses opinions privées, et non sur la politique qu’il avait l’intention de promouvoir. Qu’on ait été obligé d’utiliser ce genre d’arguments pour justifier son renvoi alors qu’il y avait des motifs bien plus sérieux en regard des fonctions envisagées laisse pantois, et montre en réalité l’IMPUISSANCE FONDAMENTALE de l’Europarlement face à la Commission. Tant mieux au final en ce qui concerne Buttiglione, mais c’est en réalité très inquiétant et le problème de fond demeure. S’il avait su tenir sa langue, il serait actuellement en poste !

Comme l’est d’ailleurs finalement (en poste) la tout aussi inquiétante et controversée commissaire néerlandaise à la concurrence, qui elle a été plus prudente ! N’oublions pas le cas de la commissaire balte (lettone ou lithuanienne, je ne sais plus), convaincue de corruption dans son pays ! Et pour la bonne bouche, celui de notre commissaire français, l’inénarrable et médiocre Jacques Barrot, amnistié d’une condamnation pour corruption, le notaire qui se prend pour un économiste et pour un spécialiste des transports sans avoir jamais étudié l’économie !

Voilà déjà un tableau saisissant (d’effroi) de cette commission, en attendant d’en apprendre plus sur les autres membres. Ne serait-ce que Barroso, pour commencer.

2. Les formules "tape-à-l’oeil", dans les constitutions normales, ont un sens ; car ces constitutions les posent comme principes ; la signification en est précise et EXPLICITE, claire dans leur contexte.

Alors que le TCE reste dans des termes vagues et imprécis tenant plus du slogan, de la formule publicitaire sans contenu réel. Au surplus, elle s’empresse de les rendre définitivement creuses et sans portée, dans les articles qui précisent le détail de l’application et définissent ce qui est permis ou pas au cas où on serait tenté de les interpréter dans un sens un tant soit peu social (elles sont tellement floues et contradictoires qu’on pourrait parfois les interpréter dans un tel sens, mais heureusement, le traité prévient ce risque ailleurs). Et là, ça déménage ultra-libéral dans les chaumières ! Comme dit l’aphorisme : "le diable est dans les détails !"

Qu’est-ce que précisément que "l’économie sociale de marché" par exemple ? Cette formule qu’on nous martèle ne renvoie à aucun objet connu, à aucune théorie précise ; au mieux, à une vague pratique de la sociale-démocratie allemande, il y a bien longtemps, et abandonnée par elle depuis. Chacun y voit donc ce qu’il a envie d’y voir, (et surtout d’y faire voir aux naïfs)comme dans une auberge espagnole. Le mot social permet de faire rêver et miroiter des lendemains qui chantent, mais gare au réveil ! Car l’aspect social reste des plus flous : objectifs concrets, moyens ? Bernique ! Que des vœux pieux ! Exit "social", reste donc "économie de marché" ; là, on voit tout de suite ! C’est donc un attrape-couillon !

3. Ce genre d’aphorisme est parfaitement stupide et révélateur en plus du dangereux climat anti-intellectualiste actuel. Comme si l’action était toujours intrinsèquement supérieure à la réflexion, quelle que soit l’action ! Si le con qui marche va vers un précipice, il est effectivement très con, et il vaut mieux rester assis que de le suivre (cf Panurge) !

L’idée juste est certes que rester assis sans jamais rien faire ne mène à rien, mais que marcher comme un con (ou comme un fou) mène à la catastrophe ! Les deux attitudes sont idiotes, et il faut, comme nous l’enseignent les sages et les philosophes depuis toujours, mais comme nous l’oublions régulièrement, associer action et réflexion : réfléchir avant pour agir raisonnablement, et après avoir agi pour en tirer les leçons et pouvoir agir à nouveau. (Il y a mieux : la fulgurance intuitive du Zen, où action et réflexion sont simultanées ; mais ça c’est balaise et pas donné à tous !)

Application : réfléchissons bien avant de voter la TCE et souvenons-nous de Maastricht !

Excusez cette apparente digression philosophique, mais je crois nécessaire de fournir à tous un outil de démontage intellectuel de cet argument sot, parce qu’on le retrouve de plus en plus sous des avatars divers dans la propagande politique actuelle qui tient lieu de méthode de débat.

[Je dis propagande car il n’y a presque plus de débats avec une argumentation valable ; on préfère "communiquer", dévoyant ainsi un terme dont le sens originel était vraiment noble : entrer en communion d’esprit. Quelle dégringolade spirituelle, bien digne de notre époque ! Remarquez bien que la "communication" dont se gargarisent les élites (patrons, politiques, journalistes, publicitaires) n’est rien d’autre que le nouveau nom de la propagande, du discours mensonger, de la manipulation des esprits, de la tromperie délibérée et de la désinformation, destiné à les rendre plus présentables, voire nobles. Ce terme est une extraordinaire désinformation en soi !
Retenez bien ceci : communiquer, dans leur bouche, veut tout simplement dire niquer !
(synonymes : berner, mener en bateau, prendre pour un con, faire prendre des vessies pour des lanternes, amuser la galerie, etc.)]

