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14 octobre 2005 Qibya et Sharon : 50 ans plus tard L’anniversaire d’un massacre

Publie le jeudi 20 octobre 2005 par Open-Publishing

de Eric Ridenour

Le 14 octobre 2005 marque le 50ème anniversaire d’un massacre pratiquement oublié. Dans le village jordanien de Qibya, 69 civils ont été tués au cours d’une folie meurtrière de 6 heures, qui a presque totalement détruit une ville. Les attaquants ont fait explosé environ quarante maisons, une école, la station d’eau, le poste de police et le centre du téléphone (1), sans subir la moindre perte, Qibya n’étant pratiquement pas défendu.

Sur les 42 premières personnes découvertes après l’attaque, 38 étaient des femmes et des enfants. (2) Un seul homme avait perdu les 11 membres de sa famille. Décrivant cette scène, un observateur des Nations unies a indiqué que « les personnes criblées de balles dans l’embrasure des portes et les multiples impacts de balle sur les portes des maisons démolies indiquaient que leurs habitants avaient été coincés à l’intérieur jusqu’à ce que leurs maisons leur explosent dessus.

La condamnation fut rapide. Le Conseil de sécurité de l’ONU publie la résolution 101, condamnant spécifiquement l’attaque de Qibya. Le 16 octobre, le département des Etats-Unis fait une déclaration manifestant sa sympathie aux victimes et disant que les responsables « devront rendre des comptes ». Le « National Jewish Post », dans son éditorial du 30 octobre, écrit que « Qibya a été dans le fond un autre Lidice et nul Américain ayant vécu au temps de cet abominable nettoyage, par les Nazis, d’un village entier en oubliera toute l’horreur ». (3)

Le monde sait depuis des décennies qui est responsable de la tuerie de Qibya, et non seulement aucune action légale n’a été encore prise à son encontre, mais en plus, cela lui est rarement reproché. La personne à laquelle je me réfère, c’est l’actuel Premier ministre d’Israël, Ariel Sharon. En 1953, âgé de 25 ans, Sharon était le chef d’une force spéciale israélienne, appelée l’Unité 101. Elle devait, dans la nuit du 14 octobre, se venger du meurtre de trois Israéliens dans une colonie proche de Tel Aviv, deux jours plus tôt. Les ordres de Sharon étaient clairs « détruire et en tuer le maximum ». (4) L’Unité 101 fut envoyée à Qibya pour y tuer les civils.

Pourquoi Ariel Sharon n’a-t-il jamais été interpellé comme responsable de ce crime manifeste ? L’explication qu’il donne est qu’il pensait que tous les villageois avaient pris la fuite et que les maisons étaient complètement vides de leurs occupants au moment où ils les a fait exploser. Il a déclaré aussi qu’il ignorait jusqu’au lendemain que des civils avaient été tués. Cette excuse est particulièrement peu convaincante. Il est tout simplement inconcevable que 69 personnes puissent mourir de mort violente dans un silence absolu. En fait, le 26 octobre 1953, un article sur Qibya dans le Time Magazine déclare explicitement « Les cris de mourants pouvaient être entendus même au milieu des explosions’. L’explication de Sharon est encore plus démolie par les pathologistes jordaniens qui déclarent que « la plupart des tués l’ont été par balles et par des obus, plutôt que par les éboulements ou les explosions ». (4)

On ne sait pourquoi Qibya a d’abord été choisi par les Israéliens, et depuis, rien ne dit que ceux qui ont tué les trois Israéliens étaient de Qibya. Il y a eu une tentative pour localiser l’assassin en utilisant des limiers, mais la piste fut perdue un mile avant la frontière jordanienne près de la ville de Rantis. (5) Bien que le meurtrier venait presque certainement de Jordanie, cela ne pourrait justifier aucunement un choix au hasard d’un village jordanien, de le détruire et d’en tuer ses habitants.

D’autres ont essayé de justifier les actes de Sharon en mettant en avant le nombre d’Israéliens tués lors d’infiltrations depuis la frontière. Le site officiel du gouvernement israélien a déclaré qu’Israël avait eu 421 victimes par ces infiltrations depuis la Jordanie entre 1950 et octobre 1953. (6) Israël, cependant, a donné les chiffres de 89 morts et de 101 blessés comme information aux Nations unies en octobre 1953 (7). Comment ce nombre fut-il augmenté à 421 reste un autre mystère. Et même si le chiffre le plus élevé était le vrai, il ne pourrait jamais prouvé que l’homme venait de Qibya.

Malheureusement, l’acte de Qibya ne fut pas le seul d’Ariel Sharon avec beaucoup de civils tués. Près de 30 ans plus tard, en 1982, entre 800 et 3 000 civils furent tués au Sud Liban, dans les camps de réfugiés de Sabra et Shatilla. La commission israélienne chargée d’enquêter sur ce massacre a estimé « que le ministre de la Défense (Sharon) assumait la responsabilité personnelle du massacre et recommandé qu’il soit congédié s’il ne démissionnait pas. Il a refusé et il est devenu ministre de la Défense. (8)

Malgré qu’il fut l’artisan de ces horribles tragédies de Qibya, Sabra et Shatilla, Ariel Shron reste dans l’ensemble, étrangement immunisé contre les critiques de ces actes. Récemment, il a été familièrement appelé « le vieux guerrier corpulent » par le Washington Post et « homme de paix » par le Président Bush.

Pourquoi créer une Cour pénale internationale à la Hague si certains sont à l’abri des poursuites ? mais quand Ariel Sharon quittera ses fonctions, il devra en finalement rendre compte de son passé sordide.

La justice 50 années plus tard, c’est mieux que pas de justice du tout.

Notes
(1) - UN Security Council meeting 630 #19 and #21
(2) - Letter from the Envoy Extraordinary and Minister Plenipotentiary of Jordan to the UN Security Council on Oct 16, 1953
(3) - UN Security Council meeting 636 #143
(4) - Righteous Victims by Benny Morris, page 278
(5) - UN Security Council meeting 635, United Kingdom question #2
(6) - http://www.mfa.gov.il/mfa/go.asp?MF...
(7) - UN Security Council meeting 635, appendix 1
(8) - Righteous Victims by Benny Morris, page 548

Eric Ridenour
L’auteur vit en Georgie. Il est joignable à l’adresse : erickaoru@hotmail.com
Traduction : JPP

www.protection-palestine.org