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Accès restreint à l’avortement aux États-Unis : Pour le libre choix
par Samuel Beaudoin Guzzo
Publie le mardi 14 janvier 2014 par Samuel Beaudoin Guzzo - Open-PublishingL’auteur se dirige vers l’enseignement de la sociologie au niveau collégial. Il s’intéresse particulièrement aux divers enjeux auxquels sont confrontées les sociétés contemporaines notamment en ce qui a trait à la reconnaissance sociale, au dialogue culturel ainsi qu’aux conditions de la démocratie et de la justice sociale. On peut le suivre sur sa page Google+.
Dans l’article « Un nombre croissant d’États « hostiles » à l’avortement » publié dans le journal québécois La Presse du vendredi 10 janvier 2014, le journaliste Marc Thibodeau nous informe que selon le Guttmacher Institute qui est un centre d’études favorable au libre choix en matière d’avortement, dans la dernière année, il y a 22 États américains qui ont adopté un total de 70 mesures limitant l’accès à l’avortement ; celui-ci ayant été rendu légal par la Cour suprême en 1973 dans l’affaire « Roe contre Wade ». De plus, depuis 2011, 205 dispositions légales opposées à l’avortement ont été entérinées, ce qui s’inscrit dans une l’augmentation significative des États considérés hostiles à l’avortement par l’institut entre 2000 et 2013 ; le nombre étant passé de 13 à 27 États, ce qui représente un peu plus du double ! Par l’entremise des propos d’Elizabeth Nash, une analyste de l’organisation de recherches, Thibodeau mentionne que cette situation serait directement liée à l’entrée en fonction d’élus locaux du Tea Party en 2010 qui constituent la frange la plus conservatrice du Parti républicain. Notons également que selon Nash, les mesures contre l’avortement ne toucheraient pas seulement les femmes, mais également les centres fournissant ce service qui sont frappés de plus en plus de restrictions diverses rendant l’avortement difficile à réaliser.
Face à une telle situation, de nombreux enjeux sont soulevés et de multiples débats sont susceptibles d’être alimentés. À cet effet, les débats se révèlent souvent difficiles à trancher puisqu’ils mettent en jeu des acteurs dont les valeurs et les croyances diffèrent grandement, ce qui teintent leurs arguments, notamment dans le cas ici en question, au niveau de leur représentation des droits s’appliquant au fœtus. Ceci ne devrait cependant nous empêcher de mener ces débats puisque de tels processus de discussions collectives à l’intérieur desquelles chaque participant est de bonne foi et ouvert, sont à mon sens ce que signifie réellement la démocratie, le tout encadré par des institutions juridiques impartiales, c’est-à-dire non teintées par l’idéologie particulière des politiciens et orientées sur la protection de la liberté de chacun dans le cadre de la défense de l’intérêt commun.
À cet égard, un des importants débats à mener à propos de l’avortement repose sur la date limite pour le réaliser. Comme le souligne Nash, certains États américains comme le Texas tentent de réduire ce moment à 20 semaines de grossesse, mais la Cour suprême permet l’avortement jusqu’au point où le fœtus est viable hors du corps de la femme, c’est-à-dire entre 24 et 26 semaines. Notons cependant que comme on peut le lire sur le site http://naitreetgrandir.com/fr/ qui est un site de références sur le développement des enfants, à 24 semaines, qui se trouve à être 22 semaines après la fécondation, hors du corps, l’enfant aurait de grande difficulté à rester en vie ce qui implique qu’il aurait besoin de soins spécialisés importants. Sur ce point, je pense que l’avortement est envisageable jusqu’au moment où l’enfant est viable hors du corps de la mère. Au-delà de ce stade, l’enfant devrait être donné en adoption si la femme juge qu’une telle décision est souhaitable. Mon propos n’est en effet pas ici de défendre la liberté pure en matière d’avortement, mais donner une opportunité aux femmes de faire un choix, difficile moralement il va sans dire, qui au bout du compte ne concerne qu’elles-mêmes et pas les républicains du Tea Party. Ces derniers répondraient assurément que l’avortement ne concerne pas que la femme, mais plus fondamentalement la vie qu’elle porte dans son ventre. Un fœtus qui n’est pas viable sans sa mère a-t-il des droits ? Personnellement je ne le crois pas.
En conclusion, l’avortement est une réalité qui soulève un certain nombre de problématiques qui sont, selon moi, importantes à souligner, j’en évoquerai ici deux. Premièrement, si l’avortement est comme je l’ai mentionné précédemment, un choix qui devrait revenir à la femme, tout devrait être socialement et intimement mis en œuvre pour que les femmes évitent de se retrouver dans une telle situation qui a des impacts affectifs importants (prévention, éducation sexuelle autant pour les hommes que pour les femmes, contraception gratuite, réflexions personnelles et dialogues de couple, renforcement du soutien psychologique pré et post avortement,…). Dans cette perspective, je considère qu’il y a un problème d’ordre éthico-sociologique si l’avortement en vient à être considéré comme un moyen de contraception et non pas comme une mesure exceptionnelle permettant aux femmes, lorsque le bébé n’est pas viable hors de leur corps, de se faire avorter. Deuxièmement, n’est-il pas paradoxal de constater que les individus et les partis qui se battent le plus pour limiter l’accès à l’avortement aux États-Unis sont exactement les mêmes qui habituellement militent pour la peine de mort et pour le désengagement de l’État dans tous les domaines ainsi que pour les libertés individuelles sans borne. N’est-ce pas contradictoire que dans le cas de l’avortement ils soient prêts à aller jusqu’à décider à la place des femmes de manière paternaliste ce qui est juste de faire. Les femmes sont libres de décider pour elles-mêmes. Elles n’ont pas à être jugées ou à avoir honte de leur décision. Pour le libre-choix en matière d’avortement !