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> Cesare Battisti : la Cour de cassation doit se prononcer sur l’extradition, ce mercredi

30 septembre 2004, 10:46

On ne peut pas dire que Perben et Berlusconi aient gagné, bien au contraire, d’abord parce que Perben a obéi à Chirac, or Chirac ces temps-ci ne paraît pas être gagnant avec l’Italie sur toutes sortes d’autres plans - par exemple l’Irak, les otages, et la politique française face aux Etats-Unis (qui sont les teneurs d’otage stratégiques de la France sur le terrain).

L’affaire des réfugiés Italiens hélas pour eux - ou tant mieux - est l’objet d’un chantage qui pourrait devenir soudain brutalement prescrit, à la lueur des rapports de force infra-européens face aux Etatas-Unis, quant à tout cet environnement des relations entre l’Italie et la France : ITER, les drônes, ou l’ingérence financière des capitaux patriarcaux français en italie, ou pas.

Il ne faut pas oublier que tout, actuellement, est présidé par l’attitude américaine et la capacité de certaines singularités à y réagir.

Hier Villepin a fait une déclaration formidable à New York contre "la guerre au terrorisme" - en expliquant pourquoi cela ne voulait rien dire, même si personne ne pouvait dénier le fléau terroriste, qu’il signifiait le combat de David et Goliath, du faible contre le puissant, et que pour le combattre il fallait commencer par en comprendre les causes dans le monde ; que c’était la seule façon de le combattre, surement pas de lui déclarer la guerre puisqu’il est sans visage, et qu’on ne peut déclarer la guerre qu’à ce que l’on sait identifier. Donc, la notion de terrorisme autant que celle des "fauteurs" de terrorisme associée au terme "guerre contre le terrorisme" est confuse et inappropriée.

[ je résume clairement ] toutes sortes de pratiques pouvant impliquer indifféremment pouvoirs ou peuples sous le terrorisme dans des objectifs diffférents, ce n’est donc pas une façon convenable d’envisager le problème que celui du monde faisant la guerre contre le terrorisme.
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Le choses bougent, évoluent en ce moment ; c’était certainement un coup de pouce à Kerry contre Bush en plus de la question de l’irak depuis qu’on y a repris pied avec une ambassade dans la région aujourd’hui sous le pouvoir abject de Negroponte...

Mais il ne faut pas oublier non plus le cadre éthique extrêmement cohérent de Villepin sur la question internationale, et que Chirac l’a donc laissé accomplir jusqu’au bout ce qu’il avait commencé il y a plus d’un an, à l’ONU, alors qu’il le renvoie non plus comme ministre des afaires étrangères mais comme ministre de l’intérieur à la commission mondiale sur la sécurité dans une même et cohérente position. Cela révèle un retour politique autonome de la France - mise à mal par son alliance circonstancielle avec l’OTAN pour ITER et dans son retour en Irak.

Je pense que Chirac en réalité, s’il reprend la barre politique internationale loin de l’ingérence mondiale en France, peut tout à fait se passer de répondre à un chantage pour assurer le triomphe de ses propres projets, au nom desquels les réfugiés ont été marchandés - et donc il pourrait s’en passer sans rien perdre de ce qu’il en avait gagné - ou l’ayant déjà perdu ?

On le trahit, on l’humilie (Berlusconi, Bush, Blair) il réplique aussitôt dans une pertinence sans un pli... alors souhaitons que dans ce ressaissement de l’autonomie du jugement devant le monde, il retrouvera aussi l’autonomie du jugement possible dans notre région et cela devrait-il rompre un marchandage récent pris avec ces partenaires ; même s’il y a risque pour lui, peut-être bien qu’il n’a déjà plus le choix ?

En tous cas, nous ne devons pas considérer quant à nous que la cause soit perdue, jamais, et quelle que soit cette nouvelle atttitude ne jamais nous reposer sur d’hypothétiques changements dans les menaces qui pèsent sur les réfugiés.

Mais il reste que les choses ont bien changé entre la vision "des dangereux terroristes" relayée par les "dangerreux criminels" sous laquelle les medias - tous confondus y compris les deux ou trois journaux prétenduement indépendants - avaient soutenu la demande d’extradition, et le sens profond du discours de Villepin hier à New-York, en ce qui concerne la légitimité d’une relaxe éventuelle sur la question de l’extradition par le pouvoir exécutif en France.

Reste à faire admettre localement l’indivisbilité politique des trois principes qui affecte le politique autant au pouvoir judiciaire qu’au legislatif et qu’à l’exécutif en France. Car je peux vous assurer, l’ayant entendu hier, que tout se joue sur une vision excluant au contraire le politique de tout ce qui ne viendrait pas du gouvernement. Ce qui est une conception parfaitement anti-républicaine et de la justice et de la séparation des pouvoirs en France.

Tous les décrets et amendements cités par l’accusateur hier, tendaient à mettre en relief la séparation technique des pouvoirs et l’irresponsabilité de la cour, puisque, a-t’il dit, où la cour casserait, la loi Perben de mars passerait outre, de toutes façons !

Alors à quoi sert la cour de cassation et la justice en France puisqu’elle n’a même plus le pouvoir de la cohérence de sa propre décision sinon celle du gouvernement ? C’est dire si cette séparation technique des pouvoirs marque la fin de la séparation des pouvoirs qui avait été renforcée par Guigou (il faut lui rendre hommage qu’elle ne fut pas le pire garde des sceaux que nous ayons connu - pour le reste je ne m’engage pas ou au contraire).

Un seul détail contestable, le seul d’après lui, ne ressortirait pas de cette chambre, resterait donc le conseil d’Etat... Voyez la dépêche de l’AFP qui le cite - je ne peux allonger davantage ce post qui a l’objet d’expliquer.

Mais on a bien entendu dans le descriptif de sa chronologie, comment tous les pas ont été franchis dans une représentation technique et la gestion directe de la justice par le pouvoir (loi circonstanciellement prise inclus) qui relève de la dépossession de l’éthique républicaine auprès de la justice, et a abusé la structure globale en plusieurs aspects du pacte de cohésion sociale (l’unité républicaine des trois principes) sous lequel le gouvernement et le président ont été élus et cooptés. Ceci dans un sens qui convient exactement aux nouvelles conceptions européennes, selon des modèles gestionnaires et utilitaires sans fonds symbolique.

Une chose est certaine, c’est que l’accusateur en cela fut très didactique (exactement : machiavélique, donc on peut se demander aussi s’il n’a pas voulu offrir un miroir de la réalité pour donner à comprendre qu’elle n’était pas respectueuse de la tradition républicaine) - et non strictement abusif comme celui de la cour d’appel la fois précédente ; ou plutôt, indiquant clairement où il y avait abus appuyé sur la cohérence du tissu des décrets et arrêtés et rituels du dossier édifiés par une nouvelle loi circonstancielle, qui prescrivait tout le dossier de la défense antérieur au dernier jugement, et en quoi la décision de la justice n’était plus respectable, dès lors qu’elle ne conviendrait pas à cette nouvelle loi de justice, si le ministre entendait persister.

Mais l’avocat partie de l’accusé, il faut le dire, avait fait un excellent exposé qui permettait ce dévoilement, pour peu qu’il y fut répondu par l’avocat général... ce qui eut lieu.

La décision est donc remise au 13 octobre ; mais on se demande comment en l’absence de Battisti elle pourrait donner lieu à l’exécution d’une décision d’extradition, pour une part, et pour l’autre, si oui, tout n’est pas fini ; il restera un autre recours.

Pendant ce temps le monde change et aussi les circonstances se renouvellent. Gardons toute notre confiance - pourvu qu’on ne cesse de l’instrumenter pour faire évoluer l’encombrement idéologique (y compris l’expertise technique) - attaché par les médias contre les réfugiés au fil des mois...

Nous ne sommes pas nous-mêmes des experts et ce n’est surement pas là que consistent nos propres ressources pour aider nos amis dans leur revendication légitime en France.

Reste qu’il faut que Cesare n’en devienne pas la seule victime, après avoir déclenché par son insoumission toute une série de questions sur le sens d’un tel entêtement du pouvoir français face au cadre légitime de s’insoumette , sous certaines règles éthiques : et il l’a fait. Et apparemment cela n’a pas accéléré l’instruction des autres dossiers de demande d’extradition qui étaient déjà annoncés, bien au contraire.

Pensons très fort à Cesare qui n’a nui à personne au contraire, qui a posé de fait personnellement et collectivement les bonnes questions à travers son insurrection individuelle sans arme à la main, mais aussi à un pouvoir qui ne veut pas perdre la face et donc qui pourra d’autant mieux sans s’atteindre rendre grâce aux réfugiés en revenant sur sa propre attitude, qu’il se sera retourné vers l’image de l’autonomie et de cette gloire retrouvée... Je pense que Villepin hier a peut-être donné un signe fort de la possibilité de tels changements.

A voir sans baisser les bras.

L.