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A nouveau, la Palestine

Publie le lundi 19 septembre 2005 par Open-Publishing

de Marie Jo, IWPS

Hares, le 17 septembre 2005

Lorsque vous saisissez la main de quelqu’un qui se noie, vous ne pouvez plus la lâcher ! C’est comme cela que j’explique mes séjours réitérés, depuis 3 ans maintenant, en Palestine.

Depuis quelques jours, c’est chose faite, je suis retournée à Hares, dans le District de Salfit, au nord ouest de Ramallah, entre Jérusalem et Naplouse.

Je suis chez les "Femmes de Hares", telles que nous définissent les Palestiniens et nos partenaires israéliens et internationaux.

Mon association, c’est "the International Women’s Peace Service", le Service de Femmes Internationales pour la Paix.

Nous sommes une trentaine de volontaires à faire fonctionner l’association sans aide salariée et à passer 3 mois chaque année sur place. Près de 150 femmes sont inscrites pour venir nous aider par une présence de quelques semaines ou plus à Hares, en participant aux actions locales.

Nos buts s’inscrivent dans une démarche non violente de solidarité avec le Peuple Palestinien, de dénonciation de la colonisation de leurs terres et de leur enfermement par la construction du Mur, en lien avec les mouvements pacifistes palestiniens, israéliens et internationaux.

Arrivée à Jérusalem et en route vers Hares, un sentiment étrange m’occupe. Cela ressemble beaucoup à un retour de vacances lorsqu’on sait qu’à nouveau le travail va recommencer, que c’est la rentrée ! Impression mêlée car c’est aussi le plaisir de revoir ces paysages bibliques et ce peuple vivant, bavard et souriant malgré le drame quotidien de l’occupation.

L’arrivée à l’aéroport Ben Gourion, a été éprouvante. Mon nom est sur l’ordinateur de la police des frontières depuis qu’en février 2004 j’ai été contrôlée à un barrage militaire en Cisjordanie et mes séjours fréquents dans le pays ne peuvent que renforcer les soupçons quant à mes activités sur place. Je crois que cette fois-ci, je ne suis pas passée loin d’une remise dans l’avion suivant vers mon pays d’origine.

Jerusalem-Hares, c est la plongée dans le monde qui va être le mien pour les 3 prochains mois. A Jerusalem, à la porte de Damas, superbe avec les créneaux de sa muraille, ses escaliers majestueux et la foule sortant du quartier arabe de la vieille ville, la station de bus pour Qalandia est toute proche. Il est 16 h lorsque je m’y rends. Le trafic est intense, le bruit, les bus dans tous les sens, les appels, les femmes chargées de paquets, les enfants qui suivent tant bien que mal, les jeunes filles droites et fières dans leur manteau recouvrant les chevilles et le foulard malgré la chaleur... Je me replonge dans cette atmosphère si différente de mon univers.

Nous prenons une route que je ne connais pas. Le Mur qui va bientôt couper Jérusalem du reste de la Cisjordanie fait que la circulation automobile des Palestiniens est modifiée en permanence, un contrôle militaire venant parfois s’ajouter aux difficultés du trafic urbain.

Puis c’est Qalandia ! Comment décrire ce lieu ? Des taxis jaunes par dizaines, des bus, petits ou gros, des camions, des voitures individuelles, entremêlés dans une ronde sans fin, bruyante et polluante. La poussière, la chaleurŠ les marchands ambulants et les piétons, femmes, enfants, vieillards, hommes de tous ages.... les uns rejoignent le contrôle militaire qui mène à Ramallah, les autres cherchent le bon bus ou le taxi collectif qui les emmènera vers Naplouse, Tulkarem, Hebron... Qalandia est la plaque tournante de la Cisjordanie lorsqu’on est à Jérusalem.

A cet endroit, nous quittons les véhicules à plaque d’immatriculation jaune pour utiliser ceux munis de plaque verte. Nous entrons en Cisjordanie. Distinction qui, d’ailleurs, symbolise déjà la volonté des Autorités israéliennes de mettre Jérusalem à part puisque, par cet artifice, on en oublierait qu’être à Jérusalem Est, c’est déjà être en Territoire Palestinien !

Le Mur se construit. Il est maintenant bien présent de part et d’autre du carrefour, agrémenté d’une tour de guet qui domine toute la scène. Qu’en sera-t-il lorsqu’il n’y aura plus qu’une porte pour passer de l’autre côte ? Quels seront les critères qui feront que vous serez refoulé ou admis à franchir le passage ? Dans l’immédiat, je profite de ce reste de liberté.

La construction du Mur se fait à vitesse accélérée partout en Cisjordanie ce d’autant, qu’actuellement, les regards du Monde sont braqués sur Gaza ! Tout l’été, les Palestiniens ont vu les bulldozers niveler leurs terres pour la construction de cette barrière dite "de sécurité" mais aucun média pour relater la poursuite des confiscations et l’avancée des travaux. Et le Monde accepte de s’y tromper !

J’appréhende le moment où je ne serai plus qu’à quelques kilomètres de Hares car je sais que je vais voir la balafre sur la colline qui surplombe le village de Marda et qui va afficher la réalité du moment : le Mur est arrivé et progresse vers tous les villages que je connais.

C’est pour rattacher la colonie d’Ariel, 25 000 habitants, construite au dessus de Marda, que le Mur va pénétrer à près de 20 Km à l’intérieur de la Cisjordanie.

Et... s’étale ainsi, sous mes yeux, la ligne jaune des terres fraîchement travaillées. Ces derniers mois, j’ai lu sur mon ordinateur les narrations des femmes que je remplace : l’armée entrant la nuit dans le village de Marda car des jeunes ont lancé des pierres et l’arrestation d’adolescents à plusieurs reprises. Des manifestations aussi pour protester contre ces spoliations.

L’an dernier, je suis allée cueillir les olives à l’endroit même où, cette année, je découvre que la clôture va bientôt interdire tout passage, ne manquant pas, en même temps, de laisser une partie non négligeable des oliviers du côté de la colonie, autant de pertes pour les fermiers.

Je suis vraiment revenue maintenant. On me reconnaît, on me salue, on me remercie... La Palestine me reprend avec tout son désespoir mais aussi sa gentillesse, sa vitalité et sa volonté de ne pas baisser les bras.

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