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« Apocalypse Staline » : un brûlot élégant et manichéen
par Vingtras
Publie le mercredi 4 novembre 2015 par Vingtras - Open-Publishing14 commentaires
Avec cette nouvelle déclinaison de son dispositif « Apocalypse », le couple Costelle vient, une fois encore, nous démontrer que le documentaire historique oscille toujours entre vérités et mensonges et qu’ainsi, il peut être un redoutable vecteur de propagande car il sait vulgariser avec talent, le credo des classes dirigeantes, la bien-pensance qu’elles distillent, et les idées reçues qui en découlent...
Car ce triptyque sur Staline, conçu comme une relecture de la deuxième guerre mondiale dominée par l’omniprésence du dictateur, est astucieusement ponctuée de flash-backs biographiques sur le séminariste géorgien qui se glisse progressivement dans la peau d’un malfrat révolutionnaire jusqu’à devenir le maître du monde en se faisant passer pour l’unique héritier de Lénine : c’est ainsi que fonctionne le deuxième volet de l’œuvre, la première partie étant assez confuse et la dernière sombrant, hélas, dans le pamphlet anti-communiste, comme aux plus beaux temps de "Paix et liberté", l’officine factieuse de Jean-Paul David.
Mais il faut bien reconnaître que ce téléfilm est le résultat d’un travail colossal, validé par un choix pertinent des archives mariées avec des extraits de films de fiction (Youtkevitch, Romm) et qu’il est le fruit d’un montage virtuose (Isabelle Clarke).
Alors pourquoi venir critiquer une telle somme de travail, une telle démonstration de talents ?
Tout d’abord, parce que le documentaire historique digne de ce nom, n’est pas un simple album d’images plus ou moins bien commentées par un texte conformiste ou racoleur - le poids des mots, le choc des photos - , il doit induire la réflexion et la critique sinon il n’est qu’un spectacle. Et l’Histoire ne se donne pas en spectacle. C’est notre héritage collectif, le passé de notre famille.
Ensuite, il doit obligatoirement comporter une distance par rapport aux événements et ne pas procéder par amalgames.
Car que reste-t-il finalement de cette opération « Apocalypse Staline » ? Quelle est sa capacité de nuisance ou d’enfumage ?
Staline = Hitler = dictateurs sanglants // Communisme = nazisme = horreur absolue. (Sans oublier au passage Robespierre et Sa Terreur afin que nous nous sentions concernés !).
Donc, TINA (There Is No Alternative) : il n’y a pas d’autre alternative que le bienfaisant capitalisme.
NB / il est bien regrettable que la télévision de service public utilise le savoir-faire professionnel d’un de ses pionniers (Costelle) pour persister à être le rouleau compresseur de l’idéologie des classes dominantes.
Vingtras
https://blogs.mediapart.fr/blog/vingtras/041115/apocalypse-staline-un-brulot-elegant-et-manicheen
Vingtras est le pseudo utilisé par Jean Chérasse sur Médiapart
Qui est Jean Chérasse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Ch%C3%A9rasse
Messages
1. « Apocalypse Staline » : un brûlot élégant et manichéen, 4 novembre 2015, 13:11, par NOCTURNE
Beaucoup de vérités qui font mal au communiste que je suis.
Et pas mal d’anti communismes viscéral qui me fortifient dans mon analyse de la vie , de la société et de l’histoire du monde.
2. « Apocalypse Staline » : un brûlot élégant et manichéen, 4 novembre 2015, 13:48
Je suis toujours scandalisé par l’ignorance-crasse... Lorsqu’on parle de l’URSS sans avoir lu les textes de Iouri Alexandrovitch LEVADA (quasiment pas traduits en français) on s’expose au risque de ne raconter que des fadaises superficielles et manichéennes...
1. « Apocalypse Staline » : un brûlot élégant et manichéen, 4 novembre 2015, 15:21
Pour ceux qui veulent mieux s’informer :
https://wsws.org/fr/articles/2014/sep2014/dnor-s05.shtml
3. « Apocalypse Staline » : un brûlot élégant et manichéen, 4 novembre 2015, 14:44, par gigi_10
Je suis d’accord avec ce point de vue.
A mon sens, les allez-retours entre la guerre de URSS-Nazi et l’arrivée du bolchévisme de 17 n’ont en fait comme but que de laisser à entendre que la révolution d’octobre a en fait engendré la guerre qui viendra en 40 ?
– C’est un point de vue
Pas la peine de soulever les manques, il y en a, simplement, si ce film est là pour passer un message dans ce sens, alors on ne s’encombre pas des à cotés.
1. « Apocalypse Staline » : un brûlot élégant et manichéen, 4 novembre 2015, 18:33, par J.
De l’histoire vue d’en haut et vue de loin, avec ce brin de scandale qui sied si bien à la presse du même nom.
Normal sur la chaîne soeur de TF1. On se demande pourquoi il y a eu la Révolution dans ce pays où la famille princière qui possédait un fief dans la région de Saint Petersbourg disposait de 200 000 serfs.
Rappel : un serf, jusqu’en 1917, c’était un esclave féodal qui appartenait à son noble maître.
Pas étonnant que les révolutionnaires russes se soient inspirés de notre Révolution plus de cent ans après.
Pas étonnant qu’on nous la serve comme repoussoir.
Quant aux documentaristes et commentateur, ce sont de bons professionnels, point. Ils sont bien à leur place avec un tel récit. dans cette télé poubelle.
J’oubliais, je leur passerai s’ils le désirent ce numéro de "L’illustration" en 1917 avec en couverture ces sauvages de femmes russes combattantes en uniforme "tueuses d’enfants nouveaux nés" ; parce que le Peuple russe avec les soviets et Lénine avaient décidé de se retirer de l’affrontement inter-impérialiste de 14-18.
A ce propos, j’attends un documentaire sur la mutinerie des Marins de la Mer Noire et des exactions de la France démocratique de l’époque dans les colonies.
4. « Apocalypse Staline » : un brûlot élégant et manichéen, 4 novembre 2015, 18:34
Je n’ai pas regardé car...
Dans mon journal télé, j’ai lu ça (texte du journal, ou bien reprise de la présentation des producteurs ?) :
Mettre dans le même sac le révolutionnaire et le fossoyeur de la révolution, tout est dit sur le sérieux du point de vue...
Oc
5. « Apocalypse Staline » : un brûlot élégant et manichéen, 4 novembre 2015, 19:09
Beaucoup de vérités, mais aussi pas mal de contre vérités parfois par omission :
1-Jamais Staline n’a envisagé d’attaquer l’Allemagne, ce qui aurait été politiquement suicidaire.
2- Qu’est-ce que la NEP ? que le "socialisme dans un seul pays" ? l’articulation entre les deux ? sans doute pour épisode 4...
3- Les nazis n’ont jamais occupé totalement Stalingrad ! Rôle des troupes d’extrême Orient dans la bataille de Moscou....
4-évidemment les mensonges habituels sur le pacte d’août 39
5- silence sur l’apport français à l’effort de guerre nazi (matériel militaire, Industrie, agriculture + 2 millions de prisonniers etc....)
En fait, selon la famille Costelle, la personnalité de Staline explique tout, pieds palmés, bras tordu, démarche hésitante, visage vérolé etc...etc et en plus il était inintelligent.
A cette cadence l’histoire de la période, hors l’individu Staline, est renvoyée à plus tard
1. « Apocalypse Staline » : un brûlot élégant et manichéen, 4 novembre 2015, 21:16, par 4599874
D’accord avec vous sur les premiers point .Pour ce qui est de la personnalité ,et les pathologies de Staline, il faut tout de même savoir que cela a arrangé tout le monde.Y compris les communistes qui ont préféré lui faire porter toute la responsabilité plutôt que de se poser des questions sur la réalité du régime .Cet aveuglement a conduit ,semble t-il ,le pays à la fin que nous connaissons.
2. « Apocalypse Staline » : un brûlot élégant et manichéen, 5 novembre 2015, 10:20
Le pire c’est qu’à partir du moment où on se limite aux responsabilités du chef, on s’exonère des conditions du moment et des choix économiques, donc politiques qui ont conduit à l’intronisation du dictateur Staline, aussi bien qu’à la victoire de 45 ou au désastre final.
60 ans plus tard, c’est donc, encore, la démarche, purement politicienne, de Kroutchev qui prévaut, aussi bien chez les Costelle que chez ceux qui croient avoir fait le tour du pb en désignant de manière péremptoire le mal dans le "déficit démocratique" ou la "dictature du prolétariat". Comme si les politiques économiques que chacun s’accorde à placer en première ligne chaque fois qu’on parle d’un pays bourgeois, deviendraient secondaires quand il est question de l’URSS.
6. « Apocalypse Staline » : un brûlot élégant et manichéen, 4 novembre 2015, 20:04, par JO
Bien sûr pas un mot sur le fascisme enfant chéri du capitalisme en crise ! La peur du Peuple fait que le capitalisme engendre le fascisme une de ses bottes secrètes pour se pérenniser ! Parce que non seulement cette dictature ne touche pas d’un yota au Pouvoir économique mais au contraire elle l’aggrave en privant le Peuple du peu de démocratie qu’il concède tant qu’elle de lui nuit pas !D’ailleurs la bourgeoisie aime la Révolution que ne contrôle pas le Peuple car c’est pour elle une bouée de secours pour mieux la torpiller et la renverser ! Ne pas oublier que même perdant le pouvoir politique la bourgeoisie s’accroche à son pouvoir économique tant qu’il lui en reste ! Sabotage et corruption , pour cela de l’argent elle en "à gogo" si elle n’en a pas pour sauver les travailleurs de l’exclusion et de conditions de vie misérables ! Argent généreusement distribué et atteindre son but suprême , récupérer ses pouvoirs coûte que coûte et quoi qu’il lui en coûte !
1. « Apocalypse Staline » : un brûlot élégant et manichéen, 5 novembre 2015, 09:12, par NOCTURNE
La nocivité du capitalisme et son enfant chéri le fascisme, ne doit pas nous faire oublier
que la MAGNIFIQUE REVOLUTION D’OCTOBRE a été devoyé par la lâcheté des communistes russes de l’époque ,et pas seulement.
De façon collective nous n’avons pas fini de réfléchir sur cette époque que nous payons
actuellement.
Combattons avec acharnement le capitalisme , mais plus jamais pour ça
Salutations communiste
2. « Apocalypse Staline » : un brûlot élégant et manichéen, 5 novembre 2015, 13:26
où se situe la lâcheté ? je ne comprends pas bien.
La lâcheté fut plus certainement celle de la social-démocratie européenne (allemande notamment) qui s’est retournée contre la révolution russe dès le départ et a réprimé dans le sang la révolution spartakiste.
Les communistes russes et le prolétariat russe ont eux combattu héroïquement.
L’isolement de la révolution russe dans les premières années est sa tragédie.
C’est aussi la clé de son "involution" jusqu’à la contre-révolution politique opérée par Staline.
Pour Lénine sans l’apport d’une révolution communiste en Europe à moyen terme, la situation de la Russie révolutionnaire, si elle n’était pas complétement compromise, s’avérait extrêmement problématique.
En tout cas jamais la construction du "socialisme dans un seul pays" n’avait été sérieusement envisagé. Radek disait en plaisantant : "et pourquoi pas le socialisme dans une seule rue".
La modernisation (industrialisation et réforme agraire) du pays (à petit pas) dirigée par un parti communiste et un état ouvrier crée nécessairement une situation ambigüe. Ce que ne cachait pas Lénine.
Puisque théoriquement la Révolution communiste devait se déclarer dans un pays capitaliste déjà industrialisé et moderne.
Faire le travail historique de la bourgeoisie c’est ce à quoi les communistes n’étaient pas préparé !
Le concept de "Révolution double",c’est-à-dire d’une révolution à la fois bourgeoise et prolétarienne, employé déjà à l’époque permet de mieux cerner le problème. . Bourgeoise parce qu’anti-féodale et prolétarienne parce que menée par la classe ouvrière et le parti communiste.
Comme disait Lénine c’est une situation nouvelle. Jamais envisagée même par Marx.
La classe ouvrière entreprend l’industrialisation et la réforme agraire du pays.
D’un point de vue marxiste la révolution russe ne peut être qu’une révolution "impure". Ce qui éclaire les terribles contradictions dans lesquelles les révolutionnaires devaient se débattre.
Lénine était capable d’analyser objectivement la situation. Et ses critiques sont souvent extrêmement dures à l’égard des communistes ou des bureaucrates infiltrés dans l’état. Ses discours de vérité sont toujours éloignés de tout triomphalisme, d’esprit de fanfaronnades qui feront flores sous le Stalinisme.
Ce qui importait le plus à Lénine c’est que cette (maudite (!) mais nécessaire industrialisation du pays se fasse sans que le prolétariat en paye le prix fort comme cela avait été le cas dans les pays bourgeois.
Staline n’a pas résolut ce problème. Au contraire, en liquidant la vieille garde bolchevique, en faisant de l’international communiste un prolongement de l’état russe et en la vidant de son contenu internationaliste, en s’engageant dans une industrialisation et une réforme agraire à marche forcée il a tourné le dos à la politique de Lénine.
La contre révolution politique de Staline en Russie ouvre une nouvelle période qui tourne le dos à la révolution communiste mondiale. De plus, le prolétariat russe paiera durement dans sa chair ce changement de cap et cette course démentielle vers le "progrès".
3. « Apocalypse Staline » : un brûlot élégant et manichéen, 6 novembre 2015, 10:44, par JO
CQFD. Nocturne ? Ce que je crois : le Suffrage Universel doit servir entre les mains du Peuple et pas pour une fausse image qu’en donne la bourgeoisie ! Ce faisant , démocratie participative régie par la loi, doit en assurer le contrôle du Peuple. Pas d’avancée, pas de réformes fondamentales vers le Socialisme sans l’assentiment majoritaire ! C’est une idée dans le réalisme, mais j’en vois vraiment pas d’autres. Toujours pour faire avancer le schmilblik de notre idéal !
7. « Apocalypse Staline » : un brûlot élégant et manichéen, 6 novembre 2015, 11:22, par arnold
« Les sources de la série ‘Apocalypse Staline’ sur France 2 », par Annie Lacroix-Riz :
https://brunoadrie.wordpress.com/2015/11/05/les-sources-de-la-serie-apocalypse-staline-sur-france-2-par-annie-lacroix-riz/