Accueil > ... > Forum 169419

Joli Mai

13 mai 2007, 20:10

"LE PETIT-BOURGEOIS GENTILHOMME"

par Alain Accardo
(Editions Labor, Espace de libertés)

Nous avons oublié, dit le "bourdivin" Alain Accardo, et même radicalement évacué "la question qui était explicitement au cœur de l’affrontement des forces politiques et sociales depuis le XIXe siècle : comment mettre fin à la domination d’une poignée d’hommes sur le plus grand nombre ?" Autrement dit, comment faire une révolution (rires dans la foule). Notre société est l’une des plus féodales qui ait existé : nous nous en accommodons. Pourquoi ?

C’est comme si nous avions déjà parcouru tout le chemin. Comme si l’économie libérale avait réussi à nous faire croire qu’elle était à la source de la prospérité généralisée, de la paix, de l’abondance et de la sécurité qui - chacun ne s’en rend-il pas compte ? - règnent à la surface de la planète (autre version : qui règnent en Occident, mais ne devraient pas tarder à gagner le reste du monde, un peu de patience, SVP).

Pourquoi ne peut-on plus imaginer que les choses puissent être différentes de ce qu’elles sont ? Certes, parfois, des millions de salariés sont "conduits à clamer leur colère ou leur désespoir d’être traités comme quantité jetable par leurs employeurs", mais cela "sans s’interroger un seul instant sur la légitimité d’une organisation sociale qui autorise un petit nombre d’êtres humains privilégiés (des managers et des actionnaires) à s’arroger un droit de vie et de mort sociales sur une foule de leurs semblables".

Pourquoi, encore une fois ? Parce que, dit Accardo, nous sommes tellement façonnés pour nous adapter à cette société que nous finissons par croire que nous y adhérons spontanément. Même - et surtout - les plus instruits ont du mal à penser leurs propres déterminations sociales. Entre autres responsables, le "champ des médias", qui, "sous l’empire irrésistible de l’audiovisuel et de sa logique commerciale, est devenu une immense et ubuesque machine à décerveler, à fabriquer de l’agenouillement et du consensus".

Ce bref, vigoureux et très éclairant ouvrage invite qui se veut de gauche à "clarifier et changer la part de soi-même qui est asservie au système". Un appel à l’effort moral personnel, n’est-ce pas ridicule, obsolète, par les temps qui courent, où chacun ne cherche qu’à étancher sa "soif inextinguible de jouissance immédiate, sans fin et sans frein" ? On a la très vive impression, qu’au contraire...

Jean-Luc Porquet

in Canard Enchaîné 23.07.2003

via Tzigane