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Moi, petit bourgeois, pour le communisme

6 décembre 2008, 00:48

C’est un très beau texte et il m’a presque mis les larmes aux yeux. (Je le dis sérieusement mais en ce moment je suis sans doute rendue trop sensible par ce que nous vivons et d’ailleurs, j’ai de plus en plus de mal à écrire).

Cela fait plaisir de te lire à nouveau "pti nico".

C’est extrêmement dense, je ne suis pas sûre d’avoir tout compris, et il faudra que je relise ce texte mais...

...sur l’expérience de la petite bourgeoise (Môa, cette fois là :-)) c’est bien vu, je peux en attester ! Et ensuite il n’y a plus de marche arrière possible. Même si tu le voulais, c’est impossible, tu es déclassé A VIE.

Se définir comme étant prolétaire (je sais, je sais ... :-)) a un avantage - non, plusieurs, en fait.

D’abord il te permet de commencer à prendre conscience toi-même de la supercherie dans laquelle tu as vécu et qu’on a entretenue soigneusement (et en cela , un peu de méthode Couet, malgré tout ce que tu en dis -et tu n’as pas tort -ne nuit pas, car à force de te répéter tous les jours que "tu n’as que ta force de travail à vendre", tu finis par le comprendre, dans la mesure où cela est doublé d’une action quotidienne même minuscule, dirigée au début par un besoin de justice.)

Ensuite, cela te met en condition d’ouvrir les yeux sur "l’autre", ton collègue de bureau. Ses lâchetés, ses faiblesses, ses erreurs, ses motivations. Parce que tu as réalisé que, toi aussi, n’ayant que ta force de travail à vendre, tu étais à la merci des mêmes contradictions proprement humaines. Du coup, tu es aussi plus réceptif à ses beautés, ses qualités, ses atouts, son intelligence..."C’est pas de l’amour mais ça y ressemble" et sans cette conscience de faire partie du même "corps", tu ne peux rien faire de ton "idéalisme" à part de belles catastrophes qui aboutissent toujours à une seule conclusion : "je vais m’en occuper"...

(La direction, le pouvoir etc... peut être que c’est ce que tu avais essayé de me dire un jour au sujet des cadres qui voulaient en fait diriger, toujours...?)

Enfin, cela permet aussi à ces "autres" de ne plus te regarder tout à fait de la même manière, puisque tu acceptes d’afficher tes faiblesses et de te reconnaître d’une certaine manière "aussi médiocre" qu’eux.(c’est pas bien expliqué je ne sais pas si on comprendra ce que j’ai voulu dire) C à d que tu peux échapper à la tentation (naturelle) que peuvent avoir les "autres" de te "sanctifier", de te "sacraliser" : "toi forte et intelligente et cultivée - toi devenir notre chef".

Moi depuis que je suis au placard (dernier étage sans ascenseur avec le service courrier et dans un réduit occupé par les archives, en gros) paradoxalement, je me sens mieux et libérée. En fait, ils m’ont rendu un fier service les patrons. Ils ont achevé de me "dé-cadrifier", je les remercie - ils voulaient me punir, j’ai cru d’ailleurs à un moment que j’étais punie, mais non, grâce à eux je suis devenue une travailleuse comme "les autres". Du coup, j’imite georges marchais de mon clapier (le vendredi je gueule "Liliane, fais les valises, on s’en va !") et ça fait poiler les collègues qui partagent cet étage - on se détend.Du coup aussi, je fais des adhésions (mais chuuutttt).

Ça m’a définitivement guérie aussi de l’idée d’être un jour "chef". Bon j’avoue que ça n’a jamais été trop mon truc de toute façon.

Si je devais prendre une image, je dirais qu’aujourd’hui, toutes proportions gardées, je me vois plus comme une accoucheuse, ou une thérapeute...

Bref, ça c’est du "micro" pas du "macro" et quelque part on s’en fout. C’est vrai.

Qu’est ce qui pousse à suivre ce chemin, à aller dans cette voie "d’être avec la classe ouvrière" de vouloir construire ce que tu appelles "démocratie du travail" et moi plus "antiquement" "démocratie prolétarienne" ?

Je dirais, fondamentalement, le désir. Le désir de ne plus vivre ce que nous vivons. Le désir soutenu par la conscience et alimenté par la rêverie. Ah oui c’est très mal je sais c’est pas "dans la ligne"...

Entendons nous bien. J’ai pas envie de "faire le bien" de "mes prochains". Non - Lacan avait une bonne vanne sur ceux qui disent "ne vouloir que notre bien" - en gros ils disaient que "vouloir le bien d’autrui", c’était ce que professaient les voleurs :-) Donc je ne veux pas être une voleuse - d’abord ma mère m’a toujours dit que voler c’était mal. Et je suis d’accord avec elle figures toi !

Non. C’est pas ça. En fait c’est un désir très égoïste.

Je voudrais vivre dans un "autre monde" et que mes enfants voient autre chose que "ça" (je ne décris pas le "ça" que nous vivons en ce moment et que je pressens que nous allons vivre en bien pire, j’ai du me taper 3 vodkas tassées ce soir pour chasser un peu de mes pensées momentanément le "ça" justement alors bon...).

Parce que "ça" ne peut pas durer, on ne peut pas revivre éternellement sans arrêt les mêmes choses horribles.

Et je pense (oui je sais c’est hyper prétentieux mais bon)... je pense que cet autre monde, ça peut être le communisme (avec toutes les incertitudes et questions que tu as pu ouvrir dans ton texte et que je trouve en général très justes).

Mais pas comme ce qu’on m’en a présenté (et je ne fais pas seulement référence au stalinisme, ce serait trop facile parce que ça m’éviterait de me remettre en question justement !) C’est à dire pas comme quelque chose qu’on connaîtrait rationnellement, et hop y’aurait qu’à pousser un bouton et appliquer plus ou moins brillamment deux ou trois "préceptes".

Pas comme un Eden dont seuls quelques élus auraient les clefs et qu’il conviendrait qu’ils montrent "aux masses". J’en ai marre de l’élitisme, de l’aristocratie, quelle qu’elle soit d’où qu’elle vienne.

Ce monde dont je rêve aurait été construit par ceux là même qui aujourd’hui semblent ne pas le vouloir. Par nous ensemble.

Aucune volonté n’est à l’abri des dérapages. C’est ça le drame. c’est pour ça qu’il faut se battre pour écrire (ou peindre ou je ne sais quoi...) non pas un énième programme mais un projet politique (au sens noble du terme) et parce que c’est cela qui n’a pas été écrit, jamais, par "les communistes".

Bon voilà pour ce soir je m’arrête là.

Mais on y reviendra./

Mes salutations du soir,

La Louve