Accueil > ... > Forum 222922

Europe : la plainte finira-t-elle en gémissement ?

22 février 2008, 19:21, par Laure

JE SUIS OBLIGÉE DE POSTER LA RÉPONSE EN PLUSIEURS COMMENTAIRES... ELLE EST TROP LONGUE, veuillez m’en excuser. Laure

Bonjour Daniel,

Vous excuserez le temps de réaction un peu long, mais il importait avant tout d’être clair, précis et "dans les clous" pour vous répondre d’autant qu’entre temps vous avez modifié votre article...

Sachez toutefois, en guise de préambule, que jusqu’à aujourd’hui, personne, constitutionnaliste y compris, n’a encore pris la peine, ni le temps, de nous démontrer point par point, argument contre argument, après lecture complète de la requête, en quoi celle-ci était irrecevable et/ou infondée.

Nous restons persuadés que nous aurions pu enrichir notre démarche si quelques "spécialistes" avaient montré un peu plus d’intérêt pour elle et ne s’étaient pas contentés de la condamner avant même qu’elle ne soit finalisée (les premières critiques sur la recevabilité de la plainte ont été formulées avant même qu’elle ne soit finie et disponible au téléchargement).

En tant que non spécialiste, vous me permettrez de répondre point par point à vos critiques sur les fondements de notre action. Vous excuserez, j’en suis sûre, mon vocabulaire de profane et comprendrez que je laisse le soin à Guillaume, de répondre plus précisément à votre argumentaire.

Vous écrivez :

Pas la peine de chercher la complication. Un traité, dont l’application (Conseil des ministres de l’Union) porte une atteinte irréversible aux droits accordés aux Citoyens gravés dans une Constitution, qui interdit aux membres du Gouvernement, dont la forme n’est pas révisable, d’exercer tout mandat parlementaire, ne saurait être ratifié valablement. En l’état, la ratification porte atteinte à la souveraineté populaire établie par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, en balayant la séparation des pouvoirs, qui permet au peuple de contrôler l’Exécutif, et contrevient aux articles 23 et 89 de la Constitution elle-même.

La plainte devrait alors s’appuyer sur ce motif. Il est recevable en vertu de l’article 47 de la Charte.

Croyez-le bien, notre démarche n’avait pas pour but principal de chercher la complication et s’il était facile de défendre notre propos en utilisant un fondement juridique plus simple que celui que nous avons utilisé pour notre plainte, nous aurions été ravis de pouvoir le faire.

Hélas, vous en conviendrez aisément, le droit se préoccupe fort peu de simplicité. Par contre ce dont il se préoccupe c’est de la justesse d’une argumentation juridique et ce que vous exposez ci-dessus, ne semble pas fondé, comme l’expose Guillaume ci-dessous :

Il n’est pas possible de fonder un constat de violation sur l’article 16 de la déclaration des droits de l’Homme devant la Cour EDH.

La critique fondamentale adressée à la plainte par M. Colomyès telle qu’elle est formulée repose sur l’idée qu’il vaudrait mieux se fonder sur la violation de la constitution française, que sur la violation de la Convention EDH. Selon M. Colomyès la demande fondée sur la Convention est vouée à l’échec, alors qu’une demande fondée sur la constitution française aurait de meilleurs chances d’aboutir.

Il convient de remarquer qu’il n’est pas impossible d’invoquer à titre d’exemple la déclaration des droits de l’Homme devant la Cour EDH. L’article 16 de la DDHC consacre en effet un principe de séparation des pouvoirs qui peut être utile, au regard des traditions consitutionnelles communes en Europe pour l’interprétation de l’article P1-3. Les réflexions de M. Colomyes sur la séparation des pouvoirs sont donc les bienvenues dans le cadre d’une demande de constat de violation de l’article P1-3 de la Convention.

Le raisonnement de M. Colomyes méconnaît la limitation du champ d’application de la Charte.

Selon l’article 51 : Champ d’application

« Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions et organes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. »

Cela signifie que la Charte ne concerne pas les traités. Le traité de Lisbonne n’est pas soumis au respect de la Charte. C’est d’ailleurs logique puisque la Charte est intégrée au traité. Elle ne lui est pas supérieure. Le raisonnement de M. Colomyes consiste donc à demander à la Cour européenne si le traité de Lisbonne est conforme au traité de Lisbonne.

En outre, il n’est pas juridiquement acceptable de considérer que la Charte des droits fondamentaux « garantit sans limitation [les droits] reconnus par les constitutions des Etats membres de l’Union (art 53) ».

L’article 53 : Niveau de protection, est ainsi rédigé :

« Aucune disposition de la présente Charte ne doit être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l’homme et libertés fondamentales reconnus, dans leur champ d’application respectif, par le droit de l’Union, le droit international et les conventions internationales auxquelles sont parties l’Union, la Communauté ou tous les États membres, et notamment la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que par les constitutions des États membres. »

L’article 53 de la Charte est une clause de niveau de protection. Elle ne consacre pas les constitutions des Etats membres en tant que source de droits. Simplement cet article a pour vocation d’empêcher que le niveau de protection des droits garantis par la Charte ne tombe en dessous du niveau de protection des droits équivalents, garantis par les constitutions des Etats membres. Il ne peut donc pas servir à fonder un constat de violation.

Lorsque vous écrivez encore que :

"L’article 3 du protocole dont il est question pour justifier la recevabilité du projet de plainte du collectif 29mai ne s’applique pas en la circonstance. En effet, il concerne l’engagement d’organiser « à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif.

Il n’est pas nécessaire d’être grand clerc pour le comprendre : la plainte de ce projet n’est pas recevable, un traité n’est pas une élection de représentants aptes à légiférer. Il obéit à d’autres critères juridiques, absents de la Convention utilisée."

A SUIVRE EN DESSOUS...