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Le Grand Marché Transatlantique voté par l’UMP, le PS, le MoDem, les Verts, et le Nouveau Centre.

26 avril 2009, 15:00

VOICI LE LIEN DU RÉSEAU VOLTAIRE QUI EN PARLAIT DÉJÀ LE 4 février 2009.

Et Politis le jeudi 25 mai 2006.

Vers un grand marché transatlantique

de BRUN Thierry

25 mai 2006

Economie : Le Parlement européen se prononcera fin mai sur une zone de libre-échange sans entrave entre les Etats-Unis et l’Union européenne. La décision a été prise sans consultation et avec l’étroite collaboration des multinationales américaines et européennes.

La mise en œuvre d’une zone de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union européenne est une affaire entendue et elle ne souffre aucune consultation. La commission du commerce international du Parlement européen a en effet voté le 20 avril, sans rencontrer d’opposition et avec le soutien des députés socialistes, un rapport (1) qui ne cache pas sa volonté de mettre en place rapidement cette ambition.

Des organisations comme la Coordination paysanne européenne (CPE), l’américaine National Family Farm Coalition (NFFC) et Food and Water Watch, une association américaine de consommateurs parente de Public Citizen, ont appris la nouvelle non sans s’inquiéter de l’accélération du calendrier dans un communiqué intitulé " Non à la zone de libre-échange Etats-Unis-Union européenne ". Car, fin mai, le Parlement européen se prononcera sur ce rapport présenté par la rapporteur socialiste Erika Mann (Allemagne).

La député européenne appelle de ses voeux un " marché transatlantique sans entraves pour 2015 « , cet objectif devant être atteint » dès 2010 en ce qui concerne les services financiers et les marchés de capitaux ". Elle y indique que lors du prochain sommet entre les Etats-Unis et l ?Union européenne, prévue en juin, il soit convenu d’actualiser le " nouvel agenda transatlantique de 1995 et le Partenariat économique transatlantique de 1998 « , pour mettre au point » un nouvel accord de partenariat transatlantique qui couvre les deux ".

Après une longue parenthèse, le projet de zone de libre-échange impulsé par les multinationales du Trans Atlantic Business Dialogue (TABD), une organisation regroupant la quintessence des entreprises multinationales européennes et américaines, verrait ainsi le jour dans les plus brefs délais. Dans le cas d ?une adoption du rapport par une majorité de députés européens, la porte serait en effet grande ouverte " à un processus accéléré ", préviennent plus d ?une vingtaine d ?organisations (2) qui ont dénoncé cette opération menée " dans la plus grande opacité, sans que les peuples ou les parlements nationaux aient leur mot à dire ".

Ce passage à la vitesse supérieure n’a rien d’anodin, explique René Louail, membre du bureau de la CPE : " Le fait que l’Organisation mondiale du commerce soit en panne dans les négociations actuelles du cycle de Doha, notamment sur les politiques agricoles, permet ce genre d ?initiative. Les accords bilatéraux de libre-échange sont un moyen de contourner les difficultés « . Le rapport d’Erika Mann préconise de suivre la voie d’un » partenariat économique transatlantique renforcé " dans une optique purement libérale qui exige de s’en remettre à l’OMC en cas de différends commerciaux, afin d’éviter le recours à des « mesures protectionnistes ».

" Les entraves réglementaires sont devenues l’un des obstacles les plus importants aux échanges et aux investissements entre l’UE et les Etats-Unis « et » les exigences [sont] excessivement lourdes en matière d’étiquetage ", explique-t-on aussi. La CPE se demande " ce qu’il adviendrait alors de l’interdiction dans l’Union européenne de l’hormone laitière et des hormones de croissance bovine. Les Européens se verraient-ils imposer des OGM non étiquetés ? C’est notre droit à choisir notre alimentation et ses méthodes de production qui seraient foulés du pied si un tel projet voyait le jour ". Le document a pourtant été approuvé à une écrasante majorité par plusieurs commissions du Parlement européen, consultées pour avis, et ne s’intéresse pas qu’à l’agriculture.

La zone de libre-échange se doit de " reconnaître le rôle important de l’énergie nucléaire pour la production d’énergie sans émission de carbone et poursuivre les recherches conjointes portant sur l’amélioration de cette technologie vitale ". Et pour ce qui concerne les marchés publics, le rapport " recommande qu’un inventaire complet de toutes les entraves d’ordre juridique, pratique et technique aux marchés publics transfrontaliers entre les deux partenaires et une liste des mesures à adopter pour y remédier soient formellement adoptés lors du sommet de 2006 « , c’est-à-dire dans quelques semaines. » La désagrégation de l’Union européenne dans une grande zone de libre-échange irait à l’opposé du souhait d’une majorité d’Européens d’une Europe sociale, basée sur des principes de solidarité ", s’inquiète les organisations opposées à la zone de libre-échange.

Ce souhait, exprimé notamment par les « non » au Traité constitutionnel européen en mai 2005, a peu de chance d’être écouté lors du prochain sommet transatlantique. Les dirigeants de multinationales du TABD sont à l ?origine du projet de partenariat économique transatlantique et le calendrier des négociations avance au rythme des propositions des multinationales membres de cette organisation qui a établi des liens étroits avec la Commission européenne (3). A tel point que les grands patrons présentent chaque année un rapport qu ?ils remettent en mains propres aux dirigeants politiques en marge des sommets transatlantiques. Ainsi, le rapport 2005 du TABD a inspiré en grande partie le rapport d’Erika Mann.

Si tout va bien, lors du prochain sommet, il ne restera plus qu’à valider un document fourni clé en main par des multinationales.

Notes

(1) Rapport final sur les relations économiques transatlantiques UE-Etats-Unis, commission du commerce international, Commission du commerce international.

(2) Les signataires français sont Action consommation, Attac France, la Confédération paysanne, la Fondation Copernic, Pour la république sociale (Jean-Luc Mélenchon), l’Union syndicale Solidaires, l’Urfig.

(3) Lire Europe, la trahison des élites, Raoul Marc Jennar, 2004.

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Un accord de longue date

Expédié en quelques heures, le sommet Etats-Unis-Union européenne de juin 2005 à Washington s’est achevé par l’adoption d’une série de propositions concoctées par le Trans Atlantic Business Dialogue (TABD), un groupe transatlantique de multinationales dont les recommandations sont suivies par la Commission européenne. La décision est prise quelques semaines après les « non » français et néerlandais au Traité constitutionnel européen et à la fameuse « concurrence libre et non faussée ». Un programme de travail commun est rapidement mis en place par l ?administration de George W. Bush et Bruxelles pour concrétiser une ambition qui remonte à avril 1998. Après l’échec de la signature d’un accord multilatéral sur l’investissement (AMI) au sein de l’OCDE, un New Transatlantic Market (NTM) est à l’époque mis sur la table des négociations par Leon Brittan, commissaire européen au commerce extérieur. Le projet est aussitôt menacé de veto par le Président Jacques Chirac et son Premier ministre, Lionel Jospin. Quelques semaines plus tard, en mai 1998, le NTM ressurgit sous le nom de Partenariat économique transatlantique (PET) et est adopté sans coup férir par Bill Clinton et Jacques Santer, président de la Commission européenne, au sommet du G8 à Birmingham. Le projet de PET fit l’objet d’une levée de bouclier du Parlement européen et des mouvements altermondialistes.

BRUN Thierry

* Paru dans « POLITIS » du jeudi 25 mai 2006.