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A Joëlle Aubron et aux prisonniers d’Action directe
Publie le mardi 1er mars 2011 par Open-PublishingIl y a 5 ans décédait Joëlle Aubron, prisonnière d’Action directe en suspension de peine. En mémoire à notre camarade, un extrait d’une de ses déclarations. Et toujours le combat à mener pour la libération de Georges Cipriani et Jean-Marc Rouillan !

A votre sortie de prison, vous avez déclaré que vous alliez vous battre, d’abord contre votre maladie et, ensuite, pour obtenir la libération de vos camarades. On savait déjà que vous étiez une battante... Pourtant, il y en a qui pense que cela ne vaut pas le coup, que la société actuelle est comme ça, et qu’on ne peut changer l’état des choses...
[Joëlle Aubron] Comment faire passer le message qu’une des beautés de la vie est la créativité des hommes et des femmes se libérant et qu’un état des choses existant n’a rien de définitif ? Si j’avais la réponse à cette question, je n’aurais pas fait dix-sept ans de prison pour avoir essayé une des possibilités de changer la donne.
Je suis certaine d’une chose : cela en vaut la peine. Je ne vais pas énumérer ici les innombrables raisons qu’il y a à ne pas vouloir de ces sociétés fondées sur l’exploitation et l’oppression. Les raisons pour s’en libérer sont plus nombreuses encore. Je fais partie d’une histoire commencée bien avant celle d’AD, celle de la lutte des classes, celle de l’engagement pour libérer les exploités. Dans cette histoire, il y a eu des défaites et des reculs. Les exploités et les opprimés surent repartir à l’assaut du ciel. C’est une composante du discours de l’idéologie dominante que de faire croire à l’éternité de son pouvoir. Hitler n’avait-il pas promis un Reich de mille ans ?
Ainsi, de mon point de vue, ceux qui voient la société actuelle comme une fatalité adoptent, volontairement ou non, ce discours. Entre la période où je me suis politisée à la fin des années 1970 et aujourd’hui, il y eu, certes et entre autres, le rouleau compresseur de l’offensive bourgeoise face à laquelle nous et de nombreux autres avons été défaits. Néanmoins, comparées au début des années 1990, je trouve ces dernières années plus ouvertes. La décomposition idéologique, à la fois cause et effet de la défaite, est certes toujours à l’œuvre mais les besoins et les désirs de contrer les dégâts de cet ordre du Capital et ses horreurs impérialistes se font exigeants.
Nous serions ainsi sortis de ce fond du trou où l’existence d’exploités était niée au point de les transformer en pures victimes. Juste bonnes pour la charité, elles y perdraient leur qualité de sujet agissant. Le discours dominant continue, dans son ronron, à les présenter de ce point de vue. Il est de plus en plus flagrant comme tel, les yeux s’ouvrent et ce discours est de plus en plus celui du seul pouvoir. Tandis que sa brutalité éclate en guerres, pressurisation des travailleuses et travailleurs, dégâts sur l’environnement et autres destructions dévastatrices. Moins que jamais, ce n’est le moment de lâcher l’affaire. Nos ennemis ont " seulement " l’avantage de la raison du plus fort.
De notre côté, nous avons encore beaucoup de choses à reconstruire et à élaborer de nouveau. Aucune raison d’en avoir peur. Le rêve d’une société libérée des rapports de production capitalistes, de leur violence et de leur destructivité pour l’humanité est inscrit dans le quotidien de ces mêmes rapports, à la fois sous la forme de la nécessité de leur dépassement et contre les régressions dont ils sont porteurs.
Bien sûr, vous répondant aujourd’hui, c’est encore à partir de mon analyse de prisonnière. Je ne suis pas dehors depuis assez longtemps pour évaluer ce que valent dans la réalité des impressions de lecture. Je m’en tiens néanmoins à Gramsci, dirigeant communiste longuement emprisonné par le fascisme italien. Il disait la nécessité de maintenir l’équilibre entre le pessimisme de la raison et l’optimisme de la volonté.

INTERVIEW DE JOËLLE AUBRON, MILITANTE D’ACTION DIRECTE
EN " SUSPENSION DE PEINE POUR RAISONS DE SANTE "
" Il faut choisir : se reposer ou être libre "
(citation de grec ancien)
Interview réalisé par Ekaitza et Gara
source : http://ekaitza.free.fr/939/joelleau...