Par exemple, l’argumentaire de la "Réforme" qui serait toujours mieux que "l’immobilisme". Ainsi certains (JF Coppé est un spécialiste de ces discours à la graisse d’oie) applaudissent Raffarin (alias Jean-Pierre Thatcher) "parce qu’il a le courage de faire des réformes", sans qu’il soit jamais question du sens de ces réformes ni du résultat. Variante : réformer (ou "changer" ou "bouger", cf Sarkozy ou encore Coppé - pour le premier, "s’agiter" serait d’ailleurs plus approprié) c’est "moderne", se "crisper" sur les "avantages acquis" c’est "ringard" (E-A Seillières). Encore l’opposition "mouvement = bien/ immobilité = mauvais" !

La "réforme" se justifierait ainsi par elle-même, elle serait un bien en soi, toujours préférable au statu quo (à la stabilité ?). Faux, nous ont montré les logiciens : aucune assertion, aucun discours, aucune théorie ne peut être intrinsèquement vraie ou bonne, ne peut contenir la démonstration ou la preuve de sa propre vérité (pour les connaisseurs : les phrases auto-référentes du type "Cette phrase est vraie" sont dites "mal fondées" ; de même pour les théories auto-référentes). Toute preuve se fait "par autre chose", par référence à un contexte, de l’extérieur. On a là exactement le contraire : un principe qui provoquerait le bien par une vertu interne propre, par une faculté autoréalisatrice de vérité : ce serait toujours mieux après une réforme, quelle qu’elle soit. Absurde ! Il suffit de le formuler clairement pour le voir ; c’est pourquoi cette idée est toujours gardée sous-jacente dans les discours, jamais explicitée. L’exposer à la lumière, c’est voir que le roi est nu !

On nous fait le même coup avec le TCE : si on arrête la marche en avant forcée et au pas de charge de l’Europe, c’est la fin de tout. On ne sait plus où on va et pourquoi , mais il faut y aller, sinon... "On the road to nowhere" (en route pour nulle part) comme chantaient les Talking Heads dans une chanson visionnaire.

Ces discours absurdes annihilent la pensée véritable, car à force de répétition ils finissent par imprégner l’inconscient d’idées reçues implicites, admises comme vérités sans jamais avoir été discutées et du coup inattaquables et propres à désarmer les critiques, impressionnés à tort par le tigre de papier ainsi formé. La preuve, dès qu’un ultra-libéral brandit le mot réforme comme un slogan (je rappelle que ce mot celte signifie "cri de guerre"), leurs contradicteurs perdent leurs moyens, se mettent à bredouiller et se sentent contraints de concéder que des réformes sont effectivement nécessaires ; concession qui est déjà une défaite en rase campagne !

(Coïncidence : au moment même où j’écris ces lignes, le porte-parole de l’UMP, Bernard Accoyer (lui aussi d’ailleurs mis en cause dans une affaire de corruption), pérorant comme un magnétophone, entonne sur LCI le discours des "réformes courageuses de ce gouvernement" ; pour une fois, son opposant (Jean-Marc Ayrault, PS), lui a quand même fait remarquer qu’une réforme se juge à l’aune de ses effets, et n’est pas bonne en soi ; il y a du progrès, mais c’est pas gagné : l’animateur, lui s’est empressé d’abonder dans le sens d’Accoyer)

Les esprits sagaces auront remarqué que c’est exactement la méthode du bourrage de crâne publicitaire, c’est-à-dire un matraquage incessant. Les messages publicitaires actuels constituent une forme de discours totalement absurde à laquelle on nous accoutume depuis l’enfance, ce qui fait qu’ils nous paraissent normaux, alors que, comme le faisait remarquer Neil Postman (universitaire américain récemment décédé), toute personne sensée devrait y voir le discours d’une personne sévèrement dérangée. Idem pour tous ces discours alarmistes sur le danger du non : les politiques pensent qu’à force de le marteler, on finira par y croire. Ce sont d’ailleurs des publicitaires (rebaptisés "communiquants" pour l’occasion) qui les conseillent. Ils nous prennent vraiment pour des cons. Et ils auront raison si ça marche !

C’est ainsi que l’on nous DESAPPREND à réfléchir. Donc, sachons rester assis et voter NON s’il le faut ! Comme le disait Pascal, « Tout le malheur de l’homme vient d’une seule chose qui est de ne pas savoir rester seul dans une chambre » pour y méditer.

Je conclus sur une citation du TAO TÖ KING (chapitre 47), l’ouvrage le plus profond jamais écrit :

« Sans franchir sa porte, on connaît l’Univers.
Sans regarder par la fenêtre on aperçoit la voie du Ciel.
Plus on va loin, moins on connaît.
Le sage connaît sans voyager, comprend sans regarder, accomplit sans agir. »
(sans réformer ?) Bref, il n’y a que les cons qui marchent ! Et qui marchent dans les discours à la noix... du pied gauche !

Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende !