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Europe : la plainte finira-t-elle en gémissement ?

22 février 2008, 19:23, par Laure

SUITE RÉPONSE 3

Je vous en livre à nouveau un extrait concernant la qualification de la CIG en "corps législatif" :

La Conférence intergouvernementale est compétente en vertu de l’article 48 du Traité sur l’Union Européenne pour la révision des traités.

L’article 48 TUE dispose que la « conférence des représentants des gouvernements des États membres [...] est convoquée par le président du Conseil en vue d’arrêter d’un commun accord les modifications à apporter auxdits traités. Les amendements entreront en vigueur après avoir été ratifiés par tous les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. » L’article 48 du traité sur l’Union européenne distingue clairement, dans le processus législatif de révision des traités, une phase intergouvernementale et une phase nationale. Le pouvoir législatif se partage entre ces deux phases. Le pouvoir de révision des traités est partagé respectivement entre les représentants des gouvernements et les parlements nationaux.

Il est significatif de noter que les Parlements nationaux n’ont aucun pouvoir d’initiative ou d’amendement en la matière, facultés pourtant caractéristiques d’un organe législatif. Les parlements nationaux n’interviennent qu’au stade de la ratification.

(...)

Le fait que la Conférence intergouvernementale soit composée de représentants de l’exécutif ne permet pas d’exclure sa nature législative. Pour déterminer si, aux fins de l’article 3 du Protocole n° 1, la Conférence Intergouvernementale doit être considérée comme un « corps législatif » , ou comme une partie de ce corps, la Cour doit tenir compte de la nature sui generis de la Communauté européenne, laquelle ne suit pas le modèle d’une séparation plus ou moins stricte des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif que l’on trouve dans beaucoup d’États.

Cette absence de séparation stricte des pouvoirs implique que le pouvoir législatif est partagé entre plusieurs organes. Dans l’affaire Matthews, le fait que le Conseil des ministres soit composé de membres de l’exécutif n’a pas conduit la Cour a écarter sa participation au processus législatif. La Conférence intergouvernementale n’est pas un simple organe technique issu de l’exécutif, comme cela est courant dans les systèmes constitutionnels nationaux, chargé de préparer la ratification des travaux par les Parlements nationaux.

La Conférence intergouvernementale partage le pouvoir législatif pour le droit primaire avec les Parlements nationaux, de la même manière que le Parlement européen partage le pouvoir législatif pour le droit dérivé avec le Conseil des ministres.

A l’inverse, il n’est pas possible de considérer que le Parlement européen ou les parlements nationaux sont suffisamment associés à la procédure de révision des traités, pour être considérés comme des corps législatifs aux fins de l’article 3 du protocole n° 1, en ce qui concerne le droit communautaire primaire.

Dans l’affaire Matthews, un élément déterminant qui a permis à la Cour de considérer que le Parlement européen constituait une partie du corps législatif est que dans le domaine de la codécision, le Conseil ne peut adopter aucune mesure contre la volonté du Parlement européen.

Ce n’est pas le cas des parlements nationaux à l’égard du droit communautaire primaire puisque au regard de l’article 48 TUE, le parlement français n’a pas le pouvoir de rejeter le texte. La ratification n’est qu’une condition de l’entrée en vigueur du traité. En cas de « difficultés » rencontrées pour la ratification, le projet de révision n’est pas abandonné. Le défaut de ratification ne conduit pas au regard de l’article 48 TUE à une modification du texte ou à son abandon.

Les limites au pouvoir des parlements nationaux et du Parlement européen, en ce qui concerne le droit communautaire primaire, sont donc trop importantes pour que l’on puisse raisonnablement considérer qu’ils disposent d’un pouvoir législatif.

En tout état de cause, et quand bien même, on pourrait considérer que les parlements nationaux sont suffisamment associés à la procédure de révision des traités pour constituer une partie du coprs législatif, cette circonstance n’exclut pas la Conférence intergouvernementale du champ d’application de l’article 3 protocole n° 1, dans la mesure où elle assume la totalité du processus législatif conduisant la révision du droit communautaire primaire. C’est en son sein que sont réunies les commissions qui ont rédigé les amendements apportés aux traités en vigueur, et c’est en son sein que se sont réunis les chefs d’Etats et de gouvernement qui ont procédé à l’adoption du traité de Lisbonne.

Partant, la Conférence intergouvernementale compétente pour la révision du droit communautaire primaire, constitue un corps législatif aux fins de l’application de l’article 3 du protocole n° 1.

Si donc cette démonstration n’est pas infondée, ce dont je reste persuadée, jusqu’à ce que l’on me démontre le contraire, il appartiendra alors à la CEDH de se prononcer là-dessus, et à vous de reconnaître (à moins que vous ne démontriez pas le contraire) que la CIG s’entend bien ici comme un "corps législatif" et qu’à ce titre, l’article 3, du Protocole 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, n’a aucune raison de ne pas s’appliquer.

"La stratégie de www.29mai.eu étonne. Elle se cantonne à la Convention européenne inadaptée au sujet. Elle va droit dans le mur. Cette brillante argumentation n’émane, apparemment pas, d’un spécialiste du droit européen. "

Très sincèrement, en vous lisant, je n’arrive pas à comprendre si votre démarche et les conclusions que vous en tirez proviennent d’une méconnaissance du fondement juridique de notre action (avez-vous lu attentivement la requête ?), d’une incompréhension de notre argumentation, ou d’un réel désaccord sur le fond.

Mais quelle que soit l’hypothèse choisie, j’espère vous avoir éclairé à ce propos.

Je laisse de côté les petites piques qui ressemblent trop à ces vilaines querelles de clocher entre ceux qui seraient "spécialistes" et les autres, qui n’auraient que le droit de se taire en écoutant religieusement les experts... Je ne vais pas dresser le portrait de Guillaume, le juriste qui a initié cette plainte, et donner en ligne son CV, il est tout à fait apte à vous éclairer à ce propos.

"Elle a été défendue avec insistance et le succès que nous savons par les groupes communistes au Parlement et reprise telle quelle. C’est de l’énergie, du temps et de l’argent gaspillés."

Vous faites également allusion à la proposition de loi constitutionnelle de M. Patrick BRAOUEZEC, défendue par le parti communiste et faites un amalgame avec la plainte qui n’a pas raison d’être, là encore nous ne parlons pas de la même chose.

Quant à "l’énergie, le temps et l’argent gaspillés" que vous évoquez et même si je m’étais promis de ne pas répondre aux banderilles lancées, je ne peux tout bonnement pas vous laisser prétendre quelque chose de radicalement faux. Si énergie et temps dépensé il y a eu (et nous espérons bien qu’il y en aura encore), permettez-moi de m’indigner contre votre allusion douteuse d’un argent qui aurait été gaspillé.

A ce jour, l’action a coûté, pour les requérants, les prix des timbres d’envoi de la requête et ceux de la confirmation de la requête, demandée par le Greffe de la CEDH. Les deniers engagés pour le moment pour financer l’avocat qui nous représente sortent de la bourse personnelle de Guillaume, notre juriste. Il est donc faux, injuste pour notre intégrité, voire diffamatoire de prétendre que nous aurions gaspillé l’argent des plaignants même si quelques uns d’entre eux ont eu la gentillesse de contribuer spontanément aux dépenses auxquelles nous faisons face depuis novembre pour faire vivre le site et trouver un avocat.

Sachez également que le financement des honoraires de l’avocat va se faire sur la base de la participation volontaire et qu’il en coûtera donc aux plaignant, ce qu’il pourront ou voudront bien donner.

"Il ne s’agit pas ici d’une question de modalité de vote mais de respect de la Constitution."

Là encore nos avis divergent... Votre assertion selon laquelle "la modalité de vote" ne serait pas la question me rappelle celle de Hollande qui disait en substance que le fait n’était pas de savoir comment allait être voté ce texte mais plutôt de savoir si l’on était pour ou contre l’Europe.

Ce texte, dont nous démontrons dans la requête qu’il est le même que celui rejeté par référendum en 2005, devait être soumis à un nouveau référendum. C’est également l’avis de la Commission de Venise, comme dit dans la requête :

Les circonstances dans lesquelles le traité modificatif a été adopté lors de la conférence intergouvernementale de Lisbonne du 13 décembre 2007 et ratifié par la république française constituent une violation de l’article 3 protocole n° 1 en ce qu’elles révèlent une volonté délibérée de contrarier la libre expression du peuple sur le choix des représentants au corps législatif.

Le choix par le président de la république de privilégier l’autorisation de ratification par voie parlementaire au détriment de la voie référendaire, en contradiction avec le principe de parallélisme des formes reconnu par le code de bonne conduite en matière référendaire de la Commission de Venise, révèle une volonté délibérée, et en concertation avec les autres chefs d’Etats et de gouvernement européen, de contrecarrer la libre expression du peuple dans le débat politique sur l’avenir de l’Union.

Les tenants de cette opération kamikaze souhaitent-ils faire respecter les droits constitutionnels ou mener un ultime baroud d’honneur couvert du sacrifice des participants ? A croire que, selon les bonnes habitudes, les cotisants ne sont pas éclairés sur leur droit de donner leur avis. Etrange quand on prétend défendre une cause nationale.

Il ne suffit pas de confier une affaire à des avocats experts dans l’art des procédures. Encore faut-il les instruire correctement des tenants et aboutissants du problème, autrement dit du fond de l’affaire."

Les tenants de cette opération, loin d’être kamikazes, le travail fournit jusqu’à présent plaide je l’espère en notre faveur, souhaitent tout bonnement faire respecter le droit légitime des citoyens à s’exprimer, par référendum, sur un texte important qu’ils ont déjà auparavant rejeté, par référendum !

Mais n’ayez aucune crainte, les plaignants -et non les cotisants puisque personne n’a cotisé à ce jour- sont éclairés de votre théorie puisque votre texte est sur nos forums depuis quelques jours déjà, justement pour qu’ils puissent, en toute connaissance, donner leurs avis.

A SUIVRE...