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MEDIAS vendus

19 avril 2005, 09:51

CRITIQUE MEDIATIQUEoffensive

Le débat est aussi dans une critique radicale des lignes éditoriales, l’auto-censure généralisée et la complaisance générale à accepter cet état de fait.
La pédagogie à sens unique est criante, encore faut-il s’attaquer de front aux sbires de Dassault et Lagardère et ceux qui sévissent aussi sur nos radios publiques. Paoli et Guetta dégueulent leur prose Ouiouiste inlassablement sur France Inter, nous sommes devenus les méchants conspirateurs !

Une seule réponse Boycott ! et presse autogérée ...

Un exemple de brulot paru ce week-end dans le Monde
(c’est dégueulasse)


Vote révolutionnaire pour le non

Le communisme, qui a toujours considéré la social-démocratie comme son ennemi
principal, avait inventé le "vote révolutionnaire à droite". Il consistait à
aider "l’adversaire de classe" afin d’affaiblir les socialistes, qualifiés
de sociaux-traîtres. Pratiquée sans succès par les purs et durs du PCF, en
1981, contre François Mitterrand (alors que des voix chiraquiennes, en sens
inverse, s’étaient reportées sur le candidat socialiste plutôt que sur
Valéry Giscard d’Estaing), cette dialectique avait fini dans les poubelles
de l’Histoire avec les parpaings du mur de Berlin. La voici pourtant de
retour contre le traité constitutionnel européen.

Les temps ont changé. La consigne "révolutionnaire" ne se chuchote plus
entre militants aguerris. Elle se proclame haut et fort sur les estrades,
sous l’appellation de "non de gauche". En 1981, dans les beaux quartiers, un
petit groupe avait placardé des affiches ornées d’un slogan chic en diable :
"Etonnez-vous, votez à gauche !" La mode, aujourd’hui, chez les
antieuropéens de gauche, pourrait se résumer ainsi : "Donnez-vous des
frissons, votez avec Le Pen !" Ce ne serait pas la première fois que le chef
du Front national recevrait un renfort de ceux qui se présentent comme les
plus déterminés à le combattre. Il sait se faire oublier, d’ailleurs, et ne
fait guère campagne, afin de ne pas troubler la bonne conscience du non de
gauche.

Quant à la droite, en partie inquiète du renfort qu’en recevraient l’extrême
droite et les souverainistes, elle voit surtout que, si le non l’emporte le
29 mai, la gauche aura du mal à se rassembler, deux ans plus tard, pour
l’élection présidentielle. L’affaire n’est pas sans risques, mais elle sera
profitable, en fin de compte, pour les conservateurs. Peut-être même le
vieux rêve de troisième force, que François Bayrou ne manque pas
d’entretenir de loin en loin, trouverait-il une pertinence.

Attisée méthodiquement par ceux qui veulent, une fois de plus, tordre le cou
au réformisme, l’opposition de gauche au traité constitutionnel réunit
plusieurs motivations. Même si le débat commence à porter - enfin ! - sur la
Constitution européenne, elle n’entre que pour une part mineure dans les
raisons de voter non. Le traité signé à Rome en octobre 2004 n’est pas perçu
comme un enjeu tel qu’il puisse déchaîner les passions. Il pâtit plutôt de
ses limites que des avancées dont il est porteur. Il paraît mou. Il semble
faire les choses à moitié. Il ne promet aucune transformation qui
impressionne.

Maastricht, en 1992, c’était la monnaie unique, une vraie percée qui donnait
à réfléchir et valait qu’on se batte pour ou contre elle. Le traité
constitutionnel, lui, semble avoir pour seul mérite d’exister et de
s’appeler comme il s’appelle. Veut-on s’affronter pour le mot Constitution ?
Cette modestie est mise à profit par les détracteurs du traité. Ils en
concluent que son rejet n’aurait pas de conséquences graves pour l’Union
européenne. Le traité, disent-ils, serait renégocié, et les partenaires de
la France devraient tenir compte davantage de ses exigences. Les
proeuropéens qui hésitent à voter non sont ainsi invités à se rassurer.

Les adversaires du traité le présentent comme faible et menaçant à la fois.
A les entendre, il ne dit pas grand-chose, mais le peu qu’il dit est
détestable. L’Europe qu’il prépare - qu’il consacre, en fait - est peu
exigeante, mais ce qu’elle exige est inacceptable. Cette Constitution
encadrerait, de façon irréversible, les politiques économiques et sociales
des Etats, qui s’engageraient à ne mettre aucune entrave au libéralisme le
plus effréné. Mais puisque de nombreux Français ont décidé d’aller y
regarder de plus près en lisant le traité, qui connaît le même succès de
librairie que celui de Maastricht il y a treize ans, les arguments de ceux
qui épatent leurs auditoires en brandissant des citations et des numéros
d’articles devraient perdre de leur force.

Reste ce dont le traité est le prétexte. Quoi de plus naturel, pour un
électeur de gauche, que de s’opposer à la droite au pouvoir ? Voter non va
de soi face à un président qui ne tient pas ses promesses, à un premier
ministre pris pour cible de toutes les impatiences - c’est sa fonction - et
à un gouvernement qui paraît s’ennuyer autant qu’il ennuie. Dans ces
conditions, le meilleur service que M. Chirac puisse rendre à la cause
européenne est de dire qu’un non, le 29 mai, ne changera rien pour lui. Il
sera toujours président de la République. Peut-être nommera-t-il un nouveau
premier ministre, mais la politique menée par le gouvernement restera la
même, parce que personne, à droite, n’en imagine une autre. Ceux qui
envisagent de voter non pour que ça change en seront pour leurs frais.

Néanmoins, l’affrontement provoqué, à gauche, par les adversaires du traité
ne peut pas être arbitré par Jacques Chirac. Le président doit sauver le
oui, mais on ne peut pas lui demander de sauver aussi François Hollande !
Pendant des décennies, la gauche française a subi l’emprise du communisme,
de ses bastions municipaux et syndicaux et de ses compagnons de route dans
le beau monde. Il incombe aux socialistes d’aujourd’hui de savoir s’ils
veulent céder à l’intimidation d’un nouvel intégrisme révolutionnaire et
national.

Patrick Jarreau
Article paru dans l’édition du 16.04.05 (répondons lui) ...@lemonde.fr