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> nous n’avons qu’un seul texte de référence

4 juin 2006, 01:22

Cette "Charte antilibérale" réserve quelques mauvaises surprises lorsqu’on la regarde de plus près. Ainsi, concernant les salaires, ne figure même pas la revendication des 300 euros d’augmentation pour tous. Il n’est pas non plus précisé si le SMIC à 1500 euros est calculé en brut ou en net (dans le premier cas, même un Fabius peut le revendiquer sans que le Medef ne crie au scandale…). Tout semble être fait en réalité pour s’adapter au programme du PCF qui sur ce point comme sur d’autres préfère garder le silence.
La principale difficulté réside autour de la question de l’emploi. Tout est fait pour contourner la revendication de l’interdiction des licenciements. Le document parle certes d’interdire les " licenciements boursiers ". Mais la formule n’a aucun sens : dans l’enchevêtrement actuel des prises de participation entre filiale et entreprises sous-traitantes, il n’y a aucune difficulté à faire apparaître sur le plan comptable un déficit ou un excédent selon les besoins. Quant au " droit de veto suspensif ", il existe déjà en réalité pour les Comités d’entreprise : c’est la possibilité pendant un certain temps de faire appel à un expert pour contester le bien fondé d’un licenciement collectif. Mais c’est le patron qui décide. Il est toujours possible pour les syndicalistes de gagner un peu de temps pour organiser la lutte, mais c’est le rapport de force à ce niveau qui tranchera exclusivement… Autant dire que tout cela est de la poudre aux yeux.
Toute la philosophie générale en réalité est destinée à fabriquer un catalogue de bonnes intentions au tranchant bien émoussé. Le libéralisme est présenté comme un " modèle " ou un " dogme ", un choix politique possible parmi d’autres dans le cadre du capitalisme. Aucun lien n’est fait avec la crise du capitalisme, comme si la question se réduisait simplement à un problème de volonté politique… Aucune mesure par conséquent n’est destinée à remettre en cause le droit exclusif de la bourgeoisie à diriger la société. C’est même le contraire, puisque le document prend bien soin de préciser que toutes ces mesures ne mettront pas en danger l’économie…
La référence aux luttes n’est certes pas absente : " De tels objectifs se heurtent aux intérêts des forces et classes dominantes, ils susciteront leur résistance. Leur réalisation sera le résultat d’un mouvement continu articulant mobilisations sociales, débats citoyens et actions politiques ". Mais c’est la nature même de cette articulation qui devrait être précisée : sous le gouvernement Jospin, le PCF s’est plu en effet à expliquer qu’il avait un pied au gouvernement et un pied dans la rue. Avant de conclure que si il n’avait pas pu faire pencher la balance du bon côté, c’est à cause des travailleurs qui ne s’étaient pas assez mobilisés…
Mais c’est justement là où le bât blesse. " Bousculer les résistances " comme il est dit également à la fin du texte suppose un vrai programme pour les luttes. Depuis plus de dix ans, la combativité s’est quand même un peu manifestée. Mais à chaque fois, elle a été confrontée à l’inertie des directions syndicales et des appareils réformistes. Même la lutte contre le CPE a démontré à contrario à quel point il a fallu exercer une formidable pression à la base pour que ces appareils, par peur de perdre toute crédibilité, finissent par accompagner le mouvement plus loin qu’ils ne le souhaitaient au départ.
Pour contrer l’étouffoir des bureaucraties syndicales, l’organisation démocratique des travailleurs en lutte est une question incontournable. Cela devrait être un point d’orientation fondamental pour n’importe quel programme qui prétendrait défendre de façon un tant soit peu conséquente les intérêts du monde du travail

La question des candidatures unitaires antilibérales est bien sûr en grande partie déconnectée de cette discussion. Du côté des états-majors et de la direction du PCF en particulier, le seul horizon vraisemblable et réaliste est le ralliement à un gouvernement avec le PS. Ce sont les calculs électoraux qui dominent, et la référence à une " charte antilibérale " est tout juste un faux semblant destiné à être rapidement oublié.
Mais le développement de la crise sociale et politique ne manquera pas de donner toute son importance à ces débats.Cette question doit pouvoir être traitée de manière conséquente. Si le point de départ des discussions peut se situer dans le refus de la contre-réforme libérale et de ses mesures, la construction d’une alternative, pour être efficace, implique nécessairement d’aller vers un affrontement avec les classes dominantes et avec le système capitaliste. Cela passe par une série de mesures qui mettent au centre de nos préoccupations l’objectif d’amener le monde du travail, au travers de ses luttes, à prendre des positions et à contrôler réellement la marche de l’économie, de la société et de l’Etat.
Cette préoccupation est encore aujourd’hui absente pour l’essentiel dans la charte antilibérale. Mais le débat reste ouvert...

LP Militant LCR