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tailler des costards, sur www.campuslille.com

Publie le lundi 11 juin 2007 par Open-Publishing

CE MERCREDI 13 JUIN 2007
A 18H30
C’EST « L’HEURE DE L’METTRE »
Sur RADIO CAMPUS Lille 106,6
En direct et en archives sur : www.campuslille.com

On dit que l’habit ne fait pas le moine. Toutefois, ce qui distingue, disons, par hasard, le patron de l’ouvrier : c’est le costume. On remarque chez l’adhérent du MEDEF, une certaine classe… L’élégance des grands est d’autant plus ostentatoire que la mise des petits est modeste et même, laborieuse.

Cela ne serait rien, pur détail esthétique, si le costume du patron n’était le produit du travail des ouvriers. En effet, la vraie différence se situe là : l’élégance du patron, et même son assurance, le raffinement dont il fait preuve, ce côté chic dépendent strictement de l’humilité de l’accoutrement revêtu négligemment par l’ouvrier.

L’élégant, bien au fait de ce rapport social pour le moins gênant, parvient, au prix d’un effort relatif, à déguiser le rapport social en rapport de nature. Si les petites mains qui exécutent ses plans sont à ce point dépourvues de grâce, c’est qu’elles n’ont pas ce mérite qu’on trouve chez tout rentier qui se respecte. Dès lors, très vite, pour l’élégant, le costume revêt un prix plus élevé que ceux qui le produisent.

Pour s’offrir de plus jolis costumes, l’adhérent du MEDEF, qui place au cœur de son action l’abnégation comme vertu cardinale, s’affaire sans cesse, en quête d’un meilleur taux de profit et de dividendes plus élevés. C’est que le luxe, voyez-vous, ça se paie.

Pour réaliser ses rêves de dandy, qu’il a travestis en nécessité, l’élégant se heurte à un obstacle : malgré le manque de délicatesse proverbial de ses ouvriers, ceux-ci expriment des besoins, qui se matérialisent sous forme de salaires. Oh certes, d’abord, le patron sait bien qu’il ne peut s’agir là que de caprices… Mais rien n’y fait : son goût des belles choses se heurte inexorablement aux envies grossières et inélégantes de la force de travail.

Exaspéré par tant d’audace, le patron passe à l’action, l’actionnaire passe aux commandes. Pour réaliser les costumes qu’on verra fleurir dans les soirées mondaines l’été prochain, il est paraît-il, des terres oubliées donnant plus de profit que nos meilleurs ouvriers. Là-bas, en effet, le vulgaire porte encore les haillons du temps de nos mines et nos forges, et parfois, va nu-pieds. Ce qui, si l’on a suivi les mécanismes qui régissent la production de costumes en milieu civilisé, abaisse le coût de revient des marchandises. Qui sont les gagnants d’une telle opération ? Vous l’aurez compris, ce sont les valeurs de l’élégance.

Monsieur Bernard Arnault, dirigeant du premier groupe du luxe mondial, première fortune de France, est, comme de bien entendu, un homme fringant et coquet. C’est pourquoi il a décidé de priver de leur gagne-pain 147 salariées de Poix du Nord, celles-là mêmes qui produisent les costumes évoqués plus haut. Car ce n’est pas avec une fortune estimée à 15 petits milliards d’euros que Monsieur Arnault pourra renouveler décemment sa garde-robe.

N’ayant pu joindre ce monument du bon goût, à défaut, nous recevrons, dans nos studios, ce mercredi, des travailleuses de l’usine Ecce de Poix du Nord, dont Marie-Hélène BOURLARD, déléguée CGT de la boîte.

Il va de soi que ce n’est pas en lisant la « grande » presse que nous pourrions suivre cette lutte. Cette émission du 13 juin prochain doit beaucoup aux reportages parus dans Liberté hebdo, l’hebdomadaire régional ayant suivi régulièrement les développements de cette bagarre. Nous reviendrons sur tout cela et verrons quelles sont les perspectives pour les 147 travailleuses, face à l’Empire Arnault.

Ci-dessous une présentation du sujet (article de L’Humanité du 11 mai 2007) :

Les actionnaires d’ECCE ont hué les couturières

Textile . Hier lors du conseil d’administration de LVMH, les 147 salariées d’ECCE sont venus demander des comptes au numéro un mondial du luxe.

Dans une salle du sous-sol du Carrousel du Louvre hier matin, en plein coeur de Paris. D’un côté de la porte, ceux à qui LVMH vient d’offrir un lot de bouteilles de champagne Moët & Chandon. De l’autre, les 147 ouvrières de l’usine ECCE dont la fermeture est prévue fin novembre. Une porte, deux poids, deux mesures. « Notre vie ne doit pas avoir la même valeur », constate, écoeurée, la déléguée CGT Marie-Hélène Bourlard. Pendant que ses collègues donnaient de la voix devant la rangée de vigiles, cette ouvrière du Nord-Pas-de-Calais a réussi hier à franchir le pas de la porte et à s’immiscer dans les rangs du conseil d’administration des actionnaires de LVMH. Le temps de poser une question : « J’ai pris le micro, j’ai regardé Bernard Arnault dans les yeux, puis les actionnaires, et je leur ai demandé s’ils ne voulaient pas réduire d’un tout petit peu leurs dividendes pour éviter que 150 familles ne se retrouvent jetées à la rue. À la fin de ma question, l’assemblée m’a huée... »

En 2006, LVMH a une nouvelle fois affiché des résultats record et consolidé sa place de numéro un mondial du luxe. Et selon Bernard Arnault, LVMH aurait même « les moyens de rééditer ce qu’il a fait depuis cinq ans, c’est-à-dire doubler ses résultats dans les cinq prochaines années ». Or, fin janvier, le groupe textile ECCE annonce la fermeture de l’usine de Poix-du-Nord, le dernier site de fabrication en France de prêt-à-porter masculin. Raison invoquée par la direction ? Alors que l’usine travaille à « 95 % » pour Kenzo et Givenchy, deux enseignes de LVMH, le nouveau contrat de licence de fabrication signé à la mi-novembre entre ECCE et LVMH ne prévoit plus de « quantités françaises ». Concrètement, le groupe de Bernard Arnault envisage de délocaliser l’ensemble de la production en Europe de l’Est.

« Chez nous, fabriquer un costume revient à 100 euros, en Pologne c’est 30 euros, explique Ghislaine, depuis vingt-cinq ans chez ECCE. On est déjà payées moins de 1 000 euros, sans aucune prime et sans treizième mois. Si on travaille moins cher, on pourra plus se payer de logement. »

Pour l’instant, LVMH affirme « ne pas avoir imposé la délocalisation dans l’appel d’offres » et insiste : « Si ECCE considère qu’elle gagne en termes de coût de revient, c’est le choix de l’entreprise. » Une ligne de défense mise à mal par les termes de l’accord entre Kenzo et ECCE, que l’Humanité a réussi à se procurer. Noir sur blanc, il y est écrit que « le choix des sous-traitants sera effectué en tenant compte [...] du respect des prix de revient industriels cibles communiqués par Kenzo et du respect des impératifs marketing de Kenzo (ex : positionnement, prix, made in...) ». Enfin, quelques lignes plus bas, un résumé sans appel : « Kenzo validera préalablement et expressément les sous-traitants et l’affectation des fabrications chez ces sous-traitants. » Interrogé hier sur le sujet, Christian Sanchez, le directeur des affaires sociales de LVMH, a fait la sourde oreille. Après une courte entrevue avec une délégation des salariés, il a juste promis hier de « réfléchir » à la demande d’organiser une table ronde entre direction d’ECCE, direction de LVMH, syndicats et pouvoirs publics. « Des solutions existent pour garder notre emploi chez nous, il faut juste débloquer les volontés », a lancé Marie, « depuis trente et un ans à la retouche », en remontant dans le bus, direction Poix-du-Nord. « On reviendra sur Paris autant de fois que nécessaire. »

Christelle Chabaud