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> Vous critiquez l’Economie sociale et solidaire mais n’osez pas vous dire écococialiste !

7 mars 2006, 11:13

Qu’est-ce que l’écosocialisme de Michaël LOWY est sur le site "La Gauche"

Voici juste un extrait

Croissance exponentielle de la polution de l’air dans les grandes villes, de l’eau potable et de l’environnement en général ; rechauffement de la planète, début de fusion des glaces polaires, multiplication des catastrophes "naturelles" ; début de destruction de la cape d’ozone ; destruction, à une vitesse grandissante, des forêts tropicales et réduction rapide de la bio-diversité par l’extinction de miliers d’espèces ; epuisement des sols, désertification ; accumulation de déchets, notamment nucléaires, impossibles à gérer ; multiplication des accidents nucléaires et ménace d’un nouveau Tchernobyl ; pollution de la nourriture, manipulations génétiques, "vache folle", boeuf aux hormones. Tous les clignotants sont au rouge : il est évident que la course folle au profit, la logique productiviste et mercantile de la civilisation capitaliste/industrielle nous conduit à une désastre écologique aux proportions incalculables. Ce n’est pas céder au " catastrophisme " que de constater que la dynamique de " croissance " infinie induite par l’expansion capitaliste ménace de déstruction les fondements naturels de la vie humaine sur la planète.[1]

Comment réagir face à ce danger ? Le socialisme et l’écologie - ou du moins certains de ses courants - ont des objectifs communs, qui impliquent une mise en question de l’autonomisation de l’économie, du règne de la quantification, de la production comme but en soi, de la dictature de l’argent, de la réduction de l’univers social au calcul des marges de rentabilité et aux besoins de l’accumulation du capital. Ils se réclament tous les deux de valeurs qualitatives : la valeur d’usage, la satisfaction des besoins, l’égalité sociale pour les uns, la sauvegarde de la nature, l’équilibre écologique pour les autres. Tous les deux conçoivent l’économie comme "encastrée" dans l’environnement : social pour les uns, naturel pour les autres.

Cela dit, des divergences de fond ont jusqu’ici séparé les "rouges" des "verts", les marxistes des écologistes. Les écologistes accusent Marx et Engels de productivisme. Cette accusation est-elle justifiée ? Oui et non.

Non, dans la mesure où personne n’a autant dénoncé que Marx la logique capitaliste de production pour la production, l’accumulation du capital , des richesses et des marchandises comme but en soi. L’idée même de socialisme - au contraire de ses misérables contrefaçons bureaucratiques - est celle d’une production de valeurs d’usage, de biens nécessaires à la satisfaction de nécéssités humaines. L’objectif suprême du progrès technique pour Marx n’est pas l’accroissement infini de biens ("l’avoir") mais la réduction de la journée de travail, et l’accroissement du temps libre ("l’être").

Oui, dans la mesure où l’on trouve souvent chez Marx ou Engels (et encore plus dans le marxisme ultérieur) une tendance à faire du "dévéloppement des forces productives" le principal vecteur du progrès, et une posture peu critique envers la civilisation industrielle, notamment dans son rapport destructeur à l’environnement.

En réalité, on trouve dans les écrits de Marx et d’Engels de quoi alimenter les deux interprétations. La question écologique est, à mon avis, le grand defi pour un rénouveau de la pensée marxiste au seuil du XXIème siècle. Elle exige des marxistes une revision critique profonde de leur conception traditionnelle des "forces productives", ainsi qu’une rupture radicale avec l’idéologie du progrès linéaire et avec le paradigme technologique et économique de la civilisation industrielle moderne.

Walter Benjamin fut un des premiers marxistes au 20ème siècle a se poser ce type de question : dès 1928, dans son livre Sens Unique il dénonçait l’idée de domination de la nature comme "un enseignement impérialiste" et proposait une nouvelle conception de la technique comme "maîtrise du rapport entre la nature et l’humanité". Quelques années plus tard, dans les Thèses sur le concept d’histoire il se propose d’enrichir le matérialisme historique avec les idées de Fourier, ce visionnaire utopique qui avait rêvé "d’un travail qui, bien loin d’exploiter la nature, est en mesure de faire naître d’elle les créations qui sommeillent en son sein".[2]

Aujourd’hui encore le marxisme est loin d’avoir comblé son rétard dans ce terrain. Mais certaines reflexions commencent à s’attaquer à cette tâche. Une piste féconde a été ouverte par l’écologiste et "marxiste-polanyiste" américain James O’Connor : il faut ajouter à la prémière contradiction du capitalisme, examinée par Marx, celle entre forces et rapports de production, une deuxième contradiction, celle entre les forces productives et les conditions de production : les travailleurs, l’espace urbain, la nature. Par sa dynamique expansioniste, le capital met en danger ou détruit ses propres conditions, à commencer par l’environnement naturel - une possibilité que Marx n’avait pas pris suffisamment en considération.[3]

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