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Agent Orange au Vietnam : arme chimique illégale

par André Bouny

Publie le samedi 7 septembre 2013 par André Bouny - Open-Publishing
2 commentaires

Tout d’abord, il est nécessaire de faire un effort mental
suffisamment grand pour consentir à ce qu’il y ait des armes légales. A la
suite de quoi, il faut accepter l’existence des lois et coutumes qui régissent
la guerre. Et même si cela est au-dessus de nos forces, ainsi sont les règles
de notre monde.

Une arme est illégale de deux manières : soit un
traité particulier l’interdit, soit elle viole les lois et coutumes existantes
qui régissent la guerre - on aperçoit ici la menace inhérente dans l’emploi du
terme « coutumes » qui désigne les us antécédents et, par conséquent,
tente d’endiguer un présent toujours enclin à violer les pratiques du passé.

Dans le cas où un traité interdit une arme, elle est
illégale pour les seuls pays qui l’ont signé et ratifié. Mais si cette arme est
illégale au regard d’une loi existante, elle devient illégale pour l’ensemble
des pays.

Les lois et coutumes existantes de la guerre comprennent
tous les traités qui régissent les interventions militaires et l’emploi des
armes ainsi que le Droit international coutumier. Ils constituent ainsi
l’essentiel du Droit international humanitaire. On peut citer les conventions
de La Haye de 1899, 1907, et 1954 ; Cconventions de Genève 1864, protocole
de Genève de 1925, 1926 embryon des quatre conventions de 1949, ensuite
viennent celles de 1951 et 1957, puis les deux protocoles additionnels de 1977
venus reconnaître les « progrès » techniques dévolus à l’armement
durant la guerre du Viêt-nam -que n’ont pas signé les USA - complétés par un
troisième protocole additionnel en 2005 ; convention sur les armes
biologique de 1972, dont le renforcement de novembre 2001 a échoué ; convention
sur les armes chimiques de 1993, etc., etc.

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A l’époque de la rédaction des textes sur l’interdiction
d’utiliser le poison comme arme de guerre, on ne connaissait pas les mots
« herbicides » et « défoliants » qui peuvent, comme l’Agent
Orange, contenir le pire des poisons. Les Grecs et les Romains de l’Antiquité
avaient pour coutume de s’interdire l’emploi du poison et des armes
empoisonnées. En Inde, cinq cent ans av. J.-C., les lois de Manu relatives au
droit de la guerre interdisaient l’emploi de telles armes. Mille ans plus tard,
les Sarrasins tiraient du Coran une conduite de la guerre prohibant
l’empoisonnement.

En 1943 et 1944,
les Etats-Unis d’Amérique avaient déjà étudié douze mille produits chimiques et
en avaient sélectionné sept mille comme possibles armes de guerre... D’ailleurs,
en 1945, un crime prémédité contre l’humanité est étudié en vue de détruire les
rizières autour des grandes villes du Japon. Ces produits chimiques étaient les
précurseurs des agents chimiques utilisés au Viêt-nam.

L’Agent Orange contenant du poison tombe sous le coup du protocole de Genève de 1925 que les USA n’ont pas signé. Curieusement, ils le
signeront le 10 avril 1975, comme s’il s’agissait d’une culpabilité envers le
forfait commis de fraîche date entre 1961 et 1971 au Viêt-nam. Certes, il ne
peut y avoir d’effet rétroactif de la loi. Mais l’Agent Orange tombe aussi sous
le coup de l’Article 23 de la convention (IV) de La Haye de 1907, qui
dit : « Outre les prohibitions établies par les conventions
spéciales, il est interdit : a) d’employer du poison ou des armes
empoisonnées
 » signée par les USA le 18/10/1907 et
ratifiée le 27/11/1909. Si les arcanes de la procédure actuelle en terre
américaine aboutissaient à l’impunité, le seul recourt contre l’utilisation de
l’Agent Orange au Viêt-nam pourrait bien être l’arsenal des textes et normes du droit international humanitaire.

Le droit international humanitaire dégage quatre
grandes règles en ce qui concerne les armes
 :

1) Les armes ne peuvent être utilisées que dans le
champ « légal » des combats, défini comme cibles militaires de
l’ennemi en guerre. Les armes ne doivent pas provoquer un effet négatif au-delà
de ce champ « légal » de bataille : c’est la règle
territoriale
.

2) Les armes ne peuvent être utilisées que pendant
la durée du conflit. Une arme qui est utilisée ou continue d’agir après la fin
de la guerre viole cette réglementation : c’est la règle temporelle.

3) Les armes ne doivent pas être excessivement
inhumaines. La Convention de La Haye de 1899 et de 1907 utilise les termes
« souffrances inutiles » et « blessures
superflues
 » : c’est la règle d’humanité.

4) Les armes ne doivent pas avoir un effet négatif
démesuré sur l’environnement naturel : c’est la règle environnementale.

L’Agent Orange viole ces quatre règles.

1 bis) L’Agent Orange est dispersé par voie aérienne
et n’atteint pas seulement le champ des cibles « légales » mais aussi
largement les lieux civils alentours et même les pays voisins avec
lesquels l’utilisateur n’est pas en guerre, sans oublier les infiltrations et
les ruissellements qui transportent les molécules sur d’autres surfaces de
terre, nappes, rivières, mers, et bouleversent les écosystèmes. Il ne peut pas
être limité aux champs de bataille « légaux » et viole la
règle territoriale
.

2 bis) L’Agent Orange reste dans les zones
d’épandages et de stockages ; ses molécules qui ont une vie durable et un
potentiel pathogène et tératogène agissent sur les anciens combattants comme
sur les civils bien après que la guerre soit terminée et même sur les enfants à
naître sur plusieurs générations sans que l’on sache quand cela prendra fin. Il
ne peut pas être extirpé quand la guerre est finie et continue d’agir après la
fin des hostilités et viole la règle temporelle.

3 bis) L’Agent Orange est inhumain à cause de la
façon dont il tue - cancers, maladies multiples, malformations génétiques,
absence des membres, bébés déformés et non viables, touchant des enfants qui
n’ont jamais été des cibles militaires et qui sont nés après la fin de la guerre.
Sa nature tératogène et l’atteinte possible du patrimoine génétique des
générations futures font qu’il est possible de considérer l’utilisation de
cette arme comme un génocide. Il est inhumain et viole la règle d’humanité.

4 bis) L’Agent Orange cause des dommages
considérables et irréversibles à l’environnement naturel comprenant la
disparition des forêts de différentes natures, la contamination des sols et de
l’eau, des terres agricoles dont l’exploitation sert à la subsistance des
populations civiles, bien au-delà de la durée de vie de ces populations. Le
nettoyage est une science inexacte, qui coûte très cher et dépasse les
capacités de financement d’un pays pauvre. L’Agent Orange est une arme qui ne
peut être utilisée sans causer des dommages excessifs à l’environnement naturel
puisque c’est le premier de ses buts, il viole la règle environnementale.

L’Agent Orange est donc bien une arme, une arme
chimique, une arme chimique illégale.

L’une des clauses les plus utiles du traité sur le droit humanitaire est la « clause Martens » de la convention de La Haye de
1907 qui est reprise dans les traités suivants concernant le droit humanitaire.
La clause Martens stipule que dans les situations où il n’existe pas de clause
spécifique dans un traité (ce qui est le cas pour l’Agent Orange) la communauté
internationale est néanmoins liée par « les règles de principes de
la loi des nations, issues des usages établis parmi les peuples civilisés, par
les lois humanitaires et ce que dicte la conscience publique.
 »

Selon le droit international, il existe un certain nombre
d’exigences pour remédier aux violations des conventions de Genève et autres
règles formant les lois et coutumes de la guerre. Une exigence minimum du
devoir de réparer l’utilisation d’armements illégaux c’est la compensation des
victimes. Cela peut comprendre les victimes civiles et militaires de guerre.
Pour remédier au maximum à l’utilisation de l’Agent Orange, c’est un devoir de
fournir tous les renseignements sur la fabrication de cette arme et de son
épandage. En ce qui concerne les dommages environnementaux, les utilisateurs de
l’Agent Orange sont obligés d’effectuer un nettoyage tangible des zones
contaminées. Quand des terres et des ressources en eau ne peuvent être
effectivement nettoyées, l’Etat qui a causé les dommages doit payer une
indemnité d’un montant égal à la perte d’exploitation des terres et ressources
du patrimoine national et du coût des poursuites juridiques. Le nettoyage
environnemental pourrait atteindre des chiffres prodigieux.

En plus de la responsabilité pour les dommages causés aux
victimes et à leur environnement, les utilisateurs de l’Agent Orange devraient
être sanctionnés légalement selon les clauses des lois humanitaires existantes.
Par exemple, la convention de Genève exige des Etats membres signataires qu’ils
aient des mécanismes légaux internes pour juger les personnes qui sont
soupçonnées d’avoir commis des violations sérieuses du droit humanitaire. De
plus, l’article 146 stipule que tous les Etats signataires ont le devoir de
rechercher les violateurs mis en cause et de les juger devant leurs propres
tribunaux quelle que soit leur nationalité. L’article 148 interdit à tout Etat
de s’absoudre lui-même ou d’absoudre un autre Etat de la responsabilité de
violations sérieuses. Les effets génocidaires sur les peuples bien après la fin
des hostilités constituent une autre base pour considérer l’utilisation de
l’Agent Orange comme un crime contre l’humanité.

De certains
extraits du rapport de Karen Parker sur les armements à l’uranium appauvri
transposés et développés à l’Agent Orange par André Bouny, père adoptif
d’enfants vietnamiens, président du « Comité International de
Soutien aux victimes vietnamiennes de l’Agent Orange et au procès de New York
 »
(CIS)

Portfolio

Messages

  • bonjour Monsieur André Bouny,

    Je vous remercie beaucoup pour ce précieux article, qui relate clairement et avec des précisions (scientifiques et juridiques) la crime contre humanité commise par l’armée américaine pendant la guerre au Vietnam. Pour beaucoup de gens il est évident que les américains devront s’assumer ses actes barbares, concrètement ils devront reconnaitre devant l’opinion publique leur fautes, ensuite ils devront venir en aide aux victimes vietnamiennes (des centaines de milliers) . Les sites de stockages de l’Agent Orange, depuis 40 ans ne sont pas nettoyés, le sol reste contaminé, les maladies graves augmentent de jour en jour. La souffrance indéfinissable des victimes et leurs familles reste marquée à jamais dans leur vie.
    Mais les gouvernements américains successifs font la sourde oreille ! pourquoi ? à mon avis ils ont peur devoir payer, peur de reconnaitre leurs crimes, peur des conséquences politiques et financières y concernant, ils préfèrent donner des leçons de la démocratie au monde entier pour masquer leurs responsabilité ! face à ce drame les autres gouvernements du reste du monde restent silencieux ! pourquoi ? à mon avis eux aussi ils ont peur de perdre leurs intérêts, et surtout ils ont peur à décevoir leurs amis américains !

    Mais nous les citoyens ordinaires ne restons sans rien faire ! et c’est pour cette raison notre association FaAOD/GES (www.faaod.fr) est en train de faire une campagne d’éveil de l’opinion publique face à ces atrocités causées par l’Agent Orange/Dioxine.

    Je vous remercie encore une fois très vivement de votre article, moi personnellement je vais suivre de près vos publications, qui vont m’aider certainement dans mon combat au sein de FaAOD/GES.

    Tran thi Hien.
    secrétaire chargée de la communication de FaAOD/GES