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Guerre d’Algérie - Ce que me semblent cacher les critiques post-mortem à A. CAMUS

8 janvier 2010, 21:29

Or les communistes d’Algérie, malgré la
création d’un P.C.A. séparé lors du premier Congrès d’Alger le 4 juillet 1936, étaient encore
largement soumis aux directives de Paris, voire de Moscou. Le P.C.A. n’était autonome qu’en
apparence et Robert Deloche, envoyé de Paris comme conseillé était en fait la véritable autorité du
P.C.A. avec pour rôle d’appliquer les directives du P.C.F. L’E.N.A. de Messali Hadj se trouva ainsi
rapidement prise entre deux feux : interdite par le gouvernement Léon Blum au début de l’année
1937, elle allait dès mars 1937 s’incarner dans le Parti du Peuple Algérien (P.P.A.). Le mouvement
messaliste, devait en outre se heurter à l’hostilité des communistes. Le P.P.A. dont le slogan
proclamait "Ni assimilation, ni séparation mais émancipation", représentait une gène à la lutte contre
le fascisme. D’autant que les messalistes n’avaient pas apprécié le silence du P.C.A. devant la
dissolution de l’E.N.A. par un gouvernement de Front Populaire. Ainsi le ton allait monter entre
les deux parties. Des deux côtés, des tracts étaient distribués. Le P.P.A. se présentait aux élections
municipales de juin 1937 contre la liste communiste. Quant aux communistes, ils n’hésitaient pas à
dénoncer les messalistes aux autorités. Cette situation était intolérable pour Camus : il avait luim
ême recruté des militants pour l’E.N.A.31 et il les voyait désormais poursuivis, arrêtés, emprisonnés sous les applaudissements du Parti : "Ces militants arabes [étaient] devenus mes
camarades dont j’admirais la tenue et la loyauté (...)" . Quelques-uns vinrent le trouver et lui
demandèrent s’il "[laisserait] faire cette infamie sans rien dire (...)" : "Je me souviens encore, écrit-il à
Grenier, que je tremblais alors qu’on me parlait ; j’avais honte"32. Il faut remarquer que d’autres
dissensions ont contribuer à éloigner Camus du Parti. Sa gestion du Théâtre du Travail, avec un
programme finalement peu communisant fut remise en cause par des propos diffamants33. Dès
lors, l’attitude de Camus va paraître suspecte : il restait fidèle aux messalistes désormais considérés
comme fascistes. Il est accusé par Robert Deloche d’être trotskiste. La nouvelle ligne du Parti est
ouvertement discutée par Camus au sein de la cellule du Plateau-Saulière. Padula lui-même
s’aligne sur l’attitude de Camus. Finalement la dissidence de Camus fut portée à l’ordre du jour de
la cellule et seul Maurice Girard le soutint jusqu’au bout. Celui-ci rendit sa carte du Parti, mais
Camus préféra se laisser exclure (à l’automne 1937). Là s’arrête pour Albert Camus son expérience
de militant. Mais il est à souligner que si Camus émettait des réserves sur l’idéologie marxiste au
moment même où il songeait à adhérer, sa rupture avec le Parti n’est en rien idéologique mais
purement politique (voire politicienne) : c’est l’attitude des cadres du Parti et la nouvelle ligne
politique qui consommèrent la rupture. Aussi bien Camus respecte toujours le modèle soviétique
en 1938 : il fait remarquer à son ami Charles Poncet que "là-bas, au moins, ce n’est pas comme chez
nous où l’on fusille les lampistes. Là-bas, ce sont les généraux que l’on fusille"34. De même, il voit chez
les radicaux-socialistes (qu’il déteste), les responsables de l’échec du Front Populaire, bien que ce
soit le P.C.F. qui ait le premier retiré son soutien à Blum. Il garde cependant de son expérience une
farouche hostilité aux cadres du Parti et aux hommes politiques en général. La politique ellem
ême, telle qu’elle est pratiquée ne lui inspire qu’amertume. Il confie dans ses Carnets en août
1937 : "Chaque fois que j’entends un discours politique ou que je lis ceux qui nous dirigent, je suis effrayé
depuis des années de n’entendre rien qui rende un son humain. Ce sont toujours les mêmes mots qui disent
les mêmes mensonges". Puis, en décembre : "Ceux qui ont une grandeur en eux ne font pas de
politique"35.

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