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Août 1944, août 2004... Soixante ans après un été à Calais, France
Publie le jeudi 19 août 2004 par Open-PublishingUn été 2004 à Calais, France
de Michel Guilloux
Syndicaliste, militant anti-OGM ou des droits de l’homme, citoyen en somme, le message est clair : silence dans les rangs sinon ce sera le bâton.
Casser le thermomètre n’a jamais empêché la fièvre. " Les réfugiés pour la Grande-Bretagne n’ont pas disparu à Calais. En revanche, ils se sont répandus sur toute la côte. À Ouistreham (Calvados), qui n’a pas de police de l’air et des frontières, à la différence d’autres ports d’embarquement pour la Grande-Bretagne, ce sont les CRS qui encerclent, sur la plage, les réfugiés. Ils sont cantonnés dans le sable, y ont fait des tranchées en guise d’égouts. Il est interdit à quiconque de s’approcher. Le Secours populaire s’est vu refuser l’accès pour leur donner à boire et à manger. " Ainsi se concluait le reportage de notre envoyée spéciale à Calais, le 8 novembre dernier. C’était un an après la fermeture du centre de la Croix-Rouge de Sangatte, annoncée avec force frais médiatiques tels qu’il les affectionne par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. Le temps passe et l’on constatera que rien n’a changé.
Au contraire, les mesures imaginées par le partisan du tout-sécuritaire s’appliquent à plein, épargnant largement trafiquants et patrons voyous, mais précarisant à outrance les demandeurs d’asile, étrangers dont la " situation irrégulière " est aggravée par ces mêmes textes et toutes celles et tous ceux qui, par souci élémentaire d’humanité, leur apportent aide, soutien et réconfort, simples citoyens et mouvement associatif et syndical.
Il est d’une ironie pour le moins grinçante de constater qu’au moment où le président de la République s’apprêtait à lancer de belles et fortes phrases sur l’apport des Africains et Maghrébins à la libération de la France, deux décrets étaient signés samedi 14 août, respectivement par les ministères des Affaires étrangères et de l’Intérieur. Une fois de plus, il s’agit d’alourdir le sort des demandeurs d’asile, de les criminaliser pour donner un coup d’accélérateur à la machine à expulser. Chacun sait pourtant que ces hommes et ces femmes n’ont pas d’" ici ", pris entre deux " là-bas ", leur patrie perdue et l’espoir révélé mirage de rivages accueillants à leur désespoir. La commission nationale consultative des droits de l’homme a pourtant critiqué ces nouvelles dispositions, en particulier sur le raccourcissement drastique des délais dont disposent les demandeurs pour faire examiner leurs dossiers. Leur adoption démontre, une fois de plus, ce qu’il en est de la " concertation " version Raffarin III. Et les associations d’aide aux réfugiés de dénoncer, encore une fois, les problèmes nouveaux qui ne manqueront pas de surgir, ajoutant au grippage de la machine judiciaire là où tout le monde s’accorde à penser qu’il faut revoir les procédures.
Autre concordance des dates, les faits sont têtus, la publication de ces deux décrets coïncide avec l’ouverture du procès de deux militants du collectif C-SUR devant le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-mer. D’un côté, ce gouvernement flatte la part la plus réactionnaire de l’électorat et de sa majorité, instrumentalisant à moindre frais les plus faibles parmi les étrangers. De l’autre, ce procès illustre la lame de fond d’une politique qui, à proportion de ses mauvais coups, prétend transformer tout opposant en délinquant. Syndicaliste, militant anti-OGM ou des droits de l’homme, citoyen en somme, le message est clair : silence dans les rangs sinon ce sera le bâton. Raison de plus pour résister et soutenir ceux qui, parce qu’ils ne courbent pas la tête, sont traités comme de vulgaires malfaiteurs.
Août 1944, août 2004... Soixante ans après on aimerait avec le poète savoir enfin, de nouveau, " ce que c’est qu’un ciel bleu ".