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60 places d’hébergement-logement en Seine-Saint-Denis disparaissent

par Pierre Henry

Publie le mardi 28 février 2012 par Pierre Henry - Open-Publishing

Une décision ahurissante et dénuée de bon sens de la part des services de l’Etat

Fin janvier, face à l’immobilisme et au silence des services de l’Etat quant au devenir du dispositif d’hébergement-logement des réfugiés statutaires porté par France terre d’asile en Seine-Saint-Denis, nous avertissions l’ensemble des acteurs du département de la fermeture programmée de 60 places d’hébergement-logement faute de ressources financières suffisantes.

Au vu de la médiatisation de cette affaire et de la mobilisation des élus de Seine-Saint-Denis et du milieu associatif, le préfet, par une adroite pirouette, affirmait avoir donné son accord dans un courrier mystérieusement égaré dans ses services et nous « confirmait », donc, son accord de financement.

On aurait pu croire à cette histoire abracadabrantesque si seulement l’issue avait été positive… Cependant, un mois plus tard, après plusieurs rendez-vous fixés, reportés puis annulés, l’espoir de maintenir ce dispositif est totalement anéanti. Ces 60 places d’hébergement-logement vont définitivement disparaître dans les prochaines semaines car « la Seine-Saint-Denis ne répond plus » !

Les services de l’Etat auraient-ils perdu la raison ? Fermer un dispositif de qualité, opérationnel et reconnu depuis 2004, permettant d’héberger des personnes en difficulté à moins de 7,50 euros par jour et par personne n’est-il pas totalement dénué de bon sens ? Désormais, et faute de solution alternative, ces personnes seront orientées vers des dispositifs de droit commun beaucoup plus onéreux (30 euros par jour et par personne). Où est la logique ?

Cette décision ahurissante est le fruit d’un manque de coordination et un exemple typique de mauvaise gouvernance. Trois budgets opérationnels de programme (BOP 303-177-104) se partagent le financement de l’hébergement d’urgence et de l’asile. La répartition des compétences de chacun donne lieu à des controverses insensées et à des situations de non arbitrage : c’est ainsi que l’on en arrive à cette consternante décision. Tout le monde se dérobe, personne ne prend ses responsabilités.

Par ailleurs, le préfet de Seine-Saint-Denis refuse depuis plusieurs mois toute demande de prolongation de prise en charge des réfugiés statutaires en CADA. Ainsi, jusqu’à présent, les personnes bénéficiaires de la protection internationale entraient, après 3 mois en CADA, dans le dispositif des logements-relais afin de mettre en œuvre un projet de vie solide et pérenne.

Désormais, ces hommes, ces femmes et ces familles devront trouver un emploi et un logement en 3 mois, ce qui, en toute logique, reste quasi-impossible en Seine-Saint-Denis comme ailleurs… Au terme de ce court délai, ils se retrouveront au pire à la rue et au mieux dans des dispositifs d’urgence déjà saturés…

Or, selon l’article L.345-2-2 du Code d’action sociale et des familles (CASF), « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’urgence ». Compte-tenu du manque de places d’hébergement en Ile-de-France, seuls les plus chanceux y accèderont et pas tous les jours. Quel message la préfecture entend-elle faire passer en créant elle-même ces situations de précarité ?

Cette décision ne vient malheureusement que renforcer la tendance qui se dessine de plus en plus clairement aujourd’hui : prendre des décisions aussi insensées ne peut être que la preuve du mépris exprimé au plus haut niveau de l’Etat pour le travail des associations, et surtout pour les personnes auxquelles elles viennent en aide. Le coût du mépris et de la rupture de confiance est immense. A chacun d’en tirer les conséquences !

Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile