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20/07/2001 - 20/07/2012 : Carlo Giuliani, la séquence photographique du meurtre

par Collectif Bellaciao

Publie le vendredi 20 juillet 2012 par Collectif Bellaciao - Open-Publishing
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L’EXECUTION
Gênes, piazza Alimonda. Il est 17 h 20 le 20/07/2001
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Une jeep des carabiniers reste coincée dans une ruelle étroite, entre le trottoir et un conteneur poubelle, et elle est entourée par un groupe de manifestants. La fenêtre arrière n’existe plus, parce qu’elle a été défoncée à coups de godillots par l’un des militaires présents à l’intérieur de la jeep pour ouvrir un passage permettant de frapper les manifestants : un extincteur est lancé contre ces derniers de l’intérieur de la jeep.

Derrière, sur la gauche, on peut voir deux carabiniers appelant des renforts que des images grand champ permettent de voir massivement présents à moins de 30 mètres de là. La version selon laquelle les manifestants auraient donné l’assaut à une jeep isolée est donc un mensonge.

Mais, inexplicablement, les hommes de la Celere [C.R.S., NdT] ne bougent pas, ils n’interviennent pas.

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Le carabinier à l’arrière braque son pistolet hors de la fenêtre arrière. Le jeune homme au sweat le voit. Au contraire, Carlo Giuliani (le jeune homme en débardeur et cagoule) ne s’en aperçoit pas parce qu’il est en train de regarder à terre, où il voit probablement l’extincteur qu’il est en passe de ramasser.

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Le jeune homme au sweat, effrayé à la vue de l’arme, essaye de courir loin de la jeep. Il semble que d’autres manifestants, au contraire, ne se soient pas aperçus du pistolet braqué.

Carlo Giuliani ramasse l’extincteur.

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Maintenant Carlo Giuliani a l’extincteur en main, face au visage du carabinier. Probablement, il ne s’est aperçu que maintenant qu’il était visé par un pistolet.

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Ce cadrage latéral permet d’évaluer les distances réelles de la scène, en révélant l’écrasement de la perspective des images prises avec le téléobjectif : au moment où Carlo soulève l’extincteur et que le coup qui le tue est en passe de partir, il se trouve à peu près à quatre mètres de la camionnette.

Cela veut dire que le carabinier à bord est en train de tirer – en visant délibérément la tête de Carlo – sans être particulièrement pressé par une agression rapprochée ou par une situation de risque immédiat pour lui-même.

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Le pistolet vise directement la tête de Carlo. C’est une exécution sans pitié.

Un fois visé, le carabinier tire deux coups, dont l’un touche le jeune homme : il entre sous la pommette gauche et sort par la nuque. Il est 17 h 27.

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Carlo tombe par terre, touché. Le recul du coup lui fait faire une embardée avant de tomber. A ce moment la jeep est encore coincée contre le trottoir.

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Le chauffeur fait marche arrière sur le corps de Carlo. Le carabinier qui a tiré se couvre le visage avec les mains.

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Le chauffeur engage la première : en passant la deuxième fois sur le corps de Carlo, la voiture avance de quelques mètres, où de nombreux renforts attendent. S’ils étaient si proches, pourquoi a-t-il fallu tirer ? Le carabinier à gauche met les mains sur son casque, en état de choc.

Maintenant celui qui a tiré est visible, il porte une de ces cagoules en dotation à mettre sous les masques à gaz.

Mais il n’a ni masque à gaz ni casque. Le chauffeur ne porte lui aussi qu’une cagoule.

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Carlo reste sans vie sur l’asphalte. Quelques manifestants se précipitent pour lui porter secours, en essayant d’éviter qu’il ne se vide de son sang.

Les forces de l’ordre interviennent maintenant en masse et par de violentes charges et en lançant des lacrymogènes elles empêchent quiconque de s’approcher de l’endroit où l’Etat vient de commettre un meurtre sans pitié.

Les affrontements autour du corps de Carlo continuent plusieurs heures. Entre temps, dans leurs premières déclarations, les forces de l’ordre nient la responsabilité de ce qu’il s’est passé.

Les images de la télévision montreront un policier poursuivant un manifestant en lui criant « tu l’as tué, avec une pierre », et voilà la folle version à laquelle les responsables des carabiniers et de la police essayeront de faire croire, avant que ces images-ci commencent à faire le tour des agences et rendent clair pour tous de quel côté se trouve la vérité.

Le personnel de l’Assistance Publique parvient à entrer dans le cercle que les forces de l’ordre ont érigé autour du corps de Carlo. Penchée sur lui, une infirmière désespérée se prend la tête dans les mains. Il n’y a plus rien à faire.

De l’analyse de cette séquence on s’aperçoit donc que :

  La soi-disant agression des manifestants contre la camionnette pouvait être dispersée par l’intervention des dizaines d’hommes (parfaitement équipés) présents à quelques mètres de distance.

Il ne s’est pas agi, comme on l’a fait croire pour justifier le recours extrême au pistolet, d’une offensive contre une jeep et deux militaires isolés.

  La situation de danger pour les carabiniers présents à l’intérieur de la jeep, due à l’absence de la vitre postérieure, a été déterminée par le choix absurde des militaires eux-mêmes de casser la fenêtre.

  Carlo s’est approché de la jeep les mains nues et il a ramassé l’extincteur après qu’il ait été lancé sur lui par le carabinier.
Sa réaction a été donc une réaction à un geste potentiellement meurtrier accompli par le militaire.

  Le choix d’avoir recours à l’arme de la part du carabinier a été absolument indépendant de sa préoccupation pour les conséquences possibles du geste de Carlo, puisque le militaire extrait le pistolet et le braque sur la foule bien avant que le jeune homme ramasse l’extincteur et le dirige vers la camionnette.

  Le carabinier avait tout le temps d’utiliser son arme d’une manière moins drastique, en essayant un coup en l’air ou – en hypothèse extrême – en visant des endroits non vitaux. Le militaire, au contraire, quand Carlo est encore à plusieurs mètres de la camionnette, choisit de viser la tête du jeune homme et tire deux coups.

Cher lecteur, maintenant tu es arrivé jusqu’ici, raisonne une seconde : tu es un carabinier et tu te trouves à l’intérieur d’une jeep fermée. Tu as des personnes turbulentes autour de toi, dont les mains sont nues. Que fais-tu ? Tu casses à coups de pieds la fenêtre, tu balances dehors un extincteur, tu extrais ton pistolet et le braques sur la foule et ensuite – quand un manifestant ramasse l’extincteur – même avant que celui-ci approche la jeep – tu vises sa tête (sa tête, bon Dieu) et tu tires. Et ils ont le courage d’appeler ça LEGITIME DEFENSE !!!

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« Il ont tué un garçon sur la place où je suis né »

Pour ne pas oublier Carlo Giuliani, assassiné par le régime italien le 20 juillet 2001.

Voila le témoignage oculaire d’un ami de Carlo :

J’étais Piazza Alimonda le 20 juillet à 17 h.

J’étais avec Carlo et quelques autres frères devant le véhicule des carabiniers apparemment « bloqués » entre un conteneur poubelle et on ne sait pas bien quoi.

Nous étions peu nombreux là devant, peut-être une douzaine, et notre attention n’était par vraiment dirigée vers le tout-terrain des carabiniers mais vers le peloton des policiers qui, masque à gaz sur le visage, lançaient des pierres et braquaient leurs fusils sur les manifestants.

Les secondes passaient instant après instant, photogramme après photogramme.

J’ai tout de suite été étonné du fait que cette jeep et ceux qui étaient restés derrière (j’ai bien claire l’image d’un carabinier qui a le temps de sortir et de rejoindre les autres) faisaient « des choses étranges » : bien avant que quelques camarades ne s’approchent des fenêtres du côté des manifestants, le carabinier à l’intérieur frappait à plusieurs reprises avec ses godillots la fenêtre postérieure en essayant de la rompre.

J’ai vu clairement le godillot du militaire défoncer la vitre postérieure de la jeep.

C’était justement ce geste inhabituel, apparemment incompréhensible, qui m’a fait instinctivement m’éloigner et courir sur le parvis de l’église.

Tandis que je courais vers le mur de l’église j’avais déjà la sensation de me protéger de quelque chose qui n’était ni des pierres ni des lacrymogènes.

Je venais à peine de rentrer de la tête du cortège désobéissant qui essayait de se défendre de la violence brutale et irrépressible des policiers qui chargeaient les gens par des blindés, des pierres et des lacrymogènes et j’avais déjà vu ces camionnettes des carabiniers qui reculaient en marche arrière, la porte ouverte et le pistolet braqué à hauteur d’homme vers la foule.

Quelques minutes auparavant j’avais déjà entendu ces sons « différents », ces tirs secs et précis qui se distinguaient des tirs des lacrymogènes. Mais je n’avais pas encore réalisé.

Quand je me suis retourné, dos au mur, vers la rue j’ai vu le corps qui gisait immobile à terre. Mon souffle et mon temps s’étaient arrêtés. Je me suis précipité sur le corps en hurlant en moi-même : « Ce n’est pas possible ! Pourquoi ??! Pourquoi ??! »

Je me suis arrêté un instant qui ne finissait jamais en regardant Carlo, après je me suis retourné vers ces assassins en uniforme qui indiquaient le corps avec leurs matraques et qui commençaient à courir vers nous en hurlant.

Je suis parti en courant, le visage en larmes, la mort dedans et ces tirs qui rebondissaient dans mes tympans.

J’au vu gicler du sang de sa tête et ce pouvait être la mienne.

J’ai vu un corps massacré par le plomb et ce pouvait être le mien.

J’ai vu un frère tomber… c’était un de mes frères !!!

Carlo était un de nous.
VERITE SUR LE MEURTRE DE CARLO.
VERITE SUR LES EVENEMENTS DE GÊNES.

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