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Lettre de Thierry Deronne à J.L.-Mélenchon sur Chavez et l’Iran

26 juin 2009, 23:02, par maxime vivas

Je connais bien Thierry Deronne qui a préfacé mon livre « La face cachée de reporters sans frontières. De la CIA aux Faucons du Pentagone » et je sais gré à Jean-Luc d’avoir été le seul homme politique qui a osé le promouvoir dans les médias, lesquelles avaient organisé une omerta terrible. Jean-Luc est allé, en direct sur Europe 1, jusqu’à enjoindre à Elkabbach de lire le livre.

Pour les besoins de l’écriture de ce livre et afin d’y rapporter des informations de première main sur le comportement de RSF et de ses deux correspondants au Venezuela pendant le putsch d’avril 2002 contre Chávez, j’ai passé 3 semaines à Caracas en mai 2007.

Cela a été possible grâce à Thierry Deronne qui a mis à ma disposition les moyens logistiques et des archives de Vive TV, une télévision communautaire dont il est un des principaux dirigeants. A cette occasion, Thierry m’a confié le bon souvenir qu’il avait gardé de la visite de Jean-Luc dans leurs locaux. Il faudra un jour raconter le travail admirable de Thierry au service de la liberté de la presse, grâce aux médias alternatifs qu’il a créés au Venezuela et qu’il aide à créer dans toute l’Amérique latine au nom du « droit citoyen d’informer et d’être informé ».

Il se trouve que, pendant que je travaillais là-bas à mon livre, une campagne médiatique mondiale a été déclenchée contre Hugo Chávez au prétexte banal du non renouvellement de contrat de la licence d’exploitation hertzienne d’une télé (RCTV) qui fut un acteur important du coup d’Etat d’avril 2002.

De mon bureau de Vive TV, j’ai correspondu avec Jean-Luc et d’autres hommes de bonne volonté, dont des députés européens du groupe GUE (où siège désormais Jean-Luc). Echanges de documents, rétablissements de la vérité, bref, allumage de contre-feux.

J’ai alors pu mesurer le travail courageux et à contre-courant de celui qui était alors sénateur membre du PS pour alerter ses collègues du parti socialiste et les députés européens socialistes.

Tous les députés socialistes européens s’apprêtaient alors à voter une résolution condamnant le gouvernement de Chávez pour ses atteintes à la liberté de la presse et pour la « fermeture d’une télévision d’opposition » (sic. RCTV émet toujours).

L’instigateur était Jean-Marie Cavada, député du Modem (passé à l’UMP depuis).

A mesure que les informations vraies parvenaient aux députés européens, le nombre de votants potentiels diminuait et la résolution initiale était réécrite en recul dans sa formulation.
Finalement, le 15 mai 2007, une alliance entre les partis de la droite européenne, PPE, ALDE, UEN avec l’ITS (groupe politique d’extrême droite, notamment de Jean-Marie et Marine Le Pen) a obtenu, contre l’avis de tous les autres partis, qu’une falote « Résolution du Parlement européen sur le Venezuela » soit inscrite à l’ordre du jour, pour un vote. C’est ainsi que, le 24 mai 2007, sur 785 députés que comptait le parlement européen, 65 seulement étaient présents. Le vote a été acquis par 43 voix contre 22.

On mesure avec cette anecdote la violence des attaques, la grosseur des mensonges que subit un pays qui revendique, ainsi que le disait de Gaulle « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».

On en déduira que la vivacité de ton de ceux qui, sur place, le défendent et qui y jouent leur peau (ce n’est pas une image) en cas de réussite des complots et des putschs ne doit pas forcément être lue comme une signe d’hostilité contre ceux qui avancent un avis mal compris à Caracas sur telle ou telle question de politique internationale.

J’ai de l’estime pour Thierry et pour Jean-Luc. Je vois tellement de convergences générales sur ce qu’ils pensent et qu’ils souhaitent qu’il me semble que les lecteurs de ce blog ne devraient pas les voir comme des adversaires. Regardons-les plutôt échanger des points de vue différents.

Une politique de la main tendue aux frères d’armes au-delà des frontières me paraît aussi utile que celle qui fut tentée en direction du NPA chez nous, et dans les deux cas contre un redoutable adversaire commun.

Je crois, sur le fond du désaccord ponctuel, que si Ahmadinejad et Moussavi sont tragiquement proches en ce qui concerne les libertés, les droits des femmes, la laïcité, etc., s’il n’y a pas lieu d’en aimer l’un plus que l’autre, il n’est pas indifférent de voir que le second ne fera pas progresser plus que l’autre les droits humains et la démocratie dans son pays, mais qu’il servira par contre les intérêts des USA. Pour cela, ce n’est pas tout à fait bonnet blanc et blanc bonnet. Je subodore aussi que les mois qui viennent nous renseigneront sur la « spontanéité » de la « révolution verte ».

Cela dit, Jean-Luc, Thierry et moi n’avons pas de raison de nous bloquer sur cette question, de même que la question bien plus grave du nucléaire ne doit pas être prétexte à une brouille entre les partis de la vraie gauche chez nous. Il n’est demandé à personne, à aucun parti d’être le clone de l’autre.

Je termine par des abrazos fraternals a todos, ce qui me distingue de Chávez qui prend volontiers congé par un « Dios te bendigo » (Que Dieu te bénisse), ce que je lui pardonne malgré une opinion radicalement différente sur le sujet.