Accueil > Afrique du Sud : à Robertson, la solidarité internationale a payé !
Afrique du Sud : à Robertson, la solidarité internationale a payé !
par md
Publie le dimanche 27 novembre 2016 par md - Open-Publishing1 commentaire
Afrique du Sud : à Robertson, la solidarité internationale a payé !
À deux heures de route, dans la vallée du vin et des roses, les ouvriers de la cave viticole Robertson Winery (RW) sont en grève depuis pratiquement trois mois et mènent une lutte emblématique des conditions de travail des ouvriers dans les zones rurales.
Nous avons interviewé deux militants sud-africains : Mercia Andrews, membre de DLF, consacre son énergie à défendre les travailleurs agricoles, les droits des femmes et l’accès à la terre, et Deneco Dube, syndicaliste de CSAAWU, travaille à RW.
L’élément déclencheur de la grève est la faiblesse des salaires (200 € mensuel), mais c’est tout autant dû aux inégalités et aux discriminations à l’égard des noirs qui ne sont pas mieux traités que pendant l’apartheid.
À l’embauche les jeunes noirs sont soumis au détecteur de mensonge avant de les ghettoïser dans une unité de négociation tandis que les salariés blancs, eux, discutent directement avec la direction. Un mécanicien noir avec 15 ans d’expérience peut prétendre à un salaire d’environ 8 500 R (environ 550 €) alors qu’un mécanicien blanc sans expérience touchera plus du double avec une charge de travail moins importante. Seuls les ouvriers noirs doivent pointer, de plus à trois pointeuses successives, ce qui rajoute deux heures à leur temps de travail. Ils n’ont droit, en tout, qu’à 20 minutes de pause par jour, et là encore ils doivent pointer. Tout dépassement, ne serait-ce d’une seconde, est sanctionné par une retenue sur salaire.
Rien de cela n’est légal, mais le Ministère du travail ferme les yeux sur ces irrégularités que les entreprises ne cachent même pas dans leur audits annuels sur les inégalités qui montrent que les salariés noirs sont moins payés que les blancs, sans même parler des discriminations que subissent les femmes.
Face à un rapport de force très défavorable, les grévistes essaient d’élargir leurs soutiens que ce soit dans la société civile en Afrique du sud ou à l’international. Alors que le DLF est très impliqué et que les Red Brigades ont affiché leur soutien, rien de la part de l’ANC. CSAAWU essaie aussi d’élargir la lutte en amont dans les fermes qui fournissent le vin cru et en aval dans les circuits de distribution. Des collectes d’argent et de nourriture ont été organisées par d’autres syndicats ou des groupes comme les étudiants de l’université du Cap. Des syndicats scandinaves sont aussi impliqués particulièrement en Suède et Norvège où les vins de RW sont commercialisés. Les grévistes ont en effet décidé de réactiver un mode de lutte utilisé pour faire tomber l’apartheid, le boycott des produits de RW. Une page FB a été ouverte à cet effet.
Pour Deneco, dont c’est la deuxième grève après le soulèvement des ouvriers agricoles en 2012, l’aide internationale est essentielle car les grévistes ne pourront pas tenir indéfiniment sans paie, et le boycott est le meilleur moyen pour mettre la pression sur la direction. « Pour nous, le vin de RW est un vin de sang, c’est notre sang qui produit ce vin, et nous n’en tirons aucun profit, nous sommes payés comme des esclaves alors que le patronat s’enrichit de plus en plus. Boire ce vin aujourd’hui, c’est boire notre sang. »
Alors que les grévistes avaient accepté à la douzième semaine de grève la proposition patronale d’une hausse des bas salaires de 400 R, approximativement 12,5 %, la direction a refusé d’inclure une clause de « paix » par laquelle elle se serait engagée à ne pas procéder à des licenciements, les négociations sont interrompues. Il ne fait aucun doute que l’entreprise voulait par là casser la confiance des travailleurs et détruire leur syndicat.
Les travailleurs de Robertson ont refusé de céder à la peur et aux menaces et tenu bon. Et ils ont eu raison puisque ce sont les patrons qui ont finalement cédé :
– augmentation de salaire de 8% ou 400 R par mois selon ce qui est le plus avantageux
– effet rétroactif au 8 août 2016
– prime annuelle équivalente à un mois de salaire
– levée des sanctions sur les meneurs de la grève
Plus important pour les travailleurs, le gouvernement doit lancer une enquête sur les conditions esclavagistes des emplois. Après cette grève, rien ne sera plus comme avant dans les campagnes sud africaines et la grève Robertson sera pour tous les travailleur-e-s du secteur un exemple à suivre pour faire avancer leurs revendications. Remarquons aussi que la solidarité nationale et internationale par le boycott actif de Robertson ont aussi été déterminants.
Marc Ducassé et François Favre
http://www.npa32.fr/spip/spip.php?article2759
Messages
1. Afrique du Sud : à Robertson, la solidarité internationale a payé !, 27 novembre 2016, 20:49, par Cyclo 33
Oui, tout cela est super important. Sans la solidarité de classe et un militantisme dur, rien de possible !
Mais ne pas oublier en France le sort des intérimaires en usine, ignoblement exploités, comme le démontre le beau livre de François Thbaudeaux, "L’usine nuit et jour : journal d’un intérimaire", qui vient de paraître aux éditions Plein chant, à lire de toute urgence (12 euros seulement)...