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Arbitrage : Tapie reconnaît avoir assisté à une réunion à l’Elysée

Publie le jeudi 13 juin 2013 par Open-Publishing

Bernard Tapie juge tout à fait légitime d’avoir été présent à l’été 2007 à une réunion à l’Elysée avec «  toute la chaîne de commandement  » concernée

C’est comme un feuilleton sans fin. L’affaire Tapie a connu un énième rebondissement jeudi : mis en examen pour «  escroquerie en bande organisée  » dans le cadre de l’enquête sur l’arbitrage du litige qui a opposé Bernard Tapie au Crédit Lyonnais jusqu’en 2008, Stéphane Richard, PDG d’Orange et ex-directeur de cabinet de Christine Lagarde lorsqu’elle était ministre de l’Economie (elle a occupé ce poste de 2007 à 2011), a expliqué, durant sa garde à vue de 48 heures, avoir été «  convoqué  » à une réunion à l’Elysée par le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, le 24 ou 25 juillet 2007, a indiqué à l’AFP une source proche de l’enquête.

Jean-François Rocchi , président du Consortium de réalisation (CDR, chargé de liquider le passif du Crédit lyonnais), également mis en examen, avait reçu le même convocation à cette réunion, dont l’objet n’avait pas été précisé, a ajouté cette source. Claude Guéant leur aurait alors déclaré : «  Nous allons faire l’arbitrage  ». Stéphane Richard et Jean-François Rocchi auraient tous deux affirmé que Bernard Tapie était présent à cette réunion, de même que le secrétaire général adjoint de l’Elysée, François Pérol.

Dans un entretien accordé à Reuters, Bernard Tapie juge tout à fait légitime d’avoir été présent à l’été 2007 à une réunion à l’Elysée avec «  toute la chaîne de commandement  » concernée par le choix de recourir à un arbitrage pour solder son conflit avec le Crédit Lyonnais. L’homme d’affaires s’étonne aussi qu’on puisse lui reprocher sa proximité avec Nicolas Sarkozy, qu’il voyait «  environ tous les trois mois  », avant et après son élection en 2007.

«  Une décision comme celle-là, aller à l’arbitrage, ne peut pas se faire sans que toute la chaîne de commandement soit d’accord  », affirme-t-il, au lendemain de la mise en examen de Stéphane Richard, l’actuel PDG d’Orange.

Y auraient notamment participé Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée, et Jean-François Rocci, l’ex-président du Consortium de réalisation, chargé de gérer le passif du Crédit lyonnais, lui aussi mis en examen mercredi. «  S’il l’a dit, c’est que c’est vrai  », dit-il, soulignant qu’une telle rencontre «  précédait de six mois la décision définitive d’arbitrage  », qui lui a accordé 403 millions d’euros.

Aux yeux de Bernard Tapie, la ministre de l’Economie de l’époque, Christine Lagarde, a souhaité avoir un «  grand nombre de consultations, d’avis et d’expertises  » pour peser «  les avantages et inconvénients  » d’un arbitrage. «  Il est probable qu’ils m’aient demandé à l’époque en quoi c’était intéressant pour moi et pour eux de passer à l’arbitrage puisqu’on avait échoué dans la médiation  », explique-t-il.
«  Si François Hollande me demande de venir le voir, j’irai le voir  »

Prié de dire pourquoi cette rencontre se serait déroulée à l’Elysée, et non à Bercy, Bernard Tapie répond : «  Je n’ai pas choisi l’endroit où on souhaitait me recevoir.  » «  Ce n’est pas interdit que le secrétaire général de l’Elysée, que le directeur du cabinet de Me Lagarde et le directeur du CDR, qui sont toute la chaîne de commandement d’une décision comme celle-là  », souhaitent le voir.

L’homme d’affaires précise que toutes les autres réunions spécifiques à l’arbitrage se sont déroulées au cabinet de l’avocat du CDR. «  Sauf une fois, elles n’ont jamais eu lieu en ma présence, ni celle de Claude Guéant ou Stéphane Richard  ».

Selon des sources proches de l’enquête, Bernard Tapie a rencontré à plusieurs reprises Nicolas Sarkozy pendant cette période. Mais l’ancien ministre de François Mitterrand rétorque qu’il voyait l’ex-chef de l’Etat régulièrement depuis longtemps. «  J’ai vu le président de la République avant qu’il soit président tous les trois mois environ. Ça, c’est avant qu’il soit président, pendant qu’il est président et depuis qu’il n’est plus président.  »

Prié d’expliquer cette proximité, il répond : «  Qu’est-ce qui explique celle que j’avais avec François Mitterrand et avec plein de gens de gauche et plein de gens de droite. C’est simplement parce que je suis dans un univers (politique) que j’aime bien et pour lequel j’ai eu de bonnes idées.  » «  Si François Hollande me demande de venir le voir, j’irai le voir  ».

Contacté, l’entourage de Stéphane Richard n’a pas souhaité faire de commentaire. L’avocat de Jean-François Rocchi n’a pu être joint. La semaine dernière, Stéphane Richard avait indiqué la à l’AFP avoir participé à une réunion de «  validation  » de l’arbitrage à l’Elysée, sans mentionner le nom de Bernard Tapie
Nicolas Sarkozy «  ulcéré  » ?

Pour sa part, Europe 1 affirme que Nicolas Sarkozy est «  ulcéré  » de la remise en cause de l’arbitrage Tapie-Crédit Lyonnais. Selon la radio, qui cite un des proches de l’ex-président, Nicolas Sarkozy aurait chargé son ex-secrétaire général de l’Elysée de l’époque, Claude Guéant. Ce dernier lui aurait expliqué que l’arbitrage permettrait d’en finir avec une affaire qui avait déjà coûté 20 millions d’euros aux contribuables. Nicolas Sarkozy «  s’en serait alors remis à la sagesse de son bras droit sans poser de question  », écrit Europe 1.
Claude Guéant convoqué bientôt ?

En tout état de cause, l’étau se resserre sur Claude Guéant, déjà mis en cause dans l’affaire Bettencourt. Sa convocation semble très probable. Ce matin, Jean Peyrelevade, PDG de Léonardo & Co et ancien président du Crédit Lyonnais (de 1993 à 2003), en paraissait convaincu. «  Je pense que Claude Guéant a transmis une instruction. J’en suis assez convaincu,  » a-t-il dit sur Europe1. Jean Peyrelevade souhaite l’annulation de l’arbitrage accordant plus de 400 millions d’euros à Bernard Tapie en 2008. «  J’ai toujours eu la conviction que l’instruction venait de plus haut. Il a été reconnu explicitement par plusieurs participants à cette affaire qu’il y a eu des réunions à ce sujet dans le bureau de Claude Guéant (...)  De toute manière, quand on monte dans le bureau du secrétaire général de l’Elysée pour discuter d’un problème, c’est au minimum pour faire bénir une position  », a-t-il ajouté en faisant allusion au rôle de Stéphane Richard, qui lors de l’arbitrage, était le chef de cabinet de la ministre de l’Econoimie, Christine Lagarde (elle a occupé ce poste de 2007 à 2011).

De son côté, Fleur Pellerin la ministre de l’Economie numérique s’en est elle aussi pris à mots couverts à l’entourage de l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy. «  Cela met en lumière un système qui a été mis en place au cours de ces dix dernières années et je crois que ce n’est pas la seule illustration. Vous avez l’histoire des prélèvements en espèces sur les frais d’enquête de (Claude) Guéant, le financement libyen de la campagne (politique de Nicolas Sarkozy) de 2007. Vous avez l’affaire Bettencourt  », a-t-elle observé jeudi sur RTL.

http://www.lesechos.fr/economie-politique/politique/actu/0202826704731-richard-evoque-une-reunion-avec-tapie-a-l-elysee-575294.